Post-vérité: chacun choisit de croire ce qu’il a envie de croire

L’émission « 20h55 le jeudi » sur France 2 a présenté en exclusivité ce 15 décembre un dialogue entre Vladimir Poutine et Nicolas Sarkozy qui avait été enregistré lors du G8 en 2007. On découvre l’ancien président français sortant groggy de l’entretien après une conclusion peu diplomatique de son homologue russe : « Si tu continues sur ce ton je t’écrase […] »


Deux jours après la diffusion de ce documentaire, je tombe sur une interview de Jean-David Levitte, l’ancien conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy. Il remet en question la véracité du reportage et met en avant les preuves qui démontrent que cette rencontre n’aurait, en fait, pas tourné au pugilat.

Ce cas anecdotique me paraît cependant symptomatique de l’ère post-factuelle: dans un premier temps le lecteur est attiré par une publication racoleuse (en l’occurrence diffusée par la première chaîne de TV publique française, à priori crédible). Les faits sont ensuite contestés par une personnalité influente, dont les propos sont relayés par un autre média de référence (le magazine Le Point). Chaque version devient plausible ou improbable; cochez ce qui vous convient.

Cette année 2016 a vu le débat d’opinion basculer dans une contestation systématique des faits. Exit les nuances de gris, cette course à l’information/désinformation nous promet une marge d’erreur constante de 50%. L’avantage, c’est qu’à chaque coup on sait à l’avance que l’un des protagonistes use de manipulation ou que son contradicteur fait preuve d’une mauvaise foi crasse. Allez savoir lequel…

Brexit, élections américaines, Syrie, 11 septembre, changement climatique, ondes électromagnétiques: comme dans une partie de morpion jouée par des machines, le résultat de ce jeu d’influence et de dupes est toujours nul. Désemparés nous choisissons de croire ce que nous avons envie de croire; la vérité n’est plus un fait mais une opinion.