Bureau individuel, à bas les privilèges ?

Dans une époque du “Tous pareils”, faut-il encore garder quelques attributs du pouvoir ? Dans ce contexte, le bureau individuel pour les cadres supérieurs et dirigeants est-il vraiment indispensable ? Ce débat, qui semble d’une autre époque, est loin d’être passé de mode. En privé, les opinions divergent.

Les inconditionnels

Incontestablement l’accession à un bureau privé est le résultat d’une carrière réussie. Après une série d’épreuves exigeant, entre autres du sang-froid et de la persévérance, un peu d’intimité et de confidentialité est accordée au récipiendaire. Mais contrairement aux idées reçues, le passage du seuil ne se fait pas comme un Consul aux portes de Rome, comme certains aimeraient le croire, mais il est plutôt vécu comme une rupture de convivialité avec ses anciens pairs. Désormais, la solitude guette son pensionnaire, enfermé entre ces quatre murs d’intimité.

Les psychosociaux

Certains n’admettent pas cette rupture et prônent au contraire le partage d’expériences, la proximité voire le nomadisme. Ils abhorrent les attributs du pouvoir et recherchent des relations plus humaines dans l’organisation. Pourquoi pas ?

La réalité

Une nomination à un poste de responsable est loin d’être neutre. Elle engage la responsabilité du titulaire qui appartient soudainement à une hiérarchie qu’elle soit subalterne ou supérieure. Une distance se met naturellement en place qui ne disparaîtra jamais. Il va falloir vivre avec. Cette différence doit être assumée, parce que plus on monte dans la hiérarchie plus les attributs du pouvoir deviennent importants et les décisions prises impactent l’ensemble de l’organisation. Lors de moments décisifs beaucoup de réflexions et de confidentialité sont nécessaires, porte fermée, hors des bruits de couloir.

La prison d’air des nouveaux CEO et leur impact sur les carrières

Cet été le quotidien économique Le Temps a publié une série d’interviews et d’analyses sur les CEO de Suisse romande. Venus d’Orient ou d’Occident, ils entrent soudainement dans les radars en cassant tous les codes existants. Fi des CEO cow-boys m’as-tu-vu, les nouveaux CEO de Suisse romande s’enferment dans une prison d’air, laissant les journalistes, les autorités locales et les cadres moyens ou supérieurs sur les bancs des indésirables. Les décisions sont prises maintenant dans un cercle confidentiel, hors des brouhahas. Sans être un mouvement de fond, cette rupture dans la sélection de directeurs généraux constitue un véritable changement d’état d’esprit des conseils d’administration.

Mais alors, quelles sont les conséquences pour les cadres et comment peuvent-ils s’en sortir ?

La fin des carrières monolithiques

La lente ascension des cadres dans une même structure, la création de réseaux internes, les jeux de pouvoir et les intrigues ont créé des baronnies qui nuisent à l’agilité et au développement des organisations. L’arrivée au sommet d’un nouveau patron, déconnecté des circuits locaux, met rapidement à mal cet establishment bien soudé. Bien entendu, on peut s’en réjouir : fini les passe-droits et les copinages, mais pour ceux qui voulaient se construire une carrière au sein de ces baronnies, il n’y a plus rien à espérer puisqu’à terme l’Élu sera nommé hors du sérail.

Cependant, tout n’est pas perdu.

Trois prescription pour discerner des opportunités

Les stratégies deviennent intelligibles

Auparavant, les nominations dépendaient le plus souvent de compromis où chaque cadre supérieur prenait le plus grand soin à ne pas marcher sur les plates-bandes des autres. Aux niveaux inférieurs des organisations, des palabres interminables autour des machines à café favorisaient les interprétations personnelles, bidouillées de rumeurs, de ragots et de phantasmes. Bonne nouvelle, maintenant tout est plus simple pour les cadres, il suffit de prendre une feuille de papier et d’écrire : “Compte tenu de la situation actuelle, de la visibilité de mon poste et de l’évolution des technologies ai-je une chance de survie avec l’arrivée du nouveau directeur général ? Oui ou non ?”. Tout devient simple, il n’y a plus qu’à bien comprendre sa valeur ajoutée et soigner ses prestations en interne afin d’éviter la politique de l’autruche.

Voir au-delà des murs

Apprendre le maximum de l’entreprise, évoluer, se former sont des éléments importants. Mais attention tout à une fin. Malheureusement. À cinquante ans les carrières atteignent leur asymptote. Si les réseaux internes suffisaient, aujourd’hui sa survie dépend de l’extérieur et ce n’est pas simple. Ses relations externes et leurs réseaux multiples doivent avoir été construits solidement pour être capable de regarder l’horizon sur les quinze prochaines années.

La stratégie du visible

Aujourd’hui, toutes les données sont disponibles devant nous : l’évolution des marchés, des technologies, des habitudes de consommation, de loisirs, des formes de travail… la liste ne sera jamais exhaustive. Des opportunités se créent pour ceux qui savent rester créatifs et attentifs à leur écosystème. Il faut alors garder ce qui est disponible pour l’intégrer habilement dans son entreprise actuelle. Les experts en nouvelles idées sont toujours très demandés.

L’œuf ou la poule ?

Ces réflexions font suite à l’article paru dans Le Temps du 30 août intitulé “L’outsider qui a remusclé Nestlé” dans lequel les journalistes Adria Budry et Rachel Richterich considèrent l’entreprise comme un géant endormi. Leurs commentaires sont pertinents, mais l’on doit se poser la question des cadres qui se sont laissés enfermer dans leur certitude, tel Merlin l’Enchanteur. Au vu des chamboulements actuels, les réveils vont être brutaux. Les conseils d’administration excédés du manque de réactivité de leurs cadres supérieurs peuvent attirer de plus en plus de directeurs généraux déconnectés de la vie locale. Qui a tort ? Le paradoxe de l’œuf ou de la poule va créer bien des chamboulements dont chacun en fera les frais : les salariés, la collectivité… Et les journalistes qui ne seront plus informés.

Le feed-back, ou comment recevoir des marrons toute l’année

Dans le métier de journaliste, un marronnier est un sujet qui revient tous les ans à la même période, comme les marrons, mais contrairement aux tomates espagnoles qui reviennent toute l’année. Le feed-back appartient maintenant à cette seconde catégorie. Au début de notre siècle, un feed-back se donnait une bonne fois pour toutes en fin d’année, juste avant les promotions et les augmentations. Bien entendu, tout se terminait en claquements de porte, aux yeux au beurre noir ou en nez qui saigne. Cela ne pouvait pas durer. Pour mettre fin à ces altercations, les DRH ont eu l’excellente idée de dissocier l’évaluation du comportement à celui des augmentations de salaires, en deux séances distantes l’une de l’autre. Mais pour les collaborateurs, il fallait être jobard pour ne pas faire le lien entre les deux.

L’article de Julie Eigenmann, journaliste au Temps, “Le feed-back en entreprise, mode d’emploi” nous propose une solution radicale : le feed-back toute l’année. Je voudrais mettre tout de suite moins d’exigence à ce mode de management anxiogène, coûteux en énergie et en retours de bâton.

En Suisse, on ne donne pas de feed-back

La raison est culturelle, si on ne veut pas d’ennui avec son voisin, le plus simple est de se taire. La Suisse est un petit pays, vous risquez bien de retrouver votre collaborateur capitaine à l’armée ou plus tard, le même, comme expert à votre prochain brevet fédéral. Raison supplémentaire, chacun essaye de faire son travail correctement, avec un excellent niveau de formation. Si votre collaborateur n’y arrive pas, vous devriez être en partie responsable.

Tout le monde n’accepte pas le feed-back

Il faut le reconnaître, il est plus facile de donner un feed-back que d’en recevoir. Pour certains, donner un feed-back procure un sentiment de pouvoir et d’influence, surtout s’il s’agit d’évaluer un subordonné. Il est facile pour eux d’en abuser. Ce mode de relation peut être celle des petits chefs qui veulent faire de leurs collaborateurs des clones à leur image. Mais, pour d’autres, donner un feed-back est extrêmement difficile parce qu’ils considèrent que cela est générateur de conflits. Ils jugent préférable de ne rien dire plutôt que d’avoir des collaborateurs démotivés par un jugement qu’il est parfois difficile de justifier. Par exemple comment dire à un collaborateur “qu’il irrite ses collègues” ?

Donner un feed-back est compliqué

Expérience faites, les mots utilisés ne vont jamais. La question lancinante se pose constamment : comment donner un feed-back à un jeune Y ou à un collaborateur avec vingt-cinq ans de loyaux services, protégé par la hiérarchie ? Vous observerez facilement que certains n’acceptent jamais de feed-back, d’autres ont des réactions émotives hors de proportion avec ce qui a été formulé, d’autres enfin en font un combat intime et vont vous pourrir la vie pendant les douze prochains mois. Bref, donner un feed-back ouvre des chemins imprévisibles et parfois insurmontables.

Quelques pistes pour ne pas rester amère

Réservez votre feed-back à ceux qui peuvent l’accepter et avec lesquels vous avez su créer un climat de confiance sur le long terme. En règle générale, adaptez votre évaluation en fonction de la personne qui est en face de vous. Si elle est confrontante ou fragile, alors assouplissez votre démarche et ne dites rien s’il le faut. Au contraire, si votre collaborateur recherche une progression, alors donnez-lui un feed-back sincère et positif où il pourra progresser. Pour les autres, franchement, laissez tomber : la bien pensance actuelle peut vous mener à des conflits invraisemblables.

On n’a pas d’ami dans l’entreprise

En coécriture avec Philippe Mougneau

En interne, Colette a trouvé un ami, enfin c’est ce qu’elle clame aux alentours et particulièrement auprès de ses équipes. Un ami pour l’aider à développer son projet de marketing digital dans sa société. Pendant, trois mois, elle et son collègue Benoit travaillent d’arrache-pied pour le présenter à la direction générale. Le succès est complet, la direction intéressée et le budget demandé est accordé quelques semaines plus tard… Sauf que, la direction du projet est confiée à Benoit. Colette est effondrée et on la comprend ; après tout, c’était son idée. Dans un moment d’émotion légitime, elle envoie un courriel incendiaire, copie à la direction générale qui s’étonne de sa réaction impulsive : la rupture de contrat est proche.

Quelles sont les deux réalités qu’aurait dû connaître Colette ?

L’idée n’appartient à personne. La raison est simple : pour la développer, il faut du temps, de l’argent et des connaissances. Si l’un de ces éléments manque, il faut la faire connaître et dès lors, elle appartient à tous. Bien entendu, Colette aurait pu travailler dans son coin, mais aurait-elle réussi à convaincre, seule, son comité de direction ? On peut toujours en douter.

Contrairement à ce que l’on peut penser, on n’a pas d’ami dans l’entreprise, on n’a que des alliés. Cela ne veut pas dire que l’on doit virer à la paranoïa. Dans le cas qui nous concerne, Colette avait trouvé un allié, c’est-à-dire une personne qui était prête à prendre son parti, mais seulement temporairement. Les causes du revirement de Benoit sont aussi multiples qu’imprévisibles et ne dépendent pas toutes de lui. Ces changements d’alliance sont un principe de réalité, on peut donc s’attendre naturellement à des volte-face.

Des prescriptions pour agir

Avant d’envoyer un courriel incendiaire à son management, Colette aurait dû attendre vingt-quatre heures et réfléchir aux conséquences de sa décision. Elle ne devrait pas contester de façon aussi virulente une décision venue d’en haut. Dans son cas, il n’y a plus rien à faire, même si la décision n’a aucun sens : elle est prise. Insister, c’est détruire son image en interne.

Maintenant, prenons cette histoire dans un autre angle. Du point de vue de la direction, Colette aurait-elle été la meilleure chef de projet compte tenu de sa charge de travail actuelle, de son profil, de son expérience ? Quel que soit le motif de cette décision, il ne s’agit pas d’une sanction mais sans doute la solution jugée par la direction comme la plus efficiente.

Du point de vue de Colette, elle aurait dû savoir qu’une alliance est toujours une opportunité certaine dont l’issue est quasi incertaine. En effet, toute alliance requiert à la fois de la résilience et du sang-froid.

L’intelligence émotionnelle, instrument de domination

3’600’00 sites ou articles dans Google. 60 références dans Le Temps uniquement pour le mois de janvier 2019. Ce déchaînement compulsif d’articles, de conseils et de vidéos devrait nous interroger sur les buts réels de cette intelligence innée ou non destinée à faire de nous des beaux-fils ou des belles-filles idéales.

L’intelligence émotionnelle n’est pas scientifique

L’intelligence émotionnelle a été popularisée dans une publication de Daniel Goleman, journaliste scientifique américain, au début des années 2000. Le concept plaît immédiatement. Lier l’intelligence à l’émotion est juste génial dans un contexte d’un management à l’affût de justifications psychosociales. Depuis l’AT (Analyse Transactionnelle) et la PNL (Programmation Neurolinguistique) fortement contestées dans les entreprises, l’intelligence émotionnelle a immédiatement occupé le marché de la formation qui lui tendait les bras. Vingt ans plus tard, cette forme d’intelligence n’a pas fait l’unanimité dans l’Alma mater et les articles scientifiques sérieux sont rares.

L’intelligence émotionnelle, c’est compliqué

Pour qu’un concept soit sérieux, il est préférable qu’il soit compliqué, beurreux et qu’il puisse s’insérer dans un courant dominant de la pensée. L’intelligence émotionnelle fait mieux : elle crée le concept. Avant Goleman, les émotions n’existaient pas, maintenant il faut les maîtriser pour contrôler sa vie. Ceux qui en sont dépourvus sont bannis de la société économique. Du reste on peut mesurer sans faillir les capacités émotionnelles des individus sur une échelle de 1 à 5 sur des dimensions multicritères profondément américaines dont l’extraversion et la rage de vaincre sont au centre des relations sociales (dixit Chanlat).

L’intelligence émotionnelle recherche à nous faire passer pour des moutons bien élevés

La vie au travail est différente. Il est nécessaire de défendre ses idées, faire trois choses en même temps, subir la pression sur les résultats. Alors l’intelligence émotionnelle est-elle plus utile que l’intelligence logique, verbale, politique ou relationnelle, etc. ? Dépourvu d’émotions, sommes-nous à la merci de colériques qui montrent leurs émotions et imposent leurs idées par la force ? Un manipulateur se cache-t-il derrière les experts de cette intelligence émotionnelle ? Enfin peut-on rester soi-même et garder son sang-froid ?

Faire mieux en moins compliqué

Finalement, les relations en entreprise devraient être plus simples. Un peu plus de culture, un peu plus de savoir-vivre, un peu moins d’obsession sur des résultats finalement inatteignables, juste un peu de réflexion et le tour est joué. Bien sûr ce microtravail sur soi est moins glamour.

Colis piégé, avec mode d’emploi

Juste avant les vacances d’été, Claude Béglé, aujourd’hui Conseiller National (député), nous livre un témoignage de son arrivée à la Poste Suisse en 2008 en tant que Président du Conseil d’Administration, dans son livre : “Un colis piégé, choc des cultures à la Poste, Éditions Favre, mai 2018”.

Merci à lui, des désastres verbalisés avec tant de naïveté ne sont pas légion dans les éditions du management.

Le pitch

Après un parcours international chez Nestlé, puis un court séjour chez Philip Morris, Claude Béglé rejoint les mondes des colis (TNT, DHL…) à des postes de direction générale : un parcours sans faute pour un HEC (Lausanne) avec Ph. D. Tout allait pour le mieux, quand une bonne fée, chasseuses de têtes, lui propose le poste de Président du Conseil d’Administration de la Poste Suisse : le Graal, le pinacle, la consécration, le sacre, l’apothéose, bref si vous préférez, le triomphe avec ses lauriers.

Et voici Claude Béglé face au Conseiller Fédéral (Ministre des transports), Moritz Leuenberger qui lui propose le poste de Président de la Poste, à moins que ce ne soit celui de directeur général ou encore la Présidence des CFF (trains suisses). Ça sent le sac d’embrouilles. Effectivement, après quelques mois de déshérence, sa nomination est enfin annoncée. Mais la saga ne fait que commencer.

Coup de théâtre. Lors d’une première séance, le futur ex-président de la Poste, Anton Menth, et le directeur général sortant, Ulrich Gygi, annoncent à Claude Béglé qu’ils ont déjà choisi le nouveau directeur général et lui interdisent en outre de rencontrer les membres du conseil d’administration. En clair, un redoutable dispositif de mise à feu de bombinettes, de fabrication entièrement suisse, est enclenché.

Trop tard. Notre héros, qui n’a pas les codes pour désamorcer le dispositif, s’engage dans un combat meurtrier. Sans réseau local, face à un Conseiller Fédéral dont le rôle n’est certainement pas de prendre position pour régler ce conflit de Pieds Nickelés, Claude Béglé se débat pendant douze mois sans admettre que son cas est désespéré.

Six prescriptions pour agir

  1. Demandez à rencontrer vos futurs proches collaborateurs avant de signer tout contrat de travail et d’abandonner le précédent. Trivial, mais pourquoi Claude Béglé ne le fait-il pas ?
  2. Arrivez les armes à la main pour obliger les incrédules à vous suivre.
  3. Ne croyez pas votre chasseur de têtes préféré lorsqu’il vous décrit un job de rêve dans une société prestigieuse, en pleine croissance : son agenda est différent du vôtre.
  4. N’entrez jamais en terrain miné sans une carte et un artificier de confiance : une fois sur le terrain le premier faux pas peut vous faire exploser.
  5. Lorsque vous êtes en place, ne comptez pas sur votre futur patron pour désamorcer un conflit même s’il en est responsable : il vous paie suffisamment pour résoudre le problème vous-même.
  6. Sans vouloir être paranoïaque, n’oubliez pas qu’une bombe peut en cacher une autre. Dans le doute, restez à couvert et ne bougez surtout pas.

Dix ans plus tard…

La Poste Suisse est au centre de scandales dont la presse se régale quotidiennement, tandis que les CFF (SNCF suisse) entrent dans un tunnel de tripotages tragicomiques.

Quant à Claude Béglé, il vit des jours heureux au Palais Fédéral, comme quoi un petit malheur peut cacher des emplois moins conflictuels et tout aussi prestigieux.

 

 

 

Jeunes diplômés, attention aux fausses croyances avant de rejoindre la vie active

Après des années de formation, l’arrivée des jeunes diplômés sur le marché du travail est un saut dans un nouveau monde, comme ceux que l’on trouve dans les jeux vidéo. Il est temps pour eux de prendre conscience de ce qui les attend.

L’entreprise est un lieu de créativité

Faux. Sans doute s’agit-il d’une incompréhension. La créativité dans l’entreprise est prise au sens d’améliorations continues, pas à pas, mais nous sommes loin des révolutions créatives. L’entreprise est  un lieu d’optimisation des marges, des coûts et des clients. On y parle de normes, de standards et d’objectifs, de rendement, d’efficacité mais surtout pas de révolution.

L’univers de l’entreprise est rationnel, logique et cohérent comme une montre suisse

Faux. Si vous pensez que l’entreprise est un monde rationnel et cohérent, vous faites fausse route. Dans la réalité, l’entreprise est traversée de multiples logiques paradoxales : les commerciaux s’opposent aux administratifs, les responsables de la qualité aux responsables de la fabrication. Coopérer devient un exploit que l’on vous demande d’accomplir quotidiennement, avec bonne humeur.

Tout le monde peut devenir un leader

Faux. Nous ne sommes pas tous des Angela Merkel, des Bill Gates, des Marc Zuckerberg ; nous ne sommes pas tous charismatiques. Il faudra faire avec. Faire son job, le mieux que l’on peut, n’est déjà pas très facile.

Il existe une vraie crise de leadership dans les organisations

Vrai. Il y a une vraie crise du leadership dans les entreprises. Il est très difficile de trouver des hommes ou des femmes capables de supporter des pressions venues sur 360° : collègues, hiérarchie, collaborateurs, clients. Pour gravir les échelons, il faut du temps pour comprendre ce qui se passe dans son entreprise. Toute forme de précipitation conduit les étoiles filantes du management en fines poussières.

Ceux qui parlent bien, qui savent se vendre auront des promotions plus facilement que les autres

Faux. Les donneurs de leçon, les politiciens en herbe, les péroreurs agacent plus qu’ils ne se valorisent. Vous les détestez ? Alors mettez-vous à la place de ceux qu’ils flattent et demandez-vous ce qu’ils en pensent vraiment ?

Adopter un profil bas

Vrai. Ceci est un corollaire du point précédent. Faites votre job d’expert, devenez la personne indispensable, en qui l’on a confiance, soignez vos relations avec les autres et laissez la politique et la stratégie aux grands.

Mon chef n’y comprend rien

Faux. Si vous pensez cela vous êtes déjà en difficulté. Votre chef a été nommé par une hiérarchie après de longues discussions. Ses qualités techniques et managériales ont été reconnues. Vous ne pouvez strictement rien contre lui. Au contraire, plus vous vous opposerez plus il vous exclura de ses réflexions et des promotions simplement parce qu’il pense que vous n’êtes pas crédible.

Dernier point, il faut beaucoup d’expérience pour progresser. Malheureusement.

Femina m’a tué

Il ne faut pas le cacher, l’hebdomadaire Femina, inséré dans le Matin Dimanche, est la référence bimbo de la Suisse romande, malgré des tentatives désespérées pour y inclure des articles de surface sur notre société de consommation.

Et tout à coup, mon univers s’est effondré

Dans son éditorial, Sonia Arnal, sa rédactrice en chef, bastonne deux fondamentaux de la pensée dominante : le bonheur au travail et la forme physique sans effort.

Alors, le bonheur au travail n’existe pas ? Vraiment ? Mais c’est impossible. Après toutes ces années de conseils numérotés de 1 à n, ces interviews de psy, pseudo-psy, thérapeutes, guérisseurs, rebouteux, conseillers en tout genre qui nous garantissaient des matins de pétales de roses, voilà que vous détruisez nos rêves. D’après vous, les relations de travail ne seraient que rapports de force et de lutte de pouvoir ? Mais savez-vous que les sociologues français se sont acharnés depuis les années soixante à évacuer ces notions ? Que peu d’universitaires ont réfuté leurs thèses ? Et puisque nous sommes en France, restons-y. Osez-vous me dire que les grèves à la SNCF sont une exacerbation des rapports de travail alors qu’il s’agit de défilés entre copains et coquines à l’arrivée du printemps ?

Mon cœur a commencé à flancher. Un voile gris m’a submergé. Crispé sur l’édito, j’ai lu la suite. Et je suis d’accord avec vous : la forme physique est une lutte permanente. Pour faire une dérisoire performance aux 20 km de Lausanne, trois entraînements hebdomadaires sont indispensables, qu’il pleuve, neige ou vente ou même les trois en même temps, alors que d’autres ont l’immense chance de rester en forme en se gavant de croissants et de brioches. Mais c’est uniquement une question de métabolisme parce que d’autres, par quelques mouvements de yoga simples et de bols de thé aux herbes comme vous le dites si bien dans vos pages, peuvent perdre du poids avec délice (p. 21 du 8 avril 2018).

Heureusement, l’exactitude de l’horoscope de Femina (p. 33) m’a sorti de mon coma : “Cette semaine, dit-il, sera à marquer d’une pierre blanche car vous aurez l’occasion d’accomplir un acte magnifique auquel vous n’auriez pas pensé si un événement ne vous avait pas touché”. J’ai sorti mon VTT et suis allé faire le parcours de 20 km au Chalet-à-Gobet (sous la pluie).

Le cauchemar de la lettre de motivation

Une carrière professionnelle dure une quarantaine d’années environ. C’est à la fois court, en regard de l’éternité, mais long dans un contexte où les emplois ne sont plus garantis à vie. Phénomène alarmant, une carrière, comme tout produit de consommation, se compose de trois périodes : une période de lancement professionnel, son développement et son inévitable déclin. Ces trois périodes ont un point commun : l’impérieuse nécessité de rédiger au cours de sa vie professionnelle un CV (le plus facile), et la lettre de motivation (le cauchemar). Ce blog s’intéresse à cette dernière.

Parue dans le réseau professionnel LinkedIn Yves Gauthier nous donne deux excellents exemples de lettre de motivation. Dans la première, le candidat flatte, dans la seconde il montre ses compétences dans le domaine d’expertise recherché l’entreprise. À votre avis, lequel des deux va-t-elle choisir ?

Ce qui est particulièrement intéressant dans le blog d’Yves Gauthier est de répondre à la question : “Comment proposer aux entreprises qui recrutent les compétences dont elles ont besoin ?”.

La réponse est simple.

La lettre de motivation se prépare

Pour les étudiants, avant de faire un Master, il est préférable de se poser la question des expertises recherchées, questionner ses professeurs, consulter la littérature. La question des compétences sur le marché du travail doit être au centre de leurs réflexions, en particulier pour le choix de leur Mémoire de Master. Rédiger un mémoire de Master sur “L’ouverture d’un restaurant bio à Carouge” ne constitue en rien une compétence sur un marché du travail qui recherche des experts dans des domaines dont elles sont en manque cruel de compétences. A l’inverse, un mémoire ciblé sur l’utilisation des réseaux sociaux ou l’analyse des “big datas” en marketing des biens de consommation auront plus de chance d’attirer le regard des entreprises qui recrutent.

Sortir la tête du guidon

Cette injonction est certes devenue un lieu commun. Mais une fois dans l’entreprise, combien vont-ils se préoccuper de leur environnement économique ? Une infime minorité. Or l’entreprise évolue sur des marchés compétitifs, elle se transforme et avec elle les compétences de ses collaborateurs. Ce qui est indispensable en 2018 ne le sera plus en 2025. Les journaux économiques produisent une quantité d’informations qu’il faut absolument décrypter dans le continuum de sa vie professionnelle.

Chercher ailleurs

Aujourd’hui, il ne faut pas se fermer les yeux. A 50 ans la fin de carrière approche. La reconversion la plus probable est celle de l’auto entreprenariat. Pourquoi pas, mais attention : il faut proposer un produit ou un service innovant et surtout avoir une expertise commerciale et marketing bien rodée. Sachez aussi que proposer sur le marché vos capacités de management d’équipe ou de gestion de projets ne sont plus un critère d’expertise au-delà de 50 ans.

La lettre de motivation se prépare deux ans à l’avance

Finalement, doit-on parler de lettre de motivation ou de lettre de plan d’expertise ? Sans doute est-ce facile à dire, mais une lettre de motivation se prépare trois ans à l’avance. Dès les premiers signaux faibles, sortez la tête du guidon et mettez tout en oeuvre pour ne pas tomber sur le terrain de ceux qui glissent gentiment vers les placards (pour les plus chanceux) ou la porte pour les étourdis. Aujourd’hui tout est devant vous : les chasseurs de têtes, les sites d’entreprise, le web, les chambres de commerce, les associations professionnelles… Ne vous faites pas surprendre.

Encadrer les parcours de soins

Quand un sociologue parle de son champ d’étude, non seulement il en parle bien, mais en plus, il en parle avec affection. Frederik Mispelblom Beyer n’échappe pas à la règle. Dans son dernier ouvrage “Encadrer les parcours de soins“, il nous ouvre les portes des actes et des gestes du personnel soignant et de ceux qui les encadrent. Loin des modèles proposés dans les manuels de management et des référentiels de compétences, il adopte un point de vue iconoclaste. “Non, dit l’auteur, les managers ne passent pas leur temps à planifier, ordonner et contrôler mais plutôt cahin-caha et leur travail ressemble à celui du ménage : il se voit quand il n’est pas fait”.

L’auteur nous propose des questions au ras des pâquerettes : comment les managers des soins font-ils pour être à la hauteur ou être simplement informé de ce qui se passe dans leur service ? Comment font-ils pour faire tout en même temps ? C’est bien cela qui est intéressant car ainsi que le dit F. Mispelblom “Encadrer des équipes, c’est se débrouiller entre plusieurs sources de contraintes de nature et de pression différentes et aussi de savoir quelle pression on peut exercer soi-même en fonction de sa morale et de sa trajectoire”. Tout cela dans un univers où d’anciens collègues, des supérieurs hiérarchiques deviennent des adversaires voire de véritables des ennemis qui ne veulent pas qu’ils réussissent.

Finalement, nous pouvons nous poser la question de s’il existe dans les fonctions de management des différences fondamentales entre les cadres de santé et ceux d’autres organisations des secteurs publiques ou privées ? Nous pouvons supposer que non, heureusement ?