Les conflits dans les organisations avec une mauvaise gouvernance surviennent invariablement selon la même tournure fatale. Il faut d’abord une trilogie. Un parachuté avec un beau pedigree. Un blackboulé revanchard. Un RH qui veut sauver le monde. Mais ça arrive aussi avec “Une”, sans que rien ne change fondamentalement dans la narration.
Le beau parachuté.
Sans doute s’est-il survendu ? Sans doute a-t-il cru à la bonne aubaine ? Sans doute a-t-il sous-estimé les difficultés ? Toujours est-il qu’un beau matin, il est convoqué dans le bureau du big boss qui lui annonce tout de go que son équipe se plaint de mobbing, de manque d’écoute, d’incompréhension, de balourdise, d’irrévérence. Rayez les mentions inutiles mais conservez un panaché qui fasse sensation. Entre nous, le parachuté aurait dû s’y attendre. Même les bruits de couloirs les plus feutrés atteignent toujours leur destinataire soit par intérêt, soit par fourberie ou par erreur. Trois attitudes fondamentales sont nécessaires pour ne pas glisser sur la pente savonneuse. Premièrement, faire immédiatement preuve d’empathie, s’attendrir aux difficultés du revanchard… Et même le verbe s’apitoyer n’est pas excessif. Deuxièmement, donner des exemples de dysfonctionnements sur un ton linéaire et contrit. Enfin, rappeler son ambition, sa vision et ses objectifs inexorables. Si le beau parachuté est suffisamment crédible pendant ces minutes fatidiques, il aura gagné une victoire d’étape.
Le revanchard
Le revanchard est malveillant, mais surtout pitoyable et c’est justement ce dernier adjectif qui le sauve. Le RH a pitié de lui. Comment peut-on dégommer un pitoyable ? Il se plaint, il a mauvaise mine, malgré sa semaine de congé maladie. Il a tout fait juste, mais il est prêt à se remettre en question. Faire allégeance ? Mais pourquoi pas à condition que le parachuté lui dise au moins ce qu’il doit faire ? Ce qui entre-nous est rusé, la charge de la preuve appartient à l’autre. Dans son genre, le revanchard est un petit génie.
Le RH bienfaiteur de l’humain en détresse
Il faut bien comprendre que le RH a un rôle transversal et qu’il ne peut pas agir de manière frontale. Il faut tenir compte de que l’on appelle la “Realpolitik” et privilégier le réalisme et le pragmatisme. En d’autres termes, il est nécessaire pour le parachuté de mettre le RH dans la poche, de l’inviter à déjeuner pour lui parler de sa peine et de sa famille. Un grand moment d’apprentissage ou une servitude, c’est selon, mais assurément un mal nécessaire pour sauver définitivement sa peau.
Un cruel dénouement
Si le parachuté n’a pas traité cette épreuve avec légèreté. Si ses réflexions et la mise en œuvre de ses réseaux ont été conduites avec discernement et persistance, le revanchard sera mis sur la touche en deux temps. Remarquez qu’il faudrait plutôt dire “se met sur la touche” en deux temps parce que l’émotion est mauvaise conseillère. La première parce qu’il va s’exclure de lui-même par une succession d’arrêts maladies, la seconde par la recherche d’un employeur bienfaisant qui l’accueillera les bras grands ouverts, croit-il.