Le fait d’armes pour sortir du lot ?
La croissance effrontée, les fusions et acquisitions, la mondialisation, mais aussi télétravail, anonymisent les collaborateurs des grandes organisations qui disparaissent dans une masse d’experts, de spécialistes, de polyvalents ou de CDD. Clairement, plus l’individu s’éloigne du sommet de la pyramide hiérarchique, plus il perd en visibilité, en droit de parole, en autonomie. Bien sûr les projets communs et les structures transversales facilitent la reconnaissance mutuelle des individus mais cela reste insuffisant. Pour progresser, faut-il s’en remettre aux programmes de détection des talents pilotés par les ressources humaines ? Oui, bien entendu, parce que chacun à sa chance d’être remarqué. Mais il ne faut pas se leurrer, les décisions de nomination appartiennent à quelques décisionnaires haut placés.
Alors que faire ? Il n’y a pas d’examen à passer, personne à tirer par la manche, peu d’opportunité à saisir… Quant à exceller dans son travail, tous ceux qui veulent gravir les échelons hiérarchiques ne restent pas les bras croisés… Bref, le chemin de la réussite est étroit, sinueux, imprévisible et surtout les cartes font défaut.
Du côté des prétendants à la promotion que peut-on constater ? Les pressions continuelles, la recherche de la perfection, le manque de perspective, la peur de l’échec font entrer dans la vie de chacun une forme de routine dont il est difficile de percevoir le dénouement. Pour évoluer faut-il alors changer de travail ? Certainement pas à la suite d’un coup de tête, mais après de sereines réflexions. Le risque est de se retrouver douze mois plus tard dans la même situation, sans plus de perspectives.
En regardant en arrière, je m’aperçois que tous ceux qui ont progressé dans leur organisation ont tous accompli un fait d’armes. Je m’explique. Un fait d’armes, c’est-à-dire accomplir une action héroïque qui s’impose à vous naturellement, sans que personne ne vous ait demandé quoi que ce soit. Une cause à défendre, si vous préférez. Un fait d’armes n’est ni une augmentation spectaculaire de chiffre d’affaires, ni la réussite d’un projet ou encore moins la réalisation une présentation remarquable. Ça, c’est votre job. On vous paie pour cela. Non, un fait d’armes doit étonner, créer une légende autour de vous. Bien entendu, il y a des risques à prendre. Ce fait d’armes doit vous extirper du monde des gestionnaires pour basculer dans le monde des héros.
Certains disent que c’est impossible. Évidemment, on peut toujours démontrer qu’un fait d’armes est insensé dans une organisation faite de process et de contrôles où les marges de manœuvre sont limitées et la routine érigée en valeur divine. On peut aussi arguer par de multiples exemples que tout écart de conduite, toute observation critique est considérée comme un manque de loyauté. Certes, mais d’un autre point de vue, les organisations recherchent des leaders ou si vous préférez, des héros. Deux exemples récents démontrent la faisabilité du fait d’armes.
Le premier est un responsable informatique exaspéré par les remarques incessantes des coûts élevés de son service. Il construit avec son équipe un plan stratégique où il définit un contrat de confiance avec ses clients internes, des centres IT écologiques et un effort important sur la sécurité.
Le second concerne le responsable d’un centre de recherche dont les moyens stagnaient depuis plusieurs années alors que les projets devenaient de plus en plus nombreux. Il a aussi réfléchi et créer un pool de fournisseurs capables de faire des analyses bactériologies plus rapidement qu’en interne. Il a pu affecter les ressources ainsi dégagées aux projets de sa société à moindres coûts.
Bien entendu, il a été nécessaire d’avoir des réseaux solides, de la chance, mais surtout de savantes réflexions dans l’art de faire pencher la balance en sa faveur. Sinon, il vaut mieux abandonner le combat. Ces deux managers ne se sont pas laissés enfermer dans un discours neurasthénique. Ils ont été tous les deux promus.