Défaillance des systèmes de contrôle, malversations économiques, multiplications de projets de transformation inintelligibles, frénésie sur des coûts, internationalisation à outrance, les scandales des entreprises péjorent certainement plus leur image que les axiomes du libéralisme.
Cas du Crédit Suisse
Une série d’articles, parue dans Le Temps de ce premier semestre 2021 (Mathilde Farine et Sébastien Ruche) met en lumière la spirale de dysfonctionnements qui ont conduit le Crédit Suisse à affronter une série de scandales dont la banque aurait bien voulu se passer.
Contextualisons.
Déjà empêtré dans la mise en examen puis du suicide d’un de leur gérant d’affaires, le Crédit Suisse se retrouve au centre de la débâcle de Greensill, société britannique de services financiers en faillite, puis de l’implosion d’Archegos, société de fonds spéculatifs (hedge fund).
Les tribulations de la banque ne sont pas orphelines, elles s’appliquent à toutes les entreprises ou presque et coûtent la carrière à de nombreux CEO et de présidents de conseil d’administration.
Les trois dysfonctionnements naturels
La technologie fait des miracles
Malgré les efforts déployés par les responsables des techniques de l’information et de la communication, les outils proposés ont laissé croire que tout était possible : rencontres par vidéo conférence, outils de gestion universels, décentralisation des ressources humaines, clients potentiels traqués sur le Net, infrastructures décentralisées dans le monde. Mais il ne faut pas se leurrer, toutes ces belles techniques ont leurs limites. J’en vois au moins trois :
- Solitude du télétravail qui met les collaborateurs dans une situation qui les réduit à une simple ressource parmi d’autre, reliée à un numéro de téléphone ou un courriel.
- Les collaborateurs en particulier les managers se voient contraints de coordonner des activités au niveau mondial qui nécessitent des horaires démentiels pour organiser une séance de travail avec un chinois, un américain et un Européen.
- Enfin et certainement le plus grave, la plupart des membres de conseils d’administration ne maîtrise pas l’implication des nouvelles technologies. On pourrait poser la question de connaître ceux qui sont capables d’expliquer en termes simples ce qu’implique pour leur organisation l’émergence de l’intelligence artificielle, des “big data” ou des “block chain”. Je crains qu’il y en ait malheureusement très peu et je mets les CEO dans la même barque.
Les contrôles et la compliance font des miracles
Certainement pas, car enfin, l’empilement de régulations nationales, européennes et internationales qui s’ajoutent aux règles internes de contrôle tient plus du casse-tête que de la maîtrise de l’environnement réglementaire. Le résultat est de les oublier ou de les contourner (voir le cas du gérant d’affaires du CS).
Enfin la surestimation de personnages charismatiques
Comme les dysfonctionnements s’accumulent quoi de plus simple que de reposer sur des managers charismatiques, seuls capables de changer le monde. La recherche ardente de hauts potentiels tient de cette logique, après quoi, se sentant chouchoutés et protégés, plus rien ne les empêche de déraper. Je ne suis pas en train de dire qu’il ne faut plus de leader, mais quand même, un peu plus de modestie s’impose.
Vers qui se tourner ?
Justement vers personne, sinon vers plus de simplicité car les conseils d’administration et les CEO ne comprennent pas et surtout ne voient pas tout, simplement parce que la plupart des dysfonctionnements leur sont cachés. Alors, il suffit de laisser le champ libre aux cadres parce qu’il est rare que l’un d’entre eux déraille naturellement.