Cinétiques stratégiques

Comment rendre invisible le visible ? La méthode RTS décryptée en quatre points

Un aide-mémoire pour les directeurs d’institutions publiques ou privées pris en flagrant délit d’ignorance.

L’ancien présentateur vedette de la RTS, Darius Rochebin, mit gravement en cause par Le Temps ainsi que deux autres cadres, nécessitait un timing et une réponse appropriée. Celles de M. Pascal Crittin, son directeur général, tiennent au sublime. Mais comment s’y est-il pris ?

Un timing parfait

Le Temps paraît à six heures du matin. Afin de ne pas donner un sentiment de panique, rien ne se passe durant le journal de la mi-journée. Au 19 heures 30, la réponse est donnée en fin de journal, juste avant l’annonce du décès de Sean Connery qui a envoûté notre âme de cinéphile. Une coïncidence qui ressemble furieusement à une aubaine.

Une émotion calculée

Surtout pas de déni, mais des émotions. Il ne faut pas hésiter à en mettre sur la tartine. “Je suis choqué”, “je suis heurté dans mes valeurs”, “je suis indigné”, “nous avons pourtant tout fait”, etc. Le ton est linéaire, pas de tragédie, pas de larmes, bref M. Crittin inspire confiance. Personnellement, j’aurais ajouté au moins une phrase choc – “je suis groggy” – et quelques superlatifs pour montrer un peu plus d’émotions vraies (gravissime, extrêmement, au plus haut degré, etc.).

Minimiser

À l’époque des truffes, les commerçants ne vendent jamais au kilo, mais au gramme, c’est moins cher. Les bonnes recettes font les bons communicateurs, M. Crittin n’hésite pas à dire : “il s’agit de trois plaintes, sur deux mille collaborateurs”. En même temps, il insiste sur les difficultés rencontrées : “il faut qualifier, ce n’est pas simple… Les dispositifs mis en place ne fonctionnent pas assez bien”. Décidément, j’adore la rhétorique.

Conclure en énonçant les mesures

Les fondamentaux de la communication de crise sont présents : appels à une société externe, à des auditeurs, à des personnes sans faille, des experts indépendants, une enquête interne, la liste n’est pas très longue, mais ces mesures doivent créer un climat de confiance et donner une vision positive du “plus jamais ça”.

La réalité de la réalité

M. Crittin était-il informé des avatars de ses cadres et de son présentateur vedette ? Indubitablement, pour trois raisons. La première est la diffusion de l’information dans les organisations circule plus vite que les courriels. La deuxième, dans toutes les institutions, il y a toujours une personne qui a un intérêt à la dénonciation, soit pour déstabiliser, se faire valoir, par délectation ou même par bêtise… Les motivations sont infinies. Enfin, un directeur général qui n’est pas informé est suspect. Comment diriger des collaborateurs sans savoir ce qui se passe de grave dans son institution ? Je laisse le conseil d’administration le soin de régler la question. Je ne les envie pas parce que les langues vont se délier et les barrages se rompre. Les prochaines semaines seront riches en émotions.

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