Cinétiques stratégiques

On n’a pas d’ami dans l’entreprise

En coécriture avec Philippe Mougneau

En interne, Colette a trouvé un ami, enfin c’est ce qu’elle clame aux alentours et particulièrement auprès de ses équipes. Un ami pour l’aider à développer son projet de marketing digital dans sa société. Pendant, trois mois, elle et son collègue Benoit travaillent d’arrache-pied pour le présenter à la direction générale. Le succès est complet, la direction intéressée et le budget demandé est accordé quelques semaines plus tard… Sauf que, la direction du projet est confiée à Benoit. Colette est effondrée et on la comprend ; après tout, c’était son idée. Dans un moment d’émotion légitime, elle envoie un courriel incendiaire, copie à la direction générale qui s’étonne de sa réaction impulsive : la rupture de contrat est proche.

Quelles sont les deux réalités qu’aurait dû connaître Colette ?

L’idée n’appartient à personne. La raison est simple : pour la développer, il faut du temps, de l’argent et des connaissances. Si l’un de ces éléments manque, il faut la faire connaître et dès lors, elle appartient à tous. Bien entendu, Colette aurait pu travailler dans son coin, mais aurait-elle réussi à convaincre, seule, son comité de direction ? On peut toujours en douter.

Contrairement à ce que l’on peut penser, on n’a pas d’ami dans l’entreprise, on n’a que des alliés. Cela ne veut pas dire que l’on doit virer à la paranoïa. Dans le cas qui nous concerne, Colette avait trouvé un allié, c’est-à-dire une personne qui était prête à prendre son parti, mais seulement temporairement. Les causes du revirement de Benoit sont aussi multiples qu’imprévisibles et ne dépendent pas toutes de lui. Ces changements d’alliance sont un principe de réalité, on peut donc s’attendre naturellement à des volte-face.

Des prescriptions pour agir

Avant d’envoyer un courriel incendiaire à son management, Colette aurait dû attendre vingt-quatre heures et réfléchir aux conséquences de sa décision. Elle ne devrait pas contester de façon aussi virulente une décision venue d’en haut. Dans son cas, il n’y a plus rien à faire, même si la décision n’a aucun sens : elle est prise. Insister, c’est détruire son image en interne.

Maintenant, prenons cette histoire dans un autre angle. Du point de vue de la direction, Colette aurait-elle été la meilleure chef de projet compte tenu de sa charge de travail actuelle, de son profil, de son expérience ? Quel que soit le motif de cette décision, il ne s’agit pas d’une sanction mais sans doute la solution jugée par la direction comme la plus efficiente.

Du point de vue de Colette, elle aurait dû savoir qu’une alliance est toujours une opportunité certaine dont l’issue est quasi incertaine. En effet, toute alliance requiert à la fois de la résilience et du sang-froid.

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