“My métropole is pro-business!”

En 2014, Manuel Valls, alors Premier ministre de la République française, avait déclaré lors d’un déplacement à la City de Londres: “My government is pro-business“. Au-delà de l’accent de rigueur pour tout ministre français s’exprimant en anglais, cette phrase a suscité d’importantes réactions au sein de la gauche hexagonale. La raison en est simple: la déclaration de Manuel Valls avait un sens précis. Pour lui, être “pro-business”, c’est porter la politique sociale-libérale que nous connaissons: diminuer les charges des entreprises, réduire leur fiscalité, augmenter les abattements pour les investissements productifs ou les dépenses de recherche et développement. Il s’agit de cette fameuse politique de l’offre, qui considère que les problèmes de l’économie française tournent autour du taux de marge et du coût du travail, et qu’il y a lieu de restaurer la compétitivité, probablement l’un des mots les plus utilisés du quinquennat depuis le rapport de Louis Gallois.

Quelques temps après, Manuel Valls avait aussi déclaré: “J‘aime les entreprises” en allemand, dans une phrase qui est à la fois une illustration dramatique de ce qu’est devenu le langage politique et une sorte de lapalissade, comme s’il s’agissait de choisir entre l’amitié et la détestation envers quelle entité que ce soit lorsqu’on dirige le gouvernement d’un pays. Là non plus, le débat suscité par ces petites phrases avait porté, heureusement, non pas sur l’inanité de la formule mais sur le fond.

La compétitivité économique est au cœur du débat public en Suisse aussi. Immédiatement, vous pensez à la troisième réforme fédérale de l’imposition des entreprises (RIE III)? Détrompez-vous: si la suppression des statuts spéciaux est évidemment nécessaire, cette réforme introduit des astuces fiscales bien trop nombreuses qui auront pour effet de priver les collectivités, notamment les villes, de précieuses ressources. Or, c’est justement de cela qu’elles ont besoin pour s’assurer, et assurer à leur région, une compétitivité durable. Et celle-ci passe avant tout par de bons réseaux de transport.

Sur sept facteurs d’appréciation concernant la qualité de la localisation définis par le Credit Suisse, trois concernent les transports, un seul la fiscalité des personnes morales (p. 7).

Pour l’exprimer avec les mots du Credit Suisse dans sa récente étude intitulée Qualité de la localisation 2016, “même un site fiscalement attrayant et disposant d’une main-d’œuvre spécialisée peut ne pas convenir à une entreprise s’il lui manque un environnement commercial approprié” (p. 18). Autrement dit, l’existence d’infrastructures de qualité est une condition nécessaire de cette fameuse attractivité économique, et cela passe, dans les zones urbanisées où se concentre aujourd’hui la création d’emploi, par les transports publics. Citons encore le Credit Suisse: “La densité des réseaux de transports publics (TP) contribue fortement à l’attrait d’un site, en particulier dans les zones urbaines” (p. 18 également).

Les investissements dans les réseaux de transport ont un autre avantage: ils améliorent les conditions-cadres d’une façon qui est difficile à concurrencer. Là où un pays peut, en quelques années, changer totalement son système d’imposition, il lui sera nettement plus difficile de construire en si peu de temps des infrastructures de haute qualité. Tout ceci nous amène à un autre sujet de votation du 12 février prochain, le Fonds pour les routes nationales et le trafic d’agglomération, qui permettra des adaptations ciblées du réseau des autoroutes et surtout la poursuite du soutien aux projets de transport dans les agglomérations (qui a donné des succès comme le m2, plusieurs nouveaux trams à Genève, etc.). Renforcer le site économique suisse tout en améliorant la qualité de vie des habitants est donc l’enjeu de ces votations, mais pas forcément là où l’on croit. Pour des métropoles pro-business durables, il nous faut un oui au projet FORTA.

Benoît Gaillard

Qu'est-ce qui nous réunit? Comment réaliser la solidarité aujourd'hui? De quelles règles avons-nous besoin? Benoît Gaillard défend et illustra la puissance du collectif dans un environnement marqué par l'individualisme et la mondialisation. Il est conseiller communal socialiste à Lausanne.

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