Lutter contre le fléau qu’est le racisme

Il y a quelques jours, en Allemagne, neuf personnes innocentes ont perdu la vie sous les balles d’un adepte de l’extrême droite violente. Le manifeste qu’il a laissé ne laisse aucun doute, son acte odieux était motivé par une idéologie raciste et complotiste.

Alors qu’il n’y a pas de définition précise du racisme, dans son acception large, il s’agit d’une idéologie qui postule une hiérarchie des races, des cultures ou des religions, ce qui justifierait, selon cette vision, la discrimination et l’hostilité violente envers un groupe humain, perçu comme inférieur, ou comme une menace à sa propre identité.

Même si la Suisse est épargnée par de telles manifestations de violence extrémiste, le dernier rapport du réseau de centres de conseil pour les victimes du racisme relevait que la discrimination raciale se manifeste principalement sous deux formes : les insultes et les inégalités de traitement. Ce rapport, qui résume les cas de racisme rapportés dans 24 centres spécialisés helvétiques, évoque en outre que le lieu de travail, mais aussi l’école, demeurent les espaces où l’inégalité est la plus fréquente.

Afin de sensibiliser les milieux professionnels et les citoyens, la Semaine d’action lausannoise contre le racisme de cette année 2020, qui aura lieu du 16 au 21 mars, célébrera les 25 ans de l’entrée en vigueur de la norme pénale antiraciste (art.261bis CP) qui interdit toute discrimination raciale ayant lieu dans le domaine public. Cette norme est un acquis historique important pour fixer des lignes rouges – tout en respectant le principe de la liberté d’expression – afin de préserver la cohésion sociale d’une Suisse de plus en plus diversifiée.

Pour cette édition 2020, le Bureau lausannois pour les immigrés (BLI) a organisé et coordonné, avec une importante liste de partenaires, un riche programme afin de déployer sur le terrain des actions symboliques contre le racisme, en visant notamment à toucher notamment les jeunes Lausannois·e·s. De plus, l’événement sera le point de départ de la campagne annuelle visant à faire connaitre la Permanence Info-racisme du BLI, qui est au service des victimes d’actes racistes sur le territoire lausannois.

Ce vaste programme comprend aussi une soirée de débat sur l’article 261bis, co-organisé par le BLI et le Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme (BCI). Le but de cette rencontre réunissant des décideurs politiques, des juristes et des professionnels qui travaillent dans le domaine de la lutte contre le racisme, est de rendre compte, de façon dépassionnée, de l’impact de cette norme et de son efficacité face au déversement de haine et de pensées extrémistes sur internet. En fait, même si les incidents rapportés plus haut révèlent une certaine constance, il en ressort une forte recrudescence des incidents à caractère raciste, antisémite et islamophobe sur les réseaux sociaux et les commentaires en ligne des journaux.

Pour ne rien manquer de ce riche et passionnant programme, rendez-vous sur www.lausanne.ch/racisme.

Small is beautiful

Le fait national, en tant que réalité historique, émerge en force au XVIIIe siècle, en se substituant graduellement aux différents modes de légitimité qui étaient autrefois dynastiques ou théocratiques. Dans la plupart des pays européens, et au-delà, le projet national est caractérisé par une certaine amnésie collective vis-à-vis du passé, autrement dit par l’effacement progressif des particularismes culturels régionaux et l’affirmation d’une identité nationale culturellement homogène. Dans certains pays du monde qui ne connaissent pas des régimes démocratiques, ce processus s’est déroulé dans la violence et la discrimination à l’égard des minorités, ce qui a suscité des griefs historiques et des revendications politiques sécessionnistes.

La dite question nationale revient en force avec l’émergence progressive de revendications régionales en Europe, mais aussi par le biais d’un discours focalisé sur l’immigration, respectivement sur l’altérité, décrit comme une menace à l’unicité culturelle. Ces rhétoriques se déroulent dans un contexte de bouleversements qu’engendre l’économie mondiale, notamment sur les modèles économiques nationaux et du rôle de l’Etat providence. Ces changements ont donc clairement aussi un impact sur les équilibres sociopolitiques intra-nationaux, mais aussi sur le vivre ensemble, perçu ou réel, avec des personnes et populations en provenance d’horizons lointains. Ce sentiment, est renforcé par un repli identitaire qui est davantage inhérent à l’individualisme – lire aux façons de vivre moins communautaires – et des dynamiques modernes qui l’accompagnent, qu’à la diversité grandissante de ces sociétés.

Dans cette constellation, le cas helvétique est particulier, et sur ce deux plans. D’une part, il est réfractaire au modèle Etat-national en prônant le lien confédéral et de subsidiarité afin de cultiver l’unité politique fédérale dans sa diversité cantonale et communale. Plus concrètement, son système assure, grâce à ses mécanismes du fédéralisme – caractérisé par une forte décentralisation et parallèlement une délégation volontaire de certaines compétences depuis le bas vers le haut – de la démocratie directe, et du consensus, un équilibre entre ses diverses composantes culturelles et politiques. D’autre part, l’important pouvoir décisionnel et d’organisation des entités locales, les cantons, mais notamment celui des communes, facilite le travail d’intégration harmonieuse des personnes migrantes, qu’elles soient d’origine européenne ou en provenance d’horizons culturels lointains.

Le lien national, et dans notre cas confédéral, est une quête permanente d’équilibres à la fois régionaux, culturels, mais aussi socioéconomiques, et de solidarités entre régions riches et moins abondantes. C’est une unité dans la diversité. La construction politique et économique européenne incarne aussi une formule censée atténuer les particularismes, tout en accentuant la diversité de ses composantes dans un lien politique et culturelle commun. Des Etats voisins louent les mérites suisses et tentent aussi, en l’avouant à demi-mot, d’imiter sa formule, sur plusieurs plans, mais elles n’y parviennent pas. On voit par exemple que les Gilets jaunes veulent introduire un “référendum d’initiative citoyen”, mais s’il était mis sur pied, cela serait, dans le contexte culturel et politique de la France un échec. L’Union européenne était censée aussi parer au nationalisme et à la montée des extrêmes, mais désormais, l’actualité politique de ces derniers mois en son sein démontre sa fragilité, voire son incapacité à créer un lien social fédérateur, à la fois entre les régions des différents pays, mais aussi au sein de ses composantes. Force aussi est de constater que l’Union européenne est très jeune par rapport à l’histoire de la constitution Suisse. Il faudrait pouvoir faire un bilan bien après des générations.

Enfin, pour revenir sur le modèle helvétique, celui-ci fonctionne bien grâce aussi à un système économique performant qui favorise la mobilité sociale, mais aussi parce que le lien citoyen est davantage local et participatif. C’est là le secret de la Suisse, à la fois sur le plan de sa cohésion nationale, mais aussi à sa capacité d’intégration culturelle, politique, et surtout socioprofessionnelle des personnes et populations migrantes, qui se déroule essentiellement à l’échelle locale. Le cas d’école de la Suisse confirme aussi l’adage que small is beautiful.