Le 1er octobre 2017, la Catalogne fait la une des journaux étrangers. Au cœur de l’actualité, un référendum jugé illégal par la justice espagnole, organisé par le gouvernement catalan pour l’indépendance de la région. Plus précisément, ce que les séparatistes réclament avec fermeté c’est le droit de voter, qui est selon eux légitime dans une démocratie, mais que Madrid ne respecterait pas.
Loin d’être restées cloisonnées aux frontières de la Catalogne, ces revendications ont parfois trouvé une résonance ainsi qu’un écho favorables à l’étranger, par exemple en Suisse, lorsque certains élus se sont placés en première ligne dans le but de défendre ce référendum. Cependant, cette crise aurait pu — voire dû — être traitée différemment, notamment si le gouvernement de Monsieur Rajoy avait fait davantage preuve de proactivité. Son immobilisme, au contraire, a été aussi nocif que les discours indépendantistes. En d’autres termes, l’Espagne n’a, dans cette affaire, pas toujours procédé de la meilleure façon, quant aux indépendantistes, ces derniers ont réussi leur coup de bluff.
Une démocratie efficace
Dans les faits, chaque démocratie possède une constitution qu’elle doit soumettre à l’approbation du peuple. L’Espagne, jeune démocratie, a adopté la sienne en 1978, et celle-ci a été approuvée par 88,54 % des votants espagnols. En Catalogne, ce même vote avait été accepté avec un score de 90 %, pour un taux de participation de 67,6 % des votants catalans.
La Catalogne, en tant que « communauté autonome », possède, à l’instar des cantons suisses, un « statut d’autonomie ». En adéquation avec la Constitution espagnole, ce statut est la norme institutionnelle qui permet à chaque région de fonctionner. En ce sens, le parlement et le gouvernement catalans sont, par exemple, chargés de l’éducation, de la police, de la culture ou encore des médias. Il est également prévu dans le statut que le catalan soit une langue officielle en Catalogne ; c’est pour cette raison que les cours, dans les écoles et les universités, sont principalement donnés en catalan. Aussi, c’est en se basant sur cette constitution que le référendum sur l’indépendance de la Catalogne a été jugé illégal. Il ne s’agit ainsi pas d’une décision politique, mais bien de faire respecter la loi. Autrement dit, en Espagne comme en Suisse, dès lors qu’une région souhaite devenir indépendante, la question doit être soumise à l’entier du pays.
Concernant le « manque de démocratie » évoqué par les séparatistes, l’Espagne est, selon l’ONG Freedom House, classée parmi les meilleurs pays au monde en matière de liberté démocratique.
Au rapport annuel, elle obtient 94 points sur 100, au même niveau que l’Allemagne et l’Angleterre. Elle est de plus mieux classée que la France et l’Italie, et un petit peu moins bien que la Suisse, qui obtient 96 points. L’Espagne est plus encore, l’un des pays européens les moins condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme. Depuis 1959 elle compte 157 condamnations, c’est-à-dire moins que la France qui a par exemple reçu 997 condamnations ou que le Portugal avec 341. Ces comparaisons confirment la bonne marche du fonctionnement judiciaire espagnole.
Les séparatistes exigent le droit à la parole, clament l’injustice et se réclament les seuls dépositaires de la démocratie. Soit, mais est-il nécessaire de rappeler que les dirigeants ont pu accéder au pouvoir grâce à la Constitution et au statut d’autonomie, lois qu’ils ont sciemment violées quand il fut question d’organiser un référendum ? Comme le confirment plusieurs organisations indépendantes telles qu’Amnesty International et Human Right Watch, certains politiques ont enfreint des lois démocratiquement votées par les Catalans. Malgré les différents rappels à l’ordre, notamment de la part de leurs propres services juridiques, ils ont décidé d’outrepasser à la fois le règlement du parlement, le statut d’autonomie catalan, ainsi que la Constitution espagnole. Si l’on décide de faire de la politique en violant la loi, comment dès lors appeler cela de la démocratie ?
Coup de bluff politique
Les différents observateurs le confirment, en Espagne, la démocratie fonctionne, et affirmer le contraire ne serait que mensonge ou ignorance. Les Espagnols ont fait le choix d’une démocratie parlementaire, c’est donc pour maintenir la démocratie et l’État de droit que les juges ont dû lancer des poursuites contre des politiques. Dès lors, comment est-ce que la Catalogne en est arrivée à une telle situation ? C’est principalement le fait d’un coup de bluff du gouvernement de l’ancien président, Arthur Mass. Ces dirigeants ont en effet fait gonfler la bulle de l’indépendance dans le cadre d’un bras de fer avec Madrid, sur la question de la répartition des impôts. Pour plus de précisions à ce sujet, je vous invite à vous référer au livre intitulé En el huracán catalán : Una mirada privilegiada al laberinto del procés écrit par Sandrine Morel, correspondante en Espagne pour le journal français « Le Monde ». La journaliste y décrit de quelle manière la question de l’indépendance a été utilisée par le gouvernement catalan dans un but politique, avec pour conséquence une perte de maîtrise de la situation.
Les indépendantistes sincères et convaincus existent ; avant la crise, ils étaient environ un quart de la population à la réclamer. En revanche, il est nécessaire de critiquer la stratégie de distorsion de la réalité mise en place par les dirigeants catalans. Cette dernière a des conséquences économiques graves pour les Catalans. À titre d’exemple, le nombre d’entreprises qui ont fui la région à la suite du vote du 1er octobre 2017 représente 20 % du PIB catalan. De plus, ce vote a profondément divisé la société catalane en deux camps. Le dialogue est rompu et les conséquences amères de cette rupture au sein de l’ensemble du peuple catalan seront complexes à effacer.
En tant qu’observateurs suisses, ne tombons pas dans le piège des indépendantistes et des populistes. Il est finalement de notre devoir de rappeler à tous, comme nous le prouvons tous les trois mois lors des votations fédérales, que pour garantir le bon fonctionnement d’une démocratie saine, la Constitution et les lois doivent être respectées.