Urgence climatique et forêts en danger

Depuis 15 ans, avec NiceFuture et la création de projets multiples, j’ai mis mon temps, mon travail et ce que je suis au service de la Terre. Cela fait quelques années que je travaille avec des peuples racines et plus particulièrement ceux, si merveilleux, d’Amazonie. Durant le mois de novembre, nous avons eu la chance d’accueillir quelques-uns de leurs représentants: Jose Puwe et Vari Puyanawa, ainsi que Shimanu Ushigua. Ce furent 15 jours d’échanges et de rencontres pour mieux comprendre, grandir avec eux et s’unir pour les forêts et la Terre.

Cette année encore, les incendies ont brûlé la Terre, et plus particulièrement l’Amazonie et la Sibérie à un rythme record, massacre soutenu par des stratégie de défrichage de la terre brûlée. En effet, aujourd’hui, un terrain brûlé et sans arbre a une valeur financière en moyenne deux fois supérieure à celle de ce même terrain qui abriterait une forêt millénaire avec ses animaux, ses végétaux et sa richesse infinie.

Ce n’est pas un drame lointain, dont nous serions les spectateurs innocents. L’Amazonie est le coeur de notre si belle planète. Ce n’est pas une théorie. Les forêts primaires, et plus particulièrement la forêt amazonienne, sont au coeur du défi climatique qui angoisse nos gouvernements et nos universités et pousse nos jeunes dans les rues. Si nous ne comprenons pas cela, nous ne pouvons pas faire face au défi climatique. Si nous n’intégrons pas dans chacune de nos cellules que c’est notre lien aux arbres, aux forêts et particulièrement à la forêt primaire amazonienne qui détermine tout l’enjeu climatique actuel, alors tous les débats, articles, forums, innovations ou livres ne feront rien d’autre que nourrir ce système prédateur.

Ce qui se passe là-bas, dans toutes les régions du monde encore vierges, chez les peuples premiers, tout cela est directement lié à l’Occident et aux invasions européennes. Même si aujourd’hui nous ne défendons plus de politique d’extinction des peuples comme ce fut le cas par le passé, nous continuons à poursuivre la même logique avec nos esprits, nos logiques rationnelles froides, notre science qui veut tout séparer, notre économie déconnectée de ses conséquences et notre gouvernance compétitrice et élitiste. Or, les peuples premiers, s’ils ne représentent que 6% de la population mondiale, demeurent les gardiens de 82% de la biodiversité encore préservée sur cette Terre.

En cette fin d’année 2019, nous assistons à un nouveau chapitre désastreux pour les êtres humains, mais surtout pour la planète. Mais c’est aussi un appel à l’éveil en chacun d’entre nous!

En effet, en ce moment, une forme de vie prédatrice a pris le pouvoir de façon totale et totalitaire. On l’appelle trumpisme, poutinisme ou bolsonarisme. Et ne soyons pas hypocrites, ces leaders en sont arrivés là où ils sont aujourd’hui car ils répondent de manière absolument parfaite à notre plus grand travers occidental: notre foi dans le progrès. Pour la première fois, le Brésil a élu un président ouvertement opposé à la préservation de l’environnement et de la forêt amazonienne, qui déclare publiquement vouloir en tirer le maximum de profit au nom de la liberté de commerce, et évidemment au détriment des personnes qui vivent sur ces terres et de la biodiversité qui y survit encore. Et si nous ne nous réveillons pas, si nous ne changeons pas notre vision du monde, si nous n’alignons pas nos vies en cohérence complète avec nos valeurs et la restauration de cette terre, si nous ne cherchons pas d’autres voies pour vivre ensemble que ce modèle actuel, nous sommes complices, nous sommes les votes journaliers à travers nos achats, notre mode de vie, qui soutiennent en occident ces pouvoirs.

Ce jeu actuel se déroule bien au-delà des acteurs actuellement sur la scène mondiale. Bolsonaro, Trump ou Poutine ne sont que des pantins qui seront ensuite remplacés par d’autres. Si nous ne nous engageons pas sur d’autres mode de vie, tout cela sera accepté comme un triste fait lointain, un mouvement logique nécessaires aux besoins pragmatiques de notre civilisation. Nos enfants auront beau descendre dans la rue, il sera trop tard car nous aurons manqué la possibilité de transformer en douceur notre civilisation vers une société du vivant. Car les mouvements actuels ne menacent pas seulement le Brésil, la Sibérie ou l’Indonésie, mais la survie de l’humanité toute entière, et ce précisément parce qu’ils détruisent les forêts qui sont le coeur de l’activité climatique de la planète.

NICEFUTURE EN ACTION POUR L’AMAZONIE

Il y a trois ans de cela, j’ai eu la chance de pouvoir participer à un grand rassemblement de 150 peuples premiers, réunis par le cacique Raoni (leader du peuple Kayapo) autour d’une vision commune pour la Terre: l’Alliance des Gardiens de Mère Nature. Durant 10 jours, tous ces peuples ont tenté d’imaginer une façon de résister à cette force de destruction qui ronge la civilisation mondiale. Ils en ont tiré un texte fondateur réunissant leurs sagesses, une vision collective à transmettre aux leaders de ce monde. Le texte est en ligne ici: http://allianceofguardians.org/fr/, et les représentants de l’Alliance se trouvent actuellement à la COP25 à Madrid.

Pour ma part, en revenant en Suisse après ces 10 jours de rencontres et d’échanges riches et nourris, je me souviens m’être alors demandée ce que je pouvais faire. J’ai réalisé qu’il nous fallait agir autrement ici en Suisse, et mettre en oeuvre des actions de façon complètement différente. Il fallait déplacer notre attention, alors focalisée sur les notions d’efficacité et de “faire”, pour se concentrer davantage sur des aspects de connexion, de reliance, de ressenti, et d’ “être”. A mon retour, je devais justement rencontrer le comité de NiceFuture à l’occasion d’une séance, et c’est cette vision que j’ai exprimée. Je ne suis pas certaine d’avoir été comprise immédiatement, mais je sais que pour pouvoir résister, nous devons tous devenir forêt. Nous devons résister comme une forêt qui sait qu’elle porte en elle ses ruines, aussi bien ce qu’elle est et ce qu’elle n’est plus. Pour y parvenir, nous devons provoquer un tsunami à l’intérieur de nous-mêmes, bouleverser nos croyances, sortir de nos identifications et de nos attachements. Depuis mon retour de cette grande rencontre avec l’Alliance des Gardiens de Mère Nature, j’ai organisé de multiples rencontres en Europe avec des peuples indigènes.

FAIRE DE LA FORÊT UN SANCTUAIRE

Le fait que l’Amazonie soit encore beaucoup perçue comme un territoire lointain et dont les problèmes ne nous concernent pas montre bien le formatage occidental auquel nous avons été soumis, un état d’esprit naïf qui façonne

les opinions des élites politiques, économiques et scientifiques de la planète. Croire que l’Amazonie est lointaine, alors que toute possibilité de contrôle du réchauffement climatique n’est possible qu’avec cette forêt vivante, est une méconnaissance qui montre à quel point notre obsession du progrès économique domine toute notre pensée collective. Notre vision est contaminée, formatée, déformée et colonisée. Même si nous nous pensons rebelles, nous sommes encore tous semblables. Nous ne sommes pas devenus l’amour de ce monde.

Car en effet, changer nos modèles et notre manière d’être au monde n’est pas chose aisée. Cela demande de l’écoute, du respect, de l’humilié, de l’alignement, de la remise en cause, de l’amour et de l’évolution. Il ne s’agit pas ici de se préoccuper intellectuellement de la forêt ou de se montrer solidaire envers les peuples indigènes. Il faut réellement que la forêt soit protégée par des droits, qu’elle soit aimée, qu’elle devienne notre nouvelle cathédrale, notre nouveau Wall Street, notre nouveau mode de gouvernance, notre espace intérieur, notre maison, notre refuge, notre unique merveille du monde.

Aujourd’hui, nous peinons à nous interroger sur l’origine des vêtements que nous portons, des aliments que nous mangeons, de l’eau que nous buvons et de l’énergie que nous utilisons, sur le processus de fabrication de nos ordinateurs et de nos téléphones, etc. Pire encore, nous ne sommes pas conscients de notre propre énergie et de la manière donc nous nous “cannibalisons” les uns les autres et dont nous nourrissons ce système toxique à travers nos manques et désirs.

En ce qui me concerne, je mène ce combat pour m’engager avec les peuples premiers dans cette lutte pour la forêt. En les invitant en Suisse, je veux transmettre leur manière d’être, leur sagesse pour contribuer à décoloniser nos esprits. Car je crois que c’est nous qui avons besoin de l’aide de la nature et des peuples de la forêt. La nature est le “grand enseignant”, la plus belle ressource de paix, la plus riche des bibliothèques, le meilleur thérapeute. Et les peuples premiers parviennent à survivre malgré les ruines, ils savent résister aux plus grandes forces de destruction.

Pour pouvoir entrer dans cette nouvelle manière d’être au monde, nous devons faire le deuil de ce que nous pensions être. Je souhaiterais ici partager ma propre expérience. En effet, en laissant mon corps être atteint par d’autres expériences d’essence et d’existence sur cette planète, en laissant ces peuples devenir une part de ma vie, j’ai laissé de nouvelles dimensions devenir miennes. Ce processus ne s’est pas fait dans la violence, comme ce fut le cas lors de la colonisation, mais dans l’échange, comme dans une relation amoureuse lors de laquelle je me suis détachée de mon identité pour laisser les rencontres et la vie mettre de nouvelles essences dans mon esprit.

Aujourd’hui, nous utilisons encore beaucoup les peuples de la forêt comme sources pour notre travail, pour nous valoriser, ou pour mettre à profit leurs connaissances. Je le constate encore beaucoup autour de moi lors des rencontres que j’organise. Nous sommes encore ici toujours à la recherche de leaders, de gourous. Je crois qu’il serait temps que l’on comprenne que les intellectuels et les scientifiques ne se limitent pas au monde universitaire. Ceux dont le monde a aujourd’hui besoin pour construire la société de demain vivent dans la forêt. Mais ne faisons pas l’erreur de reproduire nos vices en les intégrant dans notre système pyramidale de piédestal.

Je crois que nous devons nous inventer d’une autre manière si nous voulons avoir une chance d’affronter ce moment où l’espèce humaine est elle-même devenue la catastrophe qu’elle redoutait.

Bolsonaro n’est pas seulement une menace pour l’Amazonie. C’est une menace pour la planète entière, précisément parce que c’est une menace pour l’Amazonie. Face à cette force de destruction accélérée qu’est le bolsonarisme, notre meilleure chance est d’unir les forces au vrai centre du monde, la forêt, où l’on se dispute pour l’avenir. Nous devons apprendre et grandir avec la forêt, les arbres et ces peuples. C’est ce que je propose depuis trois ans. Et surtout aujourd’hui, je pense qu’il faut passer à l’action, entrer ensemble dans le concret, en renversant ce mouvement et en plantant beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup d’arbres et de nouvelles forêts pour proposer une nouvelle voie vers une société du vivant.

Vous pouvez nous rejoindre, participer, aider, planter des arbres avec nous, en parler. C’est ici: www.fondationpourlevivant.ch

Repenser le progrès?

Ce qui me touche le plus, chez tous les peuples qui vivent en harmonie avec la Terre, c’est l’amour immense qui rayonne de leur présence. Leur vie n’est pas animée par notre vitesse, leur quotidien est rempli de peu d’objets, respectés et aimés pour leur fonction, pas pour leur image. Ils ne se sont pas détourner de l’essence des choses.
Par contraste, j’ai parfois le sentiment que dans nos modes de vies, nos outils, nos inventions, nos structures se sont retournés contre nous- faute de respect et amour pour notre pouvoir créateur.

Ce qui m’interroge aussi c’est que nous sommes tous en train d’observer ce monde avec ses drames depuis nos vies, sommes toutes confortables, mais le plus grand drame que nous vivons aujourd’hui, c’est notre passivité et notre complicité dans l’empoisonnement que nous laissons se produire à travers notre idée de progrès et de confort. C’est notre eau, notre air, notre nourriture, notre psychisme, etc.. C’est une guerre invisible et tant que nous refuserons de remettre en cause notre idée du progrès elle pourra continuer. Quand elle cessera, nous aurons trouvé le chemin de la paix de l’esprit.

Etre au lieu d’avoir

De retour d’Amazonie, au coeur de la forêt, mon âme reste profondément touchée par le peuple Puyanawa dans son essence. Durant ces quelques jours de partage avec ce peuple premier, j’ai réalisé le rêve profond qui m’animait depuis l’enfance: découvrir sur cette Terre une société vivant dans l’amour inconditionnel.

En Europe, ces mots paraissent un peu éthérés. C’est presque un sujet tabou, évoquant les illusions d’une jeune fille romantique. Et pourtant, je suis convaincue que c’est ce que la majeure partie d’entre nous appelle intérieurement. Pas en termes de concept ou d’idée de conte de fée, mais à travers une expérience réelle et quotidienne.

Depuis quelques années j’ai compris que nous devons nous guérir collectivement de ce besoin “d’avoir” pour “être”.
C’est là la question clé en ce début de XXIème siècle. Car vivre dans le besoin d’avoir, de posséder, engendre en nous manque, peur, insécurité, compétition, séparation, renforcement de l’ego et attachement au paraître. A l’inverse, “être” sans projection ni identification nous apporte amour, bienveillance, joie, légèreté, abondance, partage, collaboration, dissolution de l’ego et sentiment de ne faire qu’un avec l’univers.

Mais jamais je n’avais vécu l’amour inconditionnel au sein d’une collectivité. C’est une force extraordinaire d’harmonie qui permet le développement de chacun. Je partage ici quelques clés de compréhension que j’ai pu percevoir et qu’ils cultivent collectivement. Il faut cependant savoir que chez eux, ces clés se mettent en place dans une dimension énergétique bien plus vibrante que la nôtre, qui se caractérise ici encore beaucoup par le flux de paroles. Chez eux, tant le silence que la parole ou les chants possèdent des dimensions énergétiques puissantes.

Je me permets néanmoins de poser un cadre mental et intellectuel sur ces perceptions, pour tenter de traduire ces clés qui me paraissent intéressantes à intégrer aujourd’hui à nos outils et à notre langage, dans toute entreprise ou organisation. En effet, je suis convaincue que si différentes vibrations énergétiques sont proposées dans une communauté et qu’elles répondent aux besoins essentiels de l’humain, toute organisation collective deviendra automatiquement unie, et plus riche de la diversité de chacun.

Voici les quelques outils que j’ai perçus :

  • L’importance des temps de jeu. Le jeu permet de dédramatiser, de sortir des nœuds du mental et de retrouver notre simplicité et la joie d’être ensemble. Les Puyanawa sont le peuple de l’eau et des grenouilles. A chaque fois qu’une petite tension ou qu’une maladresse a lieu, les femmes expriment les « Ouhp » de la grenouille et les hommes répondent par des « Croaa ». Le rire est garanti et l’énergie est immédiatement légère à nouveau.
  • L’importance d’avoir des temps où chacun peut exprimer sa dignité. Dire ce que l’on vit et ressent, cela permet à chacun d’être reconnu et entendu, et d’être digne.
  • L’importance de collectivement ressentir le sacré, ce qui nous “transcende”. Il s’agit d’une manière de ressentir la vie, par exemple à travers la beauté. Cela nous nourrit intérieurement à travers l’émerveillement et la profondeur et nous relie à l’essentiel.
  • L’importance de redonner à la créativité des espaces de connexion et d’intuition pures. En effet, c’est ainsi que nous pouvons créer le nouveau, et non pas à travers des amalgames de pensées synthétisées comme nous en avons l’habitude. Une pure idée ou création nouvelle demande de nous connecter à la part énergétique la plus haute possible. Dans l’histoire plus ancienne, nous disions que nous étions visités par des muses ou des dieux. Aujourd’hui, nous utilisons l’expression “j’ai une idée”.
  • L’importance des temps consacrés à accueillir la transformation. Nous pouvons le faire en accueillant les peurs par des sourires et des rires, sans entrer dans le mental. Toutes les transformations et les guérisons vibrent en résonnance en nous. En les accueillant et en leur donnant un espace collectif, nous restons unis. Et nous restons en lien confiant avec la vie, qui est par définition, mouvement et changement.

Ce mois de novembre, du vendredi 22 au dimanche 24, nous nous réunirons dans un gite du Vercors avec différents peuples premiers pour explorer ces différentes sagesses.

Nous accueillerons des peuples de Colombie, d’Équateur et d’autres représentants de Gardiens de la Terre du Brésil. Il s’agit là d’une magnifique occasion de partager ensemble et de nous enrichir collectivement. Il est possible de participer en nous contactant à [email protected].

Rejoignez-nous pour cette expérimentation concrète de connexion au vivant !

Planter un million d’arbres en Amazonie

Je rentre d’Amazonie, où je suis allée avec un objectif principal : organiser la mise en place de la plantation d’un million d’arbres. Parce qu’il est temps d’agir concrètement. Parce que les discours sont utiles, mais qu’il y a urgence de restaurer la Terre. Parce que tout le monde s’agite pour le climat – c’est très bien – mais qu’il est temps de passer à l’action. Il me paraît évident que planter des arbres constitue la plus belle action à mettre en place, ensemble et au plus vite. Sans effet rebond et d’une simplicité extraordinaire, il s’agit du geste que nous pouvons tous faire. Mon idée est donc de lancer une “Fondation pour le Vivant” pour ensemble planter des arbres et prendre soin de la Terre avec une première priorité: reforester l’Amazonie.

Une fois sur place cependant, le sujet de la plantation d’arbres n’a habité mon esprit que quelques heures. J’ai en effet réalisé que de leur côté, tout est prêt. Ils ont dans l’idée non pas de planter un million d’arbres, mais trois millions ! Après quelques discussions, j’ai compris que non seulement ce peuple le souhaite, mais que cette région de l’Acre, connectée avec d’autres peuples premiers et avec l’appui de la commune la plus proche, est prête à s’investir pour faire naître plusieurs millions d’arbres.

Des études de terrain ont déjà été menée avec des institutions, un plan de déploiement existe déjà et leur connaissance de la forêt est complétement fascinante. Car on ne parle pas de plantation d’arbres « à l’occidentale »; on parle de recréer des forêts vivantes, des paradis pour le déploiement de toutes les espèces en symbiose avec la Terre.

Au programme: plantation d’arbres fruitiers pour que les animaux reviennent, puis plantation de grands arbres adaptés selon la venue de certains animaux et l’apparition d’autres plantes. Il est aussi prévu d’y intégrer la connaissance de l’eau et des autres cycles (saison pluviale et saison sèche). La forêt est une source infinie de nutriments pour toutes les espèces, mais elle joue également le rôle de refuge, de médicament et permet le déploiement de dimensions spirituelles. Pour le peuple Puyanawa, la forêt est le plus grand des enseignants, et c’est elle qui nous guérit dans chaque étape du chemin de notre âme. C’est notre plus grand maître spirituel et notre maison naturelle.

Cette spiritualité de la Terre et de la vie m’a profondément touchée. En effet, si ici nous possédons une certaine spiritualité, elle est davantage axée sur les concepts de ciel ou d’esprit que sur la matière et le vivant, dont elle semble déconnectée. En présence du peuple Puyanawa, j’ai compris combien nous avions oublié que la Terre est le plus beau rêve d’amour possible.

La Terre, c’est la vie dans sa plus belle expression: sans fin, multiple, se régénérant en permanence, se nourrissant elle-même, évoluant dans une multitude d’esprits, profondément sacrée. Notre corps lui-même est constitué de millions d’organisme vivants. Nous sommes eau, terre, feu et air. Nous vivons dans une fête de vie permanente et nous en sommes à peine conscients. Le soleil nous donne de la vitalité, la vie nous nourrit chaque jour, l’air nous traverse tous, reliant nos énergies et nos esprits.

La Terre est pur amour, et le vivant est la manifestation de l’amour dans la matière.

Comment soutenir une civilisation du vivant?

Cette question est au coeur de mes réflexions, de mon travail, de mon action depuis tellement d’années… Avec cet article, je vous propose ma vision. Elle est le fruit de mes observations.
Notre société, dominée par les structures mentales, a perdu en grande partie le lien avec le vivant, jusqu’à se trouver plongée dans un grand marasme collectif que nous appelons l’effondrement. C’est l’expérience que vit une partie de la société et que relaient les médias. Pour ma part cependant, forte de 15 ans de recul et d’engagement actif, je vois avec joie l’émergence de la société suivante. Celle qui est appelée par les jeunes. Non pas celle des discours officiels, que les politiques et milieux académiques ont nommée  « société durable », mais plutôt une société reconnectée, où des entreprises et des personnes relaient et régénèrent la vie à travers tous leurs actes qui deviennent bonifiants pour la Terre et les humains.
 
Alors que la civilisation moderne occidentale s’épuise par excès de rationalité, la vie continue et, comme c’est son travail au moment du passage d’une civilisation à une autre, elle est en train d’inventer et de créer un nouvel élan civilisationnel, sous de multiples formes, dont nous voyons les signes avant-coureurs.
 
Entreprendre une métamorphose qui soit fondée sur de nouveaux rapports à la nature est certes une tâche gigantesque pour notre société, mais les raisons d’espérer ne manquent pas. Tout simplement parce que tout nous y pousse et que nous n’avons pas le choix. Après tout, les expériences malheureuses, tout comme les moments d’intense jubilation, sont des opportunités pour aller de l’avant. Et j’ai pu constater à plusieurs reprises à quel point ceux qui se sont reliés au vivant sont devenus des canalisateurs d’énergie et de joie de vivre. C’est un dynamisme contagieux.
 
Ce blog a pour but de donner de la lisibilité à l’émergence de cette société du vivant et d’en présenter les fondements, les modèles, les acteurs, qui ont déjà concrétisé ces dimensions dans leurs actions et leurs entreprises.
 
La logique finalement est simple même si, quand il s’agit de la transposer en économie régénérative, la complexité de nos structures et de nos liens rend, pour les pionniers, l’exercice complexe.
 
« Si j’agis, je parle, je développe mon action, pour moi et plus que pour ma propre personne ou mon entreprise, en prenant à part égale, l’envie de « nourrir » la Terre et les êtres qui l’habitent, y compris les hommes, je deviens un acteur régénérateur de vie. »
 
Les peuples premiers avec lesquels je travaille depuis quelques années offrent également de belles inspirations que nous pouvons suivre. Gardiens de l’harmonie, pour eux la vie est plénitude. Ils se réfèrent à la beauté de l’existence. Leurs enseignements proposent un processus harmonieux de la vie présente, en équilibre entre le matériel et le spirituel. Ce qui compte, c’est une vie pleine en lien avec tous les vivants et les éléments de la nature. Une vie unifiée, intense, totale, et finalement une Vie avec un grand « V ». Ce qu’ils nous proposent ? Un nouveau regard et un chemin pertinent pour éclairer notre civilisation. Une civilisation qui émerge sous nos yeux étonnés, ébahis et réjouis, qui est celle de la Vie absolue.
 
Je serai chez eux, en Amazonie, durant les deux semaines qui viennent pour mettre en place un projet de plantation d’arbres, je ne manquerai pas de partager sur ce blog mes expériences et réflexions à mon retour.
 
J’en suis convaincue : cette nouvelle civilisation qui émerge fonctionne sur d’autres paramètres que ceux que nous observons à travers nos perceptions aujourd’hui. C’est une nouvelle dynamique axée sur la vitalité de la vie. Elle est portée par une valeur essentielle: la croissance de la vie, c’est-à-dire la croissance en diversité et en qualité des formes du vivant.

Pourquoi les peuples premiers sont aujourd’hui une des solutions pour notre civilisation?

NiceFuture, l’association que j’ai fondé, s’engage depuis quelques années de manière concrète pour les peuples premiers en Amazonie en créant des rencontres et des échanges avec ceux-ci et les acteurs européens de tous les milieux. Je discutais hier avec Cyril Dion, qui m’expliquait aussi que de son côté, il pensait s’engager auprès d’eux.

Mais pourquoi ces peuples sont si importants à entendre et soutenir aujourd’hui, au delà des milieux de la transition écologique?

Dans leur bienveillance, les premières nations ont gardé des liens forts avec leur environnement. La majorité de ces peuples ont une relation vivante dans leurs liens à la nature malgré la grande influence que l’occident a apporté avec ses idées du progrès, ses principes d’échanges basés sur la monnaie, sa vision de l’éducation et de la religion. La notion de respect et le principe d’inclusivité sont deux notions essentielles et communes à la majeure partie des peuples premiers dans leur rapport sociétal mais également dans leur lien au monde végétal et plus global.

Tous les peuples indigènes de la Terre ont en commun cet amour puissant de la nature et de la forêt. Prêt à mettre leur vie en jeu pour préserver leur environnement, ils sont véritablement les peuples les plus engagés pour préserver le vivant.

Malgré une histoire complexe, de la colonisation et du génocide de ces peuples, ils restent de manière homogène dans une dynamique résiliente. Leur sens de l’harmonie, du réel et de la valeur commune avant l’individualité leur permet de vivre en symbiose avec des environnements vierges.

Aujourd’hui ces peuples sont extrêmement importants pour la sauvegarde de l’Amazonie. Ces populations sont le principal problème des compagnies d’exploitation forestière ou les grandes plantations et les agriculteurs migrants soutenus par les politiques publiques des grands États forestiers, car elles les empêchent d’accéder librement aux ressources de la forêt. Tout ces colons représentent d’ailleurs la menace la plus redoutable pour les populations forestières, comme l’ont montré les exactions menées en Amazonie par les chercheurs d’or et autres aventuriers.

Encore un grand nombre de ces peuples possèdent un mode de vie nomade.
Il existe encore d’autres peuples qui vivent à l’écart complet du monde moderne, en autarcie totale, loin de la folie des marchés et de l’influence des politiques, soit volontairement soit parce qu’ils n’ont pas encore eu un contact avec notre civilisation. « La présence des chercheurs d’or, par exemple, a un impact dévastateur sur les populations indigènes. Ils corrompent les leaders locaux afin de pouvoir rester sur place et créent un climat d’instabilité au sein du groupe, ils abusent des femmes, transmettent aussi des maladies… ».Témoignage autour du peuple Yanomani

Et lorsqu’ils ne se rendent pas directement complices de telles pratiques, le gouvernement central et les autorités locales ferment les yeux. « L’Amazonie est une terre sans loi ». Les politiciens sont souvent eux-mêmes de grands propriétaires terriens qui facilitent, voire provoquent les invasions, la déforestation, la monoculture et la propagation des sociétés minières. Les dommages infligés aux indigènes sont souvent terribles.

L’Amazonie compte 250’000 indiens et un nombre encore plus important de caboclos, populations métissées installées au bord des fleuves et pratiquant une horticulture de subsistance. Une grande partie de ces habitants de la forêt en dépendent entièrement pour obtenir leur nourriture quotidienne, leurs matériaux, leurs revenus, leur reproduction sociale et leurs médicaments, à travers des systèmes complexes et adaptés qui associent chasse, pêche, cueillette, arboriculture et agriculture permanente.
L’éducation des enfants, les soins aux personnes âgées et infirmes, l’organisation et la direction de nombreux rituels, le maintien de l’ordre et de la conduite commune des choix et besoins communautaires complètent leurs activités.

Leur connaissance du vivant fait partie intégrante de leur premier apprentissage. Par exemple, un enfant, fille ou garçon, du peuple Ashaninka aura appris avec son père, à l’âge de 5 ans, à reconnaître toutes les plantes toxiques et les animaux de la forêt, mais aussi tous les antidotes afin de se soigner ou aider un proche. À l’âge de 7 ans il sera capable de se retrouver seul au cœur de la forêt et de s’y abriter, s’y repérer mais aussi de s’y nourrir en chassant et pêchant.

Pour les peuples indigènes, la préservation des forêts et la promotion d’une agriculture durable vont de pair avec la préservation des savoirs traditionnels. En Amazonie comme ailleurs, leur culture est directement liée à la préservation de leur environnement.

Pour certaines tribus, faire connaître leur cause est une question de vie ou de mort.

Nous pouvons vraiment les aider à conserver leurs modes de vie et leurs traditions.

De notre côté, ils peuvent nous rappeler comment nous connecter à la nature. Et c’est une urgence de leur donner le maximum d’écho ici en les intégrant à nos réflexions, projets et visions. Les pays développés comme le nôtre ont perdu de vue leur lien avec l’environnement. Ces peuples nous montrent des alternatives à notre idée de progrès.

Les peuples premiers voient les plantes, les animaux et les hommes comme une même entité. Ils considèrent la forêt comme un écosystème dont ils font partie, remercient les arbres avant de les couper… Cela pousse à la réflexion. La médecine de l’Amazonie est d’une richesse et d’une efficacité insoupçonnée. Elle oeuvre avec le vivant et non pas en utilisant les molécules, sans en comprendre le mécanisme précieux de la cohérence de la plante. Un ami médecin me disait que probablement, une des raisons de tous les effets secondaires de notre médecine sont reliés à cette logique de disséquation.
C’est à un élargissement de notre vision que ces peuples nous invitent, bien au-delà de nos idées de durabilité. Ils nous permettent, avec simplicité, à travers la voie du coeur, de nous reconnecter ensemble et à la nature.

Ils sont la réponse à la majeur partie de nos préoccupations car en découvrant l’immensité de la richesse des Indiens, nous découvrons ce qu’ils peuvent nous enseigner en termes de rapports avec l’espace et la nature, un rapport sain à la vie, leur médecine, leur logique d’organisation sociale inclusive et humaniste. Leurs pratiques et leurs savoirs sont assurément, face aux défis actuels du réchauffement climatique, dignes du plus grand intérêt pour l’humanité en général.