Que dit le Coronavirus de notre rapport au monde ?

En nous contraignant à changer notre mode de vie, le COVID-19 met en exergue ce qui jusqu’à maintenant paraissait naturel et évident

L’épidémie de Coronavirus met à mal nos habitudes et notre mode de vie. En presque trois décennies d’existence, c’est la première fois que l’on me demande de garder mes distances, d’éviter de serrer la main aux gens, de rester à la maison en cas de symptômes suspicieux et d’éviter tout déplacement inutile. En fait, c’est la première fois de ma vie que l’on m’exhorte, d’une certaine manière, à la sédentarité et au confinement.

En nous contraignant à changer notre mode de vie, le COVID-19 met en exergue ce qui jusqu’à maintenant paraissait naturel et évident. Il questionne la façon que nous avons d’entrer en contact les uns avec les autres, la façon que nous avons d’occuper l’espace et d’exercer – ou non – notre solidarité. Si les contacts physiques entre nous sont si difficiles à refréner (comme l’illustrent de nombreux exemples au quotidien et dans la presse, à l’image du 1er ministre néerlandais), c’est que l’être humain est fondamentalement un animal social, en quête de l’Autre. C’est aussi en ces temps de contraintes et de mesures inhabituelles que l’on réalise quelle marge de liberté nous avons en temps normal : la chance de vivre en démocratie.

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Cela dit, la démocratie est-elle une réelle chance en temps de pandémie ? Ce que nous démontre le virus, c’est que nous ne sommes prêts à changer nos comportements et habitudes que sous la contrainte. Jamais nous n’aurions atteint de telles baisses des taux de pollution atmosphérique en Chine sans quarantaine stricte et surveillée. La dictature est-elle vraiment le prix à payer pour opérer des changements drastiques dans nos façons de vivre ? Ne sommes-nous donc pas capables de prendre notre responsabilité et d’agir sans qu’un gouvernement ne nous y oblige ?

Voici quelques-unes des questions que je me pose, et il y en aurait tant d’autres… mais je crois que l’essentiel pour moi était de partager avec vous ces réflexions et le constat que rien n’est jamais totalement acquis.

Aude Bertoli

Psychologue et passionnée d'écriture, Aude Bertoli rédige des articles, des nouvelles et des textes courts qui sont tous en lien, de façon directe ou indirecte, avec des aspects dramatiques de l'existence (deuil, perte, agression, violence,...). Il s'agit non pas d'une optique voyeuriste ou théâtrale, mais bien du besoin de briser le silence autour de sujets sociaux encore tabous. Contact: aude.bertoli[at]bluewin.ch

Une réponse à “Que dit le Coronavirus de notre rapport au monde ?

  1. Les principales mesures prises par le Conseil des Etats sont assez claires, et en raison de la nécessité d’agir rapidement je comprends qu’il peut y avoir quelques contradictions dans les messages donnés. Les articles de médecins qui paraissent dans le journal permettent d’y voir plus clair, et on peut constater que ce sont des initiatives privées qui remédient aux lacunes des rédacteurs officiels.

    Je déplore bien plus une certaine lâcheté et manque d’honnêteté dans le comportement de ces officiels, qui pour éviter d’admettre de grosses lacunes dans l’exercice de leurs responsabilités ajustent les messages de prévention en fonction. Je donne une première illustration, la municipalité de Lausanne met les feux de circulation en mode clignotement afin d’éviter la transmission du virus sur les boutons-poussoirs des passages piétons. Puis la seconde, où l’OFL conseille d’éviter de se transmettre les clés main-à-main en cas de déménagement… Les clés, les boutons-poussoirs, et tout le reste qui pourrait faire l’objet d’une longue liste, à laquelle participeraient les fabricants d’ascenseurs, le service de prêt ou location de vélos, enfin tous les fournisseurs de systèmes ou d’objets où plusieurs personnes posent les mains. Ce que je pense, c’est que si la prévention lors du déménagement, ou avant de traverser la route est utile, il aurait été plus utile que ceux qui nous démontrent ainsi de petites responsabilités assumées les aient prises en plus grand, pour assurer un stock d’alccol-gel nécessaire en cas de danger d’épidémie, une probabilité existante en tout temps, bien avant l’apparition de Covid-19. Alors lorsque je lis « Lausanne protège ses piétons », j’ai envie de répondre « Félicitations dans votre art de vous protéger des critiques, pesez sur le bouton-poussoir de votre conscience pour comprendre de quoi vous avez l’air ». Je ne me sens par contre aucunement révolté en ce qui concerne le stock de gants jetable ou les masques, parce que ceux-ci étaient garantis depuis déjà une quinzaine d’années par la Chine, et bien que la situation actuelle ait pu être projetée, cela était un cas de figure parmi des centaines, qu’il est impossible de prendre en compte dans la totalité. En revanche, l’alcool pouvait être produit sans problème en Suisse, financée par les 3 milliards de subventions annuelles visant à consolider notre indépendance agricole pour laquelle nous avons voté. Je me souviens des remorques chargées de surplus de betteraves balancées dans la fosse, dont les paysans ne savaient que faire. La population ne veut pas se gaver de sucre, et en plus la production est à la limite de la rentabilité. C’est avec les betteraves que l’on fabrique le plus aisément l’éthanol. Aujourd’hui pas un seul flacon dans les rayons, les betteraves poussent mieux à l’étranger ? Ou est-ce que les offices de prévention préfèrent cultiver les fleurs pour nous les offrir à chaque feu orange qui clignote ?

    Pour la prise de conscience que vous évoquez, en rapport du climat et du virus, je ne reprocherais pas aux responsables officiels de se laver les mains à la fontaine de leur limpide intégrité. L’action du virus est observable en direct, les graphiques sont ascendants, aborderont un plateau, puis amorceront une phase de descente, prévisible dans son ensemble normalement en moins de six mois. Pour le climat c’est cinq ans pour les plus pessimistes, dix ans pour d’autres, vingt ou cinquante ans selon les sources, et l’on navigue autant sur l’ampleur des dégâts. Chacun peut garder ainsi une relative liberté dans sa représentation et la philosophie qui lui convient le mieux. Une économie en péril ? La santé humaine en danger ? Mieux vaut être en bonne santé que riche et malade, dit-on souvent, et cela est valable pour moi aujourd’hui, et pour les autres demain. Après moi le déluge, entend-on aussi… L’équation entre la richesse et la santé est bien sûr trop simple pour être appliquée, la notion de richesse étant grandement variable en rapport du confort que l’on évalue minimum pour soi. Je me sentirai pauvre si je n’ai pas de table et de chaise pour y poser mon repas et m’asseoir. Loin de chez moi un autre se sentirait comblé s’il avait mon repas posé par terre sur sa natte en plein air.

    Tout ceci pour penser que la capacité de prendre ses responsabilités, sans qu’un gouvernement nous y oblige, dépend de quantité de réflexions où les efforts de compréhension ne sont peut-être pas moins pénibles que pour l’enfant ne voulant pas savoir pourquoi il devrait mettre un bonnet quand il fait froid. Et si les parents ne le savent pas eux-mêmes, pas même capables d’arroser et faire grandir une betterave, c’est peine perdue.

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