Le rôle de l’Université dans la société

 

Les universités en Suisse sont financées essentiellement par des fonds publics (les fonds de recherches publics inclus). Les coûts sont importants. D’où la question de savoir si ces dépenses « valent la peine » et pourquoi il y a un très large consensus que ces dépenses sont « utiles ». Cette question peut paraître d’autant plus importante que les domaines d’activité couvertes par une « Université complète » sont multiples et couvrent l’ensemble des disciplines scientifiques.

Bien sûr, nous pouvons avancer le fait que la Suisse n’a pratiquement pas de matières premières et que la formation joue un rôle central pour le développement économique du pays. S’y ajoutent les retombées économiques, politiques et culturelles d’une université pour « son » canton et « sa » ville. Et ce constat est sans doute fondé.

Mais, il y a un autre aspect que nous oublions parfois: la liberté de la science (par ailleurs une garantie constitutionnelle) joue un rôle primordial pour les universités en Suisse (et dans d’autres pays démocratiques). Ainsi, l’Université remplit un rôle spécifique dans la société comme une institution indépendante dans laquelle un enseignement et une recherche sans contraintes « utilitaires » sont menés. Elle contribue à l’autoréflexion de la société, permet une confrontation d’idées et joue un rôle culturel. Sans institutions universitaires, beaucoup de recherches ne seraient pas menées parce qu’elles n’ont pas d’utilité visible et immédiate tout en étant importantes et porteurs, et souvent « l’utilité » se révèle bien des années après. Et la formation des étudiants aussi dans les branches dites « inutiles » permet une grande diversité des voies et points de vue ; de plus et contrairement à ce qui est prétendu parfois, les diplômés dans ces branches ont globalement les mêmes chances sur le marché d’emploi que les autres.

La vraie question est alors celle de savoir qui définit si tel ou tel enseignement ou telle ou telle recherche « vaut la peine ». Et l’idée même de l’Université vient de la conviction que la liberté académique doit jouer un rôle déterminant dans ce contexte, une liberté qui est aussi bénéfique pour la société dans son ensemble. Toute tentative de planifier les activités universitaires a connu un échec, et il n’est pas surprenant que les sociétés qui connaissent une grande liberté académique se distinguent aussi par un potentiel d’innovations important. Par ailleurs, une des premières mesures de régimes (nouvellement) autocratiques est en général le « contrôle » des universités.

Dans ce sens, l’Université remplit pleinement une mission de la société et est aussi au service d’une société qui se définit comme démocratique et respectueux des principes de l’Etat de droit ; elle en est même un élément essentiel et nécessaire.

Astrid Epiney

Astrid Epiney, rectrice de l'Université de Fribourg depuis 2015, est professeure de droit européen et de droit international. Ses domaines de prédilection sont le droit européen et les relations Suisse - Europe. Elle est lauréate du Prix Latsis et a occupée plusieurs postes de responsabilité au sein de la communauté scientifique.

Une réponse à “Le rôle de l’Université dans la société

  1. Il faudrait que chaque universitaire publie un blog, eventuellement en vidéo, et en espérant qu’il soit du niveau de celui de Cuk.

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