Le suicide, un avantage compétitif

Didier Lombard est le champion du suicide. A lui seul, il a poussé au suicide à peu près soixante personnes. Pas mal non? Peu de gens peuvent en dire autant. Ses émules forment un club assez fermés qui étrangement coïncide avec certain autre club (CAC 40, FTSE-100…). Je me demande le nombre de suicides que ces joyeux et compétitifs lurons ont provoqué, 1000? 10’000? Qui sait? Mais il faut bien réfléchir dans cette affaire; après tout ce sont les faibles qui s’ouvrent le ventre, qui sautent – Dieu sait pourquoi – par les fenêtres. N’ont-ils pas, tous ces “managers”, un rôle social de sélection des résistants pour le bienfait de l’humanité? Ils émondent tous les traînards de la mondialisation: ne restera en place qu’une race d’hommes obligés et résilients; plus efficaces et donc plus compétitifs. Et n’est-ce pas de cette compétitivité dont on entend parler ad nauseam? N’est-elle pas le graal de nos sociétés, de notre politique, et même, de notre morale?

 

Dès lors, on est hypocrite en traînant un homme comme Lombard en justice pour harcèlement moral. C’est à une morale supérieure qu’il obéit, celle de notre temps que nous devons assumer totalement, que nous devons boire jusqu’à la lie. Condamner Didier Lombard, c’est condamner toute notre société. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre; on ne peut pas partout promouvoir la compétitivité et condamner les suicides! Pure incongruence (1)! Pure hypocrisie! Il faut faire un choix: les suicides ou le bien-être au travail? Un homme moderne, urbain, dynamique ne peut avoir la naïveté de dire “le bien-être”; qu’est-ce cette chose? Combien pèse-t-elle? Peut-on la produire en Chine, est-elle délocalisable, productible à la chaîne? Pas de réponse, malgré tous nos braves psychologues et coachs qui veulent – les vilains matérialistes – le faire résider dans les choses. Ne reste qu’une option… et il ne faut pas pleurer, c’est ce que nous voulons, c’est ce qui est. Il faudra s’y faire, ou… périr.

 

Le choix étant fait de purifier l’humanité de ces pires éléments, de tous ces poids, il faut cesser de donner dans le “social” qui ne fait que retarder l’émergence d’un nouvel homme intégralement compétitif. Et que penser de ces horribles vieux, dont l’arthrose et les démences sans nombres sont presque une insulte au genre humain régénéré par la compétitivité? Qu’ils s’en aillent (mais pas en vacances en Espagne ou au Maroc, vous me suivez j’espère). Ne reste plus qu’à aimer ce meilleur des monde possible, plein de marchés luxuriants et d’opportunités.

 

 

 

(1) Dans les arcanes politiques, on est bien plus cohérent, pragmatique, réaliste : on a eu le bon goût de faire de notre bienfaiteur un Commandeur de la Légion d’Honneur.

Arthur Simondin

Arthur Simondin est un professeur de philosophie à la retraite. Il veut user de ses connaissances et de son expérience d’enseignant afin de promouvoir une vision philosophique de l’actualité. Sa connaissance approfondie de la philosophie grecque et des courants dominants du 20ème siècle lui permet d’éclairer l’actualité et d’en révéler à la fois les structures et leurs significations.

2 réponses à “Le suicide, un avantage compétitif

  1. Très bien, mais encore faudra t il nous démontrer que l’esprit compétitif est bon pour la compétition. C’est un état d’esprit inventé pour le business afin de maximiser des profits et des positions dominantes. En sport, l’esprit de compétition est heureusement franchement différent. Il me semble me souvenir que votre personnage, a l’occcasion dlinterview de ces divers suicides en entreprise, exprimait (radio, TV) un détachement émotionnel surprenant, inquiétant. La est peut être la réponse.

  2. Si l’on ne veut pas que la planète se venge de tous ces hyper-riches qui sont déconnectés de sa nature et dont, comme toujours, les humbles paieront le prix des catastrophes générées pas leur schizophrénie, il faut agir, mais comment?

    Outre réintroduire la guillotine ou autre chaise solaire, alors que ces mêmes sauront envoyer leurs seconds couteaux à leur place et rallier leur bunker?

Les commentaires sont clos.