Alors que le Brexit a été repoussé au 31 octobre 2019, les journaux londoniens ont pu faire d’Extinction Rebellion leur fonds de commerce la semaine dernière. Également présent en Suisse, ce mouvement prône la désobéissance civile pour forcer les gouvernements à prendre des mesures pour le climat. Quatre lieux stratégiques de Londres ont été bloqués pendant la semaine sainte sans interruption.
Un sablier au milieu d’un cercle. Symbole du temps qui passe et de l’état de la planète qui se dégrade de plus en plus jusqu’à en devenir hostile à la vie si rien n’est fait. Tel est le message que veulent faire passer les activistes d’Extinction Rebellion, qui ont mené des actions de désobéissance civile dans plusieurs villes d’Europe la semaine dernière. A Lausanne, ils ont bloqué le pont Chauderon et le Grand-Pont pendant une heure. A Londres, où le mouvement international est né, les perturbations ont été d’une toute autre ampleur: Waterloo Bridge, Oxford Circus, Marble Arch et Parliament Square, soit quatre sites stratégiques de la capitale britannique, ont été bloqués sans interruption pendant une semaine. De quoi capter l’attention des médias et éclipser le Brexit des discussions dans les pubs londoniens.
Une désobéissance non-violente
La grande différence entre ces actions et les marches pour le climat est que ces premières ne sont pas autorisées. C’est le propre de la désobéissance civile, qui est un refus assumé et public de se soumettre à une loi considérée comme injuste. Ce mode de contestation, utilisé notamment par Ghandi, Martin Luther King ou Nelson Mandela, se construit autour d’une notion centrale: la non-violence. Pour le groupe londonien d’Extinction Rebellion, cette désobéissance s’est donc concrétisée à travers le blocage de quatre artères principales de la ville. Afin de faire entendre leurs revendications, ils n’ont eu «d’autre choix que de créer une disruption dans les systèmes de transport de Londres», expliquent-ils sur leur site internet, tout en s’excusant pour la gêne occasionnée.
L’objectif est de faire réagir Theresa May: «nous protestons pour persuader le Gouvernement d’entreprendre les actions nécessaires afin de faire face à la crise climatique et écologique», peut-on lire sur les tracts distribués aux passants forcés de continuer leur voyage à pied. Plus précisément, le groupe articule ses demandes sur trois points: que le Gouvernement «dise la vérité en déclarant l’urgence climatique et écologique», qu’il «agisse maintenant pour arrêter la perte de la biodiversité et réduire à zéro les émission de gaz à effet de serre d’ici 2025» et qu’il «crée et se soumette à des Assemblée citoyennes pour le climat et la justice écologique».
Un impact plus important que les marches
S’il parait peu probable que Downing Street prenne au sérieux ces revendications, les blocages auront au moins eu le mérite de sensibiliser une population bien plus large que peuvent le faire les marches pour le climat. Impossible pour les Londoniens de ne pas avoir entendu parler d’Extinction Rebellion. Que ce soit sur leur chemin habituel qui s’est subitement retrouvé encombré d’un mini skate-park sur le pont de Waterloo et d’un bateau rose à Oxford Circus, ou moins directement à travers les alertes de leur application mobile de transports publics qui se sont mises à clignoter dans tous les sens, les habitants de la capitale ont obligatoirement été impactés par ces actions. Les réactions négatives étaient évidemment nombreuses, mais les marques de soutien l’étaient tout autant. «Je ne sais même pas pourquoi une ville comme Londres a besoin de voitures en son centre-ville. Nous avons un des meilleurs système de transports publics du monde!», dit par exemple un commentaire liké près de 300 fois sous une publication Facebook du Guardian relatant les perturbations.
Le mouvement séduit au-delà des activistes altermondialistes habituels. Un militant cité par le Guardian observe que «ce ne sont pas seulement les infatigables hippies rebelles. Il y a des médecins, des architectes et la diversité ethnique s’agrandit.» L’actrice Emma Thompson n’a pas hésité à utiliser sa notoriété pour faire connaître le mouvement en allant se joindre aux militants d’Oxford Circus. James Hansen, un ancien scientifique de la NASA, et le linguiste Noam Chomsky ont aussi publiquement soutenu Extinction Rebellion.
La police sous pression
Il serait exagéré de dire que Londres a totalement été paralysée la semaine dernière. Cela aurait pu être le cas si les militants avaient bloqué le métro, ce qui avait d’ailleurs été débattu au sein de l’organisation, sans qu’il n’y ait de suite. Mais il y a un point où Extinction Rebellion a vraiment mis sous pression la mairie de Londres: la police. En une semaine, plus de 1’000 personnes ont été arrêtées, faisant déborder les cellules de la capitale et mobilisant la majorité des forces de l’ordre de Londres et des alentours. Mais, preuve du pacifisme des militants, seules 53 charges ont été retenues à ce jour. Pendant ce temps, la police se voit obligée de délaisser les actes habituels de délinquance, ce qui a poussé Sadiq Khan, le Maire de Londres, à demander maladroitement aux militants de cesser leurs activité et laisser la ville retourner à son «business as usual». Les principaux intéressés débattront ce soir de la suite à donner au mouvement. Et ce n’est pas impossible qu’ils rempilent pour une nouvelle semaine.