Le mois de janvier est le temps des bonnes résolutions pour l’année à venir. Pour le Japon, l’une d’elles est d’accélérer considérablement les efforts du gouvernement concernant l’action climatique. Il faut dire que jusqu’à récemment le Japon trainait quelque peu les pieds.
Un record pour le moins mitigé
On aime se souvenir à Tokyo que le pays avait présidé à la signature en 1997 du Protocole de Kyoto, le plus important accord international en la matière avant celui de Paris en 2015. Depuis, cependant, le Japon n’avait pas brillé par son esprit d’initiative. Les énergies fossiles avaient notamment continué d’occuper une part importante de son bouquet énergétique, et leur importance n’a fait que croître après la catastrophe de Fukushima, qui avait mené à la mise à l’arrêt de toutes les centrales nucléaires du pays (aujourd’hui encore, seuls neuf de ses soixante réacteurs ont été réactivés, et plusieurs ont été démantelés).
Le gouvernement avait alors mis en place une politique de soutien aux énergies renouvelables, mais celle-ci était peu ambitieuse comparée à celle des pays européens, et ses résultats ont été mitigés. Les normes d’émissions des véhicules japonaises se tirent mieux d’une comparaison similaire, même si l’Union Européenne s’est récemment montrée plus ambitieuse. Pour ce qui est de l’isolation des bâtiments, en revanche, le pays ne fait pas belle mine, comme quiconque ayant dû endurer le creux de l’hiver ou la moiteur estivale dans un appartement japonais pourra en témoigner. Les entreprises nippones avaient jusqu’à récemment privilégié la baisse des prix de construction et – de manière plus compréhensible – le respect des standards antisismiques les plus sophistiqués du monde.
Un éveil progressif
La situation s’améliore néanmoins à grands pas, et les bâtiments récents sont beaucoup plus efficaces sur le plan énergétique. Ce progrès fait partie d’un plus large éveil, parmi les élites japonaises, à la nécessité de prendre l’urgence climatique plus au sérieux. Il faut dire que, comme ailleurs, les températures extrêmes, précipitations diluviennes et autres typhons se font plus fréquents et touchent même des régions du pays jusqu’à maintenant relativement épargnées. Le coût des inactions passées est de plus en plus évident.
Les signes de ce changement de mentalité sont visibles à petite comme à grande échelle. Une réforme certes mineure mais qui touche très directement la vie des Japonais est l’adoption de la pratique déjà courante dans nos contrées de rendre les sacs en plastique payants dans les magasins pour en faire diminuer la consommation. Compte tenu de l’omniprésence des « konbini » qui les distribuaient à tour de bras et du caractère sacrosaint dans l’archipel du service au client, qui inclut un empaquetage soigneux des biens vendus, ce changement est quasi révolutionnaire.
Au sommet du gouvernement, un développement intéressant fut la nomination en automne 2019 de Koizumi Shinjirō comme ministre de l’environnement (en photo ci-dessus au COP25 de Barcelone la même année). M. Koizumi est le fils du fameux Premier Ministre du début des années 2000 Koizumi Junichirō, et peut-être le politicien le plus populaire du pays, que tous pensent destiné à suivre les traces de son père tôt ou tard. Que son premier portefeuille ministériel soit l’environnement a donc attiré l’attention. Il s’est depuis efforcé de donner plus de prééminence aux questions écologiques dans l’agenda du gouvernement, avec quelques succès. Le plus notable a été l’annonce cet été que le Japon allait réduire de façon significative le soutien officiel à la construction de centrales à charbon dans les pays en développement. Il ne s’agit cependant pas d’une cessation totale, et M. Koizumi s’est également attiré les foudres des activistes écologistes pour ne pas avoir promis clairement de ne plus construire de centrales à charbon au Japon-même. Un signe, peut-être, que son ministère reste bien moins influent que celui, plus conservateur, de l’économie, du commerce et de l’industrie.
Souci d’image nationale
Dans ce domaine, une dimension intéressante des débats au sein du gouvernement est le rôle que jouent les préoccupations des élites japonaises quant à l’image de leur pays sur la scène internationale. M. Koizumi ne se prive pas de souligner à quel point le retard du Japon sur certaines questions environnementales – notamment sa réticence à renoncer complètement au charbon – fait de lui la cible des critiques de ses partenaires et des organisations écologistes. Il sollicite donc ouvertement cette « pression externe » pour vaincre la résistance de la bureaucratie nippone.
Cette pression externe fut décisive dans la réforme de la politique d’aide au développement mentionnée plus haut, mais également dans la promesse beaucoup plus ambitieuse, faite en octobre dernier par le Premier Ministre Suga Yoshihide, que le Japon visera la neutralité carbone d’ici 2050. Les voix se multipliaient à l’intérieur du pays pour une action plus ferme sur le climat – y compris venant des grandes entreprises craignant se retrouver en violation des normes environnementales imposées par leurs partenaires et clients internationaux – mais le timing de l’annonce de M. Suga suggère également que les préoccupations d’image et de prestige furent décisives.
Le Président chinois Xi Jinping avait en effet fait peu avant une promesse similaire, visant la neutralité carbone d’ici 2060. Etant donné que la Chine est le plus important émetteur de CO2 du monde, cette promesse avait surpris et attiré des louanges universelles. On peut penser que le gouvernement japonais s’est senti obligé d’emboîter le pas rapidement pour ne pas paraître rétrograde. Il faut dire que le Japon aime se comparer à la Chine pour souligner à quel point il est un acteur responsable et apprécié sur la scène internationale par rapport à son voisin. Voir Pékin se positionner comme porte-étendard de la cause écologique fut donc alarmant. Pour ne pas être en reste, la Corée du Sud s’est d’ailleurs également empressée de faire une promesse similaire à celle de ses voisins. La compétition entre Etats pour des questions de prestige et d’honneur, particulièrement intense en Asie du Nord-Est et souvent source de conflits inutiles, aura donc cette fois eu un impact bénéfique pour la planète.