Le Japon face au « Brexit »

L’Europe n’est pas seule à être sous le choc de la décision britannique de quitter l’Union Européenne. L’impact du vote fatidique c’est fait ressentir jusqu’au Japon, qui a en réalité été l’un des premiers pays à être affecté. En effet, les résultats du référendum britannique ont commencé à paraître alors que la matinée était ici déjà bien avancée, rendant les marchés japonais particulièrement vulnérables à la panique qui a suivi la victoire surprise des « Brexiters ».

Avant vendredi, les Japonais me semblaient peu concernés par la question qui a agité l’Europe ces derniers mois. Pour les citoyens de l’archipel, cela semblait être une question interne à notre continent, qui touchait peu leur pays. Il ne leur venait de plus pas à l’idée que les Anglais puissent prendre une décision aussi dommageable et irrationnelle qu’un « Brexit ». Ils ont cependant vite dû déchanter.

 

Situation de crise

Non seulement l’impensable s’est produit, mais son impact sur l’économie japonaise s’est vite révélé bien réel. La bourse de Tokyo a perdu 8% dans la journée de vendredi et le yen, généralement considéré une valeur refuge bien que la dette publique japonaise soit la plus élevée au monde, a grimpé jusqu’à atteindre la parité avec le dollar – un renforcement très inquiétant pour une économie nippone encore tournée vers l’exportation.

Le Premier Ministre japonais a convoqué une session d’urgence de son cabinet, le Ministre des Finances s’est trouvé assailli par les journalistes, et a dû répéter à plusieurs reprises que le gouvernement suivait attentivement la situation et était prêt à intervenir si besoin était. Pendant ce temps, toutes les chaînes de télévision ont tenté de répondre aux mêmes questions qui dominent les ondes autour du monde, à savoir comment les « Brexiteers » l’ont emporté et quel sera l’impact du vote de jeudi sur les entreprises japonaises présentes en Europe.

 

Le Japon est par ailleurs en pleine campagne électorale pour la Chambre haute du Parlement (le vote aura lieu le mois prochain), et tous les chefs de parti ont dû consacrer leurs discours du week-end au « Brexit ». Les membres de la coalition au pouvoir ont souligné le besoin de stabilité à la tête du pays face aux risques pour l’économie mondiale créés par le vote britannique, tandis que les partis d’opposition ont accusé le gouvernement d’avoir rendu le Japon vulnérable au choc dudit vote par sa politique économique défaillante. En bref, les réactions ici montrent bien l’impact mondial de la victoire des « Brexiters ».

 

Incompréhension

La plupart des Japonais sont plus flegmatiques que leurs dirigeants politiques et ne sont pas touchés outre mesure par cette victoire au delà de son impact négatif sur l’économie japonaise. Le sentiment qui domine est plutôt de l’incompréhension devant une telle blessure auto-infligée. Comme m’a demandé une amie incrédule : « Mais à qui profite donc ce vote ?! » Une chose est sûre, l’Angleterre ne sortira pas grandie de l’expérience aux yeux des Japonais.

Antoine Roth

Antoine Roth est professeur assistant à l'Université du Tohoku à Sendai, au Japon. Genevois d'origine, il a obtenu un Master en Etudes Asiatiques à l’Université George Washington, et un Doctorat en Politique Internationale à l'Université de Tokyo. Il a également effectué un stage de six mois à l'Ambassade de Suisse au Japon. Il se passionne pour les questions sociales et politiques qui touchent le Japon et l’Asie de l’Est en général.