Le printemps montre le bout de son nez en Europe comme au Japon, et il est ici accompagné par une multiplication des visages masqués. L’omniprésence de ces masques est une particularité japonaise qui suscite la curiosité en Occident et au sujet de laquelle j’ai souvent été interrogé.
Mythes et réalité
Il existe de nombreuses idées erronées à leur sujet. Certains pensent notamment que l’usage des masques est une manifestation de la timidité excessive des Japonais, qui s’en servent en quelque sorte pour se cacher au monde. Il est vrai que certaines personnes, particulièrement mais non uniquement des femmes, mettent un masque par timidité ou manque de confiance en leur apparence, ou lorsqu’elles n’ont pas eu le temps de se maquiller avant de sortir. Ce phénomène reste cependant marginal et ne concerne qu’un faible pourcentage des gens masqués.
Il est plus juste de considérer le masque comme le premier outil de protection des Japonais, dont l’utilisation est devenue, avec l’habitude, presque instinctive. Protection contre quoi, me dira-t-on ? Contre deux phénomènes en particulier, ce qui explique leur usage très saisonnier.
Rhumes et allergies, même combat
Au début de l’hiver, le nombre de Japonais masqués se multiplie avec la propagation des rhumes et autres grippes qui accompagnent généralement les baisses de température. Se masquer est alors un moyen de manifester ses égards pour les autres et d’éviter de contaminer ses voisins dans les transports publics, où l’on est souvent fort serré, en toussant ou en reniflant dans leur direction.
Au début du printemps, c’est l’apparition des pollens qui pousse nombre de Japonais à se masquer, dans l’espoir que cela diminue l’effet de leurs allergies. La multiplication des masques est donc devenue un rituel qui marque le passage des saisons au même titre que la floraison des cerisiers ou la propagation des couleurs automnales dans les forêts.
Psychologique autant que pratique
Les rhumes et les allergies ne sont cependant pas les seuls prétextes à se masquer. Que ce soit face aux radiations émises par la centrale de Fukushima suite à son accident ou face à la pollution atmosphérique émanant de Chine, qui parvient parfois jusqu’au sud du Japon, le premier réflexe des citoyens de l’archipel est de porter le masque pour se protéger.
L’utilité d’un tel geste est douteuse, puisqu’un simple filtre posé sur la bouche et le nez constitue une bien piètre défense contre l’irradiation, et que les masques devraient être changés très souvent – toutes les deux-trois heures – pour être véritablement efficaces contre la pollution ou contre la propagation des maladies. Peu de Japonais sont aussi diligents.
Le fait de porter un masque remplit donc un rôle psychologique tout autant que pratique. Il sert à montrer ses égards aux autres, à se rassurer soi-même et à contrecarrer un certain sentiment d’impuissance face à des dangers invisibles ou impossibles à éviter. C’est grâce à ces significations et ces usages multiples que les petits masques blancs se sont tant ancrés dans la culture japonaise.