La beauté éphémère de la hanami

La semaine dernière était une semaine spéciale à Tokyo, celle de la floraison des cerisiers, célèbre de par le monde. Durant la période où ces fleurs sont complètement ouvertes, toute la population japonaise ainsi que des centaines de milliers de touristes se rassemblent dans certains parcs et autres endroits connus pour la beauté de leurs cerisiers. La brièveté et la fragilité de cette floraison la rendent plus précieuse, et font partie intégrante de son importance particulière dans la culture japonaise. En effet, l’ouverture complète des fleurs ne dure que quelques jours dans le meilleur des cas, et un jour de grand vent ou de pluie risque à tout moment d’y mettre fin. Une véritable tempête peut dénuder tous les arbres en quelques heures.

 

La hanami (ou “contemplation des fleurs“) est donc un moment spécial pour les Japonais, qui ne se lassent pas, année après année, de ce rituel qui symbolise le renouveau, marque le début du printemps, et coïncide avec le début de l’année académique et professionnelle. La hanami est devenue d’autant plus importante dans le Japon d’aujourd’hui, moderne et très urbanisé, mais où l’attachement à la nature et à sa beauté reste très fort. C’est désormais une occasion rare de faire abstraction de la jungle de béton urbaine qui forme le cadre de vie de la plupart des japonais.

La modernité a cependant ces avantages : De nombreux sites web existent maintenant avec des calendriers précisant quand la floraison commencera dans chaque ville du pays – cette floraison est comme une vague qui balaie tout le pays du sud au nord –, des informations, mises à jour en temps réel, sur l’état des fleurs dans chaque lieu de hanami connu, et des classements des endroits les plus populaires dans chaque localité.

 

La hanami est une communion autant avec le reste de la population qu’avec la nature, et il ne faut pas avoir peur des foules pour en profiter. La façon traditionnelle de la pratiquer est de s’installer, en groupe d’amis, en couple ou en famille, sous les cerisiers sur une bâche en plastique – contrairement au Shinjuku Gyoen où j’ai pris la photo ci-dessus, la plupart des parcs japonais sont étrangement dépourvus de pelouses –, accompagné d’amples provisions de snacks et d’alcool. Un certain nombre de jeunes Japonais finissent d’ailleurs ivres morts, ce qui a conduit certains parcs à interdire les boissons alcoolisées dans leur enceinte.

Heureusement, il n’est pas nécessaire de braver les foules et les collégiens imbibés pour profiter de la floraison des cerisiers. La vraie magie de cette période réside à mon sens dans l’omniprésence de ces arbres couverts de blanc et de rose dans les rues japonaises. Durant ces quelques jours, ils sont une présence constante, accompagnant et embellissant chaque déplacement. Aujourd’hui, tout ce qui reste de cette beauté printanière sont les innombrables pétales blanches et roses, essaimées par le vent, qui parsèment toute la ville (et rendent la vie dure aux balayeurs). Heureusement, on peut déjà se réjouir d’une nouvelle hanami l’année prochaine.

 

Antoine Roth

Antoine Roth est professeur assistant à l'Université du Tohoku à Sendai, au Japon. Genevois d'origine, il a obtenu un Master en Etudes Asiatiques à l’Université George Washington, et un Doctorat en Politique Internationale à l'Université de Tokyo. Il a également effectué un stage de six mois à l'Ambassade de Suisse au Japon. Il se passionne pour les questions sociales et politiques qui touchent le Japon et l’Asie de l’Est en général.