Assurance maladie : le jour où vos élus vous ont craché au visage

Qu’est-il donc passé par les têtes du Parlement en cette journée du 5 mars 2019 lors de l’adoption par le Conseil des Etats de l’augmentation des franchises de l’assurance maladie ?

Pas un jour ne passe depuis le choc de l’annonce des augmentations de primes en 2017 sans que des citoyens, des journaux ou des partis n’expriment publiquement l’urgence et la nécessité de soulager la classe moyenne, et la grande majorité de la population, du fardeau des primes et des coûts de la santé.

A cela, élus et technocrates de l’assurance n’ont répondu jusqu’ici que par responsabilisation du patient, augmentation des franchises et inertie coupable.

A croire que dans notre démocratie louée par ces mêmes élus, le citoyen est devenu inaudible, à tout le moins dans le domaine de la santé.

Que faudra-t-il pour imprimer dans la tête de nos élus que la plupart des gens ne peuvent plus payer leurs primes. Oui, Mesdames et Messieurs les élus, nous sommes en Suisse et l’argent manque pourtant dans les familles pour payer les primes, les impôts, le dentiste et demain la franchise de base.

On trouverait presque l’annonce risible si elle n’était pas synonyme d’une précarisation supplémentaire d’une tranche croissante de la population.

Viendrait-il à l’idée d’un capitaine de bateau de jeter une bouée en plomb à quelqu’un qui se noie ? On constate qu’à Berne, en l’absence d’expérience maritime, on répond positivement à cette question.

A croire que sans le dire, le plan miracle adopté par le Parlement pour juguler la hausse des coûts est l’exclusion progressive des patients du système faute de moyens suffisants.

Et pourtant, les moyens d’actions et les pistes de réflexion ne manquaient pas.

Un petit tour dans l’actualité récente et nos élus auraient découvert, peut-être pour la première fois, les marges infâmantes sur les médicaments vendus en Suisse, les bénéfices après impôts des 57 caisses d’assurances maladies autorisées dans le pays ou encore le montant des réserves qui se monte aujourd’hui à près de 9 milliards.

Aux oubliettes les mesures profondes et systémiques, on se contentera de charger encore et un peu plus le citoyen.

A croire qu’à Berne, comme à Paris à la veille de la révolution de 1789, on n’est guère enclin à écouter les gens de peu.

Si la gauche lance un référendum quel qu’il soit pour stopper, limiter ou geler l’augmentation des dépenses pour le citoyen en lien avec l’assurance maladie, elle aura mon vote.

Pour nos élus à Berne, qui n’ont visiblement pas encore compris, il est l’heure de trouver des solutions concrètes pour baisser la charge financière des ménages et non d’opérer des augmentations déguisées.

Un franc qui sort du budget du ménage sous la forme d’une prime, d’une franchise ou d’une participation aux coûts est un franc de moins en fin de mois, et ce quelle que soit la profonde réflexion intellectuelle menée en amont sous la coupole

Contraindre le peuple à user de la démocratie directe avec une majorité acculée financièrement pourrait s’avérer un jeu dangereux pour ce pays.

Je vous conseille une révolution de Palais pour en éviter une citoyenne.

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Étape genevoise pour le programme AIR2030 et les nouveaux avions de combat

Samedi 16 février se tenait à Genève l’édition 2019 du Security Forum organisé par La Revue Militaire Suisse (RMS), le Centre d’Histoire et de Prospective Militaires (CHPM) et l’Université de Genève, sous la conduite d’Alexandre Vautravers.

Quel meilleur lieu que la cité lacustre pour évoquer un potentiel serpent de mer pour la Confédération ?

Au programme cette année, « Air power » ou Défense aérienne, avec une emphase particulière sur le programme AIR2030 suisse qui tend au renouvellement de la flotte d’avions de combat et du système de défense anti-aérien.

L’occasion de faire un point de situation sur ce programme suite à la passation de témoin entre Guy Parmelin et Viola Amherd.

Ainsi, l’avant-garde du programme AIR2030 et les avionneurs en compétition s’étaient donné rendez-vous samedi matin, 0800, à la caserne des Vernets, déjà nostalgiques de sa future disparation.

Et bien cela en valait la peine !

En effet, malgré le ton militaire, le tout fut clair, limpide et sans langue de bois.

A croire que l’ancien Département de Guy Parmelin et ses communicants avaient jusqu’ici parlé en chinois, à défaut de maitriser l’anglais.

Mention spéciale au Divisionnaire Claude Meier qui maitrise aussi bien le sujet qu’il l’exprime.

AIR2030 : Questions directes, réponses précises

Sur la question du budget, l’explication est limpide. Les acquisitions AIR2030 se feront dans le budget ordinaire de l’armée, lequel sera augmenté de 1.4% par an en valeur réelle. En clair, pas de budget extraordinaire pour ces dépenses extraordinaires.

Sur la question de la stratégie politique, le recours au budget ordinaire de l’armée n’implique pas de référendum. Le référendum dont on parle aujourd’hui était un choix du chef de Département qui souhaitait que le peuple puisse s’exprimer sur la question de principe.

A tort ou à raison, en perspective d’une hypothétique initiative du GSSA ? Devoir de réserve oblige, le débat n’est pas tranché mais le cadre est posé.

Sur les moyens alternatifs proposés par certains, soit des avions légers, des hélicoptères ou des drones, réponse imparable par l’exemple : «  Essayez d’intercepter un jet d’affaire volant à 900 km/h à 10’000 mètres d’altitude avec un hélicoptère ou un drone, c’est juste impossible. ».

Enfin, sur la question de la coopération militaire ou de la délégation de notre défense a d’autres pays, réponse sans ambages de Christophe Keckeis, ancien chef de l’armée, la collaboration c’est donnant donnant et la délégation a un coût, qui est aussi celui de la souveraineté.

Maitrise de l’espace aérien et souveraineté

La souveraineté justement, au cœur de cette journée avec des questions et des réflexions intéressantes.

Un pays peut-il encore être vraiment souverain aujourd’hui lorsqu’il ne maitrise pas/plus son espace aérien ?

Autre piste de réflexion, certains opposants au projet objectent que la souveraineté doit s’exprimer à travers le processus politique démocratique et non-pas par la maitrise du territoire par une armée.

Dans la même veine, le développement des nouveaux outils de la démocratie comme la pétition en ligne, le vote par Internet ou les réseaux sociaux ne rebattent-ils pas les cartes de la territorialité au profit du cyberespace ?

Dans un précèdent article (lien) j’avais eu l’occasion d’exprimer que, pour ma part, j’estimais que la Suisse avait besoin de nouveaux avions de combats car la défense aérienne est une composante inséparable et essentielle de la souveraineté territoriale et que, sans souveraineté territoriale, il n’y a pas de libertés qui puissent s’exercer.

A la croisée des menaces modernes

Dans la continuité de cette opinion, je me permets de faire référence aux propos de Me Nicolas CAPT sur les réseaux sociaux (voir article) qui indiquait que « confondre le tuyau et le contenu fait frémir et rappelle que la maîtrise des interfaces, souvent prêtée aux Millenials, ne garantit visiblement pas la compréhension de mécanismes de fond. »

Il en va ici de même avec ces nouveaux outils de la démocratie qui demeurent uniquement des moyens d’expression de celle-ci, pour autant que la souveraineté du territoire où elle s’exerce, même numériquement, soit garantie.

En claire, il ne faut pas perdre de vue que les nouvelles technologies reposent encore sur des infrastructures physiques qui doivent être protégées contre des menaces physiques et cyber, et peut être demain mixtes.

Il n’est pas irréaliste de penser que le rôle de la défense aérienne dans un futur proche, en plus de la police du ciel, sera par exemple de détecter et d’empêcher l’intrusion de drones dont la mission serait de perturber les communications ou d’infecter des réseaux avec des programmes malveillants.

Enfin, sur la question de la menace effective, on entend souvent qu’une guerre conventionnelle en Europe est peu réaliste. On peut débattre de cette question au vu des développements récents à l’Est mais surtout, c’est un argument qui méconnait totalement les menaces de demain.

Un rapide détour par les programmes et doctrines militaires en cours à l’étranger nous laisse entrevoir que l’arme aérienne sera demain autant un outil de domination qu’un vecteur de transmission.

Et vous, quel avenir voyez-vous pour la défense aérienne ?

Bon baiser de Suisse

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L’IA en Général d’armée

Le 22 janvier 2019, une Intelligence Artificielle développé par Google et baptisée DeepMind battait sèchement sur Starcraft II, 10 victoires pour une défaite, l’équipe professionnelle d’E-Sport Liquid TLO.

Moins médiatisée que les exploits d’Alpha Go au jeu éponyme ou que celles de l’IA Deep Blue d’IBM aux échecs, cette récente victoire d’une intelligence artificielle dans un jeu de stratégie grand public marque un nouveau tournant de l’évolution technologique et laisse entrevoir le futur de l’IA en matière de stratégie militaire.

A vos ordres DeepMind !

Dans la stratégie conventionnelle, on distingue généralement trois phases : La reconnaissance, la planification et l’action.

Dans le cadre des échecs et du jeu de Go, sans rien enlever à la noblesse et à la complexité des stratégies mises en œuvre, l’IA opère dans l’action, en adaptant sa stratégie à la stratégie adverse. Il n’y a pas de phase de reconnaissance ou de planification.

A l’inverse, le jeu de stratégie en temps réel Starcraft II intègre ces trois dimensions.

  • La préparation d’une stratégie d’avant match (car le jeu démarre sans que l’on connaisse l’emplacement et la stratégie de l’adversaire),
  • La planification des ressources (nécessaires pour construire des unités et des bâtiments) ; et,
  • L’action, assez conventionnelle, qui nécessite une réadaptation en temps réel de la stratégie.

Dans le cadre de l’affrontement entre DeepMind, sous le pseudo d’AlphaStar, et ces joueurs professionnels, nous avons pu constater, et cet élément a été repris par les critiques, que la vitesse d’exécution de l’IA était bien supérieure à celle d’un joueur humain, et que cette vitesse lui a permis en partie de prévaloir.

A cet argument, les concepteurs rétorquent que la vitesse d’exécution était de facto supérieure car expurgée de tout mouvement parasite, par exemple des sélections hésitantes ou des clics inutiles.

Pour le reste, l’IA aurait été calibrée pour ne pas pouvoir effectuer ses tâches plus rapidement qu’un joueur humain.

Nous ne trancherons pas la controverse ici.

Un élément qui fait par contre l’unanimité, c’est la qualité et la vitesse du micro-management de l’IA, dans sa gestion des ressources, de la production et de l’utilisation de ses troupes. Sur ce dernier point, il est intéressant de constater que l’IA a un style de jeu tout à fait particulier lorsque elle fait effectuer à ses troupes des avancées puis un retrait tactique et ainsi de suite pour déjouer la distance maximale et la visée des armes ennemies.

L’unique partie perdue par AlphaStar contre le joueur star Mana est aussi riche d’enseignement. En effet, le joueur professionnel découvre en premier la base adverse ce qui lui donne un avantage, sachant distinctement où envoyer ses troupes pour perturber l’ennemi. L’avantage ainsi acquis, et habilement exploité, permet la victoire de l’humain.

Il faut toutefois faire le constat redoutable que l’humain prévaut ici une seule fois sur onze parties, dans un mode un contre un (1 vs 1). Il est quasiment certain, sur la base de ce qui a été montré, que deux humains jouant en 2 vs 2 contre l’IA n’auraient probablement eu aucune chance.

Et c’est là l’enseignement le plus important de cet événement, la capacité de coordination et de micro management de l’IA dans un contexte stratégique.

Sur le champ de bataille de demain

Transposé dans le monde réel, cette partie de jeux vidéo met en évidence que l’efficience militaire dépend fondamentalement de la capacité à planifier et coordonner différents acteurs.

En cela, l’IA, avec sa capacité d’exécuter des actions stratégiques sans hésitations ou sans actions parasites, dévoile un potentiel incomparable dans la conduite stratégique avec pour corolaire un avantage indéniable à l’entité qui la contrôle.

Dans l’exercice d’anticipation technologique, force est de constater que la pensée commune se borne à imaginer l’IA en pilote d’armes autonomes, et en particulier de robots tueurs que l’on imagine volontiers anthropomorphes.

Notons pour l’exercice intellectuel qu’en terrain réel, un robot, même doté d’une excellente IA, sera encore pour longtemps exposé à des aléas techniques et environnementaux, et sa performance dépendante d’un facteur chance ou relative à l’intelligence et aux capacités d’un adversaire humain.

Or, ce que montre AlphaStar en joueur de jeux vidéo, c’est que l’avantage stratégique de l’IA est encore plus marqué dans le rôle du commandant que dans celui du combattant.

Groupes de combat dirigés par une IA

De ce constat, qui est certainement partagé par ceux qui inventent les armes de demain, il faut déduire que la projection d’entités contrôlées par l’IA sur un théâtre d’opérations ne sera probablement pas aussi visible qu’actuellement anticipé.

En effet, sur la base de notre réflexion précédente, il ne ferait aucun sens d’exposer à des risques divers des machines hautement technologiques alors que la plus-value de l’IA se trouve dans sa capacité à coordonner et commander des troupes.

Nous pouvons ainsi prédire que le futur de l’IA dans un cadre militaire se matérialisera sous la forme d’une IA centrale, par exemple dans un poste de commandement avancé, qui aura à sa disposition diverses sortes de robots et de drones, pas forcément d’une technologie très avancée pour autant que l’IA de contrôle et de commande puisse s’y connecter pour les coordonner et leur faire exécuter des tâches déterminées.

Dans sa partie de StarCraft II, l’IA a montré sa capacité à sacrifier des éléments pour obtenir un avantage stratégique.

Dans un scénario pas si improbable, on pourrait  imaginer que la pacification d’une province afghane soit par exemple confiée à un ordinateur dotée d’une IA comparable à celle de DeepMind, installé dans un container à Kaboul, et qui coordonnerait et commanderait des entités robotisées dans le but d’accomplir la mission confiée par ses programmateurs.

Les questions de l’indépendance de la machine et des biais dans les algorithmes étant réservées, le futur de la guerre dépend dès aujourd’hui, pour ne pas dire hier, de la capacité des états et des belligérants à maitriser et  mettre en œuvre des intelligences artificielles.

Bon baiser de Suisse.

Une année d’espionnage en Suisse, revue 2018

Selon l’astrologie chinoise, 2018 était l’année du Chien de terre.

Pour les autorités helvétiques, cette année fût surtout celle des espions économiques, adeptes ou non de l’astrologie chinoise.

Chers amis et voisins

Ouverture des feux en janvier 2018 avec plusieurs articles faisant état de tentatives, réfutées, de recrutement de sources et de chercheurs suisses par des agents chinois via LinkedIn. Comme disait déjà Simon de Bignicourt dans Les pensées et réflexions philosophiques (1755); “Plus on a d’amis, et plus on a d’ennemis“. 

En mars 2018, reprise du conflit de voisinage Germano-Suisse avec le Ministère public zurichois et l’inculpation de trois Allemands pour espionnage économique et violation du secret bancaire.

Les trois inculpés sont soupçonnés d’avoir fourni aux autorités allemandes, en violation du droit suisse, des documents concernant l’affaire opposant Franz Müller à la banque privée J. Safra Sarasin.

Et dire que fin 2017, l’Allemagne nous faisait encore la leçon de morale suite à l’arrestation de l’agent suisse Daniel M…

Les espions venus du froid

Après un été relativement calme, c’est la Russie qui se distingue en septembre avec l’arrestation aux Pays-Bas de deux espions russes soupçonnés notamment d’avoir tenté d’espionner le laboratoire de Spiez, dans le Canton de Bern, dans la foulée de l’affaire Skripal, du nom de cet ancien espion russe mystérieusement empoisonné à Londres.

Au même moment, la presse relie la même équipe russe à une tentative de hacking contre l’EPFL et l’agence mondiale antidopage à Lausanne survenue quelques mois plus tôt.

Nous apprenons au passage que plus d’un quart des diplomates russes accrédités en Suisse sont des espions, et ce d’après une évaluation confidentielle (?) réalisée pour le Conseil fédéral. Dont acte.

En octobre, la Suisse réagit avec l’autorisation donnée au MPC par le Conseil fédéral d’ouvrir une procédure pénale contre les deux ressortissants russes soupçonnés de service de renseignements politique en lien avec l’affaire du laboratoire de Spiez.

Octobre rouge

Octobre rouge aux Etats-Unis avec l’inculpation de dix Chinois soupçonnés d’espionnage économique. La troisième prise du genre en trois mois outre-atlantique.

En novembre, c’est le Temps qui nous apprend que parmi ces chinois indiscrets, certains avaient pris pour cible une filiale de Roche basée en Californie.

A noter que dans son rapport 2018, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) constate «une activité accrue des groupes de hackers chinois à l’encontre d’intérêts suisses».

De là à penser que des espions chinois qui agissent de manière offensive aux Etats-Unis pourraient aussi agir en Suisse, il n’y a qu’un (très) petit pas.

Un opérateur qui vous veut du bien

L’année se termine avec la controverse Huawei, du nom du premier fournisseur mondial d’équipements de réseaux de télécommunications et deuxième fabricant de smartphones, qui travaille en Suisse avec Sunrise et Swisscom et qui entend se développer à Lausanne et Zurich.

Pour rappel, Huawei est confronté depuis plusieurs mois à des soupçons d’espionnage pour le compte du gouvernement chinois.

A l’étranger, le groupe a dû faire à des interdictions, notamment aux Etats-Unis, en Australie, en Nouvelle Zélande, en France ou encore en Allemagne.

A noter que Swisscom utilise déjà certaines technologies de Huawei pour son réseau fixe et que l’opérateur chinois a publiquement déclaré souhaiter investir massivement en Suisse et se rapprocher de l’EPFL. Tiens donc.

Le Conseil fédéral veille, nous dit-on.

La bonne approche mais un manque de moyen

Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) est en première ligne sur ces sujets et connaît bien les problématiques.

Depuis 2004, le SRC, dans le cadre du programme de prévention et de sensibilisation Prophylax, sensibilise les entreprises, hautes écoles et instituts de recherche suisses aux menaces et risques liés à l’espionnage ainsi qu’à la prolifération.

Couplée à des moyens d’investigation adéquats, notamment fourni par la nouvelle Loi sur le renseignement, cette approche est la bonne mais elle manque toujours de moyens financiers.

La prospérité de la Suisse étant corrélée à sa capacité d’innovation, la lutte contre l’espionnage économique et la prévention au sein des milieux visés devraient être des priorités politiques et budgétaires.

Contacté, le SRC explique qu’il souhaite augmenter la visibilité de Prophylax et améliorer la sensibilisation des entreprises suisses.

« Le travail de sensibilisation sous forme de discussions bilatérales et confidentielles avec les entreprises, les hautes écoles et les instituts de recherches se poursuit.

Afin d’atteindre un public plus large, les experts du SRC ont présenté leur travail aux membres des chambres de commerce et d’industrie de plusieurs cantons en 2018. Cette collaboration a été un succès et le SRC souhaite poursuivre cette démarche dans d’autres cantons, ainsi qu’avec d’autres associations économiques. »

De confidentiel à grand public

Notons également que l’Université de Berne conduit actuellement une étude sur l’espionnage économique en Suisse, en collaboration avec le SRC. Le but de cette étude consiste en un relevé détaillé de la situation, une estimation des impacts financiers et autres dommages, ainsi qu’une évaluation de la qualité de la collaboration entre les entreprises et les autorités.

La publication de l’étude est prévue pour fin 2019.

Espérons que les résultats de cette étude provoqueront un électrochoc sous la coupole afin que chaque étudiant et chaque chef d’entreprise, de la start-up à la multinationale, puisse bénéficier au minimum d’une présentation des enjeux et des risques dans le cadre de ce programme Prophylax qui gagne à être connu de tous.

Bon baiser de Suisse et bonne année 2019.

AIR2030: A la rencontre de Lockheed Martin et du F35 A Lightning II (5/5)

Jeudi 25 octobre 2018, 0800, Lausanne, dernière journée BtoB pour l’industrie suisse et dernier avionneur en lice, Lockeed Martin et son F35 A Lightning II.

Lockheed Martin, c’est le fer de lance de l’armée américaine et ce n’est pas l’accent texan des représentants du groupe qui nous contredira.

L’avion de demain

Le style est direct et décomplexé.

Le représentant du groupe annonce d’entrée de jeu : « C’est le seul avion de 5ème génération actuellement vendu dans le monde. C’est le meilleur avion fabriqué par la meilleure entreprise du monde».

Pareil pour le moteur, « le meilleur réacteur actuel » selon son concepteur Pratt & Whitney.

Voilà qui change de la retenue européenne.

Selon Lockheed Martin, ce qui rend le F35 unique c’est sa furtivité et ses capteurs de dernière génération qui en font une plateforme de reconnaissance furtive avancée, capable également d’attaquer et de soutenir les troupes au sol.

Le F35 c’est aussi la technologie de fusion des données la plus avancée au monde qui permet de synthétiser et d’afficher directement dans le casque du pilote toutes les informations des capteurs de l’avion mais également les données transmises en temps réel par les troupes au sol et/ou par les autres armes engagées en opération.

Avec la Belgique qui vient de se porter acquéreur de trente F 35, ce sont près de 800 appareils qui seront actifs dans 11 pays d’ici 2022.

Le représentant de Lockheed Martin insiste sur le fait que groupe est engagé dans un projet très ambitieux de chaine logistique unique pour tous les utilisateurs, et ce avec l’objectif de faire baisser le prix de l’avion et de son exploitation, remarque récurrente depuis les débuts du projet.

Avant de passer aux affaires compensatoires, il est temps de visionner une petite vidéo de présentation.

Le futur c’est maintenant.

La guerre 4.0

La présentation des possibilités de collaboration dans le cadre des affaires compensatoires nous conforte un peu dans l’idée que nous sommes totalement dépassés, à tout le moins en matière de doctrine militaire.

Lockheed Martin annonce la couleur, les affaires compensatoires seront principalement indirectes et le groupe a dressé une liste de technologies clés dans lesquelles la Suisse pourrait apporter son innovation et ses compétences.

Ce qui me frappe, c’est l’aspect totalement décomplexé de l’approche.

A l’heure où l’armée suisse tergiverse sur ses prérogatives et ses capacités cyber, Lockheed Martin l’annonce noir sur blanc, ils veulent dominer le cyberespace. Point.

La liste des courses est sans équivoque.

Parmi les technologies qui les intéressent, on retrouve textuellement : “Malware, Hacking, autonomous systems, electronic warfare ou encore digital surveillance”.

Et ce n’est pas fini.

Le représentant de Lockheed Martin enchaine sur un bref rappel historique, le groupe a été de tous les programmes spatiaux de la Nasa et demeure à la pointe des technologies spatiales.

Pour eux, la Suisse a un rôle à jouer dans ce domaine.

Sans transition, on passe de la cryptographie quantique développée à l’EPFL aux capteurs aériens (infrarouges, X-ray, thermiques) à intégrer dans des drones de combat ou encore aux technologies laser offensives, déjà installées sur un navire de l’US Navy et en cours de perfectionnement.

La Suisse est, parait-il, très avancée dans ces domaines de recherche.

Je partage avec mon voisin l’impression que certains industriels étrangers en savent plus sur les technologies développées en Suisse que notre propre gouvernement.

Entre Berne et Houston, 8515 kilomètres et un monde de différence.

Le groupe développe ensuite sur l’intelligence artificielle, les objets connectés ou encore les technologies de « climate control » à savoir tout ce qui a trait à la gestion de la climatisation et de la chaine du froid.

On termine sur la fusion des données et le big data, ou comment la combinaison des drones, des satellites et de l’électronique embarquée permettra d’être omniscient sur les champs de batailles ou, parenthèse civile, de gérer l’agriculture de demain depuis l’espace.

Comme certains de ses concurrents, Lockheed Martin vient chercher en Suisse l’innovation et les technologies du futur. Tout ce qui rentre dans leurs technologies clés les intéressent.

Avant de conclure, Lockheed Martin nous passe une petite vidéo de présentation de son usine texane qui produit les F35.

Quelques humains surveillent des chaines d’assemblages où des robots de toute forme et de toute taille assemblent des avions de combat 5ème génération à la chaine.

Impressionnant, et encore, je pense que l’on nous a sciemment caché l’usine de drones.

Choisir son camp

La présentation se conclut sur les modalités de collaboration et nous comprenons alors pourquoi la fréquentation est moindre en ce jour.

Pour travailler avec Lockheed Martin il faut montrer patte blanche auprès des autorités et obtenir diverses accréditations et licences soigneusement accordées par la défense américaine.

Pour beaucoup de PME/PMI l’écueil a visiblement semblé infranchissable.

 

 

 

AIR2030: A la rencontre de Boeing et du F/A 18 Super Hornet (4/5)

Mardi 23 octobre 2018, 0800, Lausanne, entrée en lice des avionneurs américains.

Pour rappel, deux avions américains sont en compétition dans le cadre du programme AIR2030, le F/A 18 Super Hornet de Boeing et le F35 de Lockheed Martin.

Au menu de cette matinée, le F/A 18 Super Hornet de Boeing.

L’avion proposé n’est pas inconnu puisqu’il avait été naturellement envisagé lors de la précédente campagne de renouvellement de la flotte avant que Boeing ne renonce à faire une offre à la Suisse.

Boeing avait expliqué à l’époque que « le nouveau Super Hornet est peut-être un avion trop poussé par rapport aux besoins de la Suisse. ».

Huit ans plus tard, les besoins exprimés par la Suisse pour son nouvel avion de combat ont évolué et le Super Hornet fait à nouveau office de candidat sérieux.

En effet, les F/A 18 Hornet dans leur version C et D sont en service dans les forces aériennes suisses depuis maintenant vingt ans et l’avion est bien connu de nos pilotes et militaires.

Quelles différences par rapport au modèle actuel ?

Le F/A 18 Super Hornet n’est pas un nouvel avion mais bien une évolution du Hornet que nous connaissons. Il s’agit cependant d’une évolution en profondeur avec une refonte du design, de la signature radar, une mise à jour des systèmes d’armes et de l’électronique embarquée ou encore une augmentation importante de l’autonomie.

Aujourd’hui, le F/A 18 Super Hornet E/F est un biréacteur de 4ème génération + disponible en monoplace et biplace comme les variantes C et D de son prédécesseur.

Boeing va droit au but

La présentation du jour de Boeing est, comme disent les américains, « straight to the point ».

Communication à l’américaine oblige, on débute avec un clip vidéo figurant un compte à rebours égrené par une voix féminine à l’issue duquel divers types d’engins fabriqués par Boeing s’élancent dans le ciel dans un panache de fumée incandescent.

Sans autre intermède, le représentant de Boeing, Monsieur CRUTCHFIELD, développe directement sur la facilité de transition entre le modèle actuel de l’armée suisse et le Super Hornet, un mois d’entraînement au maximum étant selon lui nécessaire aux pilotes aguerris sur F/A 18 Hornet pour se familiariser avec cette nouvelle version.

Quant au matériel d’entretien et à l’armement, il est en partie compatible entre les deux versions.

Compte tenu de l’avenir bien incertain des F/A 18 suisses actuels dans le contexte politique tendu des exportations d’armes, le recyclage partiel est un point pour le moins pertinent.

Pour Boeing, le Super Hornet est  la transition la plus simple et la moins onéreuse pour la Suisse.

C’est au tour de Madame Nell BRECKENRIDGE, première femme à s’exprimer pour un constructeur, de prendre le relais.

Elle partage premièrement quelques chiffres : Boeing est un géant de l’industrie, qui a l’habitude de l’offset et de travailler avec des partenaires dans le monde entier.

Historiquement, l’offset Boeing c’est près de 50 milliards USD dans environ 40 pays depuis 35 ans. Actuellement, c’est 65 collaborations pour un montant de 20 milliards USD dans 20 pays.

Efficacité et engagement

Viennent ensuite les arguments phares de Boeing pour la Suisse.

Premièrement, le géant américain, en tant que constructeur du F/A 18 Hornet, le dernier avion acquis par l’armée suisse, peut s’appuyer sur sa propre expérience dans le cadre du programme offset d’USD 1,3 milliards réalisé en Suisse dans le cadre de l’achat de cet avion en 1997.

Détail piquant au pays de la ponctualité, le programme d’offset de l’époque a été complété 3 ans avant le délai prévu.

Dans la même veine, un nouveau programme d’offset a été signé par Boeing avec la Suisse en 2009 pour la mise à jour des F/A 18 Hornet, lequel a également été complété, selon Boeing, en avance du calendrier prévu.

Au total, toujours selon Boeing, ce sont plus de 600 sociétés suisses qui font ou ont fait affaire avec l’avionneur au cours des vingt dernières années.

Sur leur dernier slide de présentation, Boeing déclare : Promises made, promises kept. (Promesses faites, promesses tenues)

Tout un programme.

 

AIR2030: A la rencontre du consortium Eurofighter et du Typhoon (3/5)

Que produire en Suisse  ?

Mercredi 17 octobre 2018, 0800, Lausanne.

Troisième journée BtoB et troisième introduction du Président du Groupe romand pour le matériel de Défense et de Sécurité (GRPM).

« On ne vient pas en Suisse pour produire des choses simples et pas chères, on vient produire en Suisse des biens complexes ou pour dépasser des challenges techniques »

C’est direct mais le ton est donné.

Pour détendre l’atmosphère, l’introduction est ponctuée par une petite plaisanterie bienvenue car, on le sait bien à Berne, le rire, c’est bon pour la santé.

D’European Fighter Aircraft à Typhoon

Troisième journée BtoB et dernier avion européen en lice pour le programme AIR2030, l’Eurofighter-Typhoon.

Produit d’une coopération unique en Europe et dans le monde, l’Eurofighter –Typhoon est un biréacteur de 4ème génération + né du souhait, au début des années 80,  de plusieurs pays de fabriquer en coopération un avion multi-rôles européen dans un contexte de guerre froide.

Partenaire au début, la France quitte rapidement le programme en 1985 pour développer son propre chasseur, le Rafale, lequel a fait l’objet de la journée BtoB du 16 octobre dont le compte rendu est disponible ici.

Les « Eurofighters » ont tour à tour pris différents noms, d’abord EFA (European Fighter Aircraft) puis Eurofighter, puis Eurofighter 2000 pour enfin prendre le nom d’Eurofighter Typhoon.

L’exemple de la coopération européenne et industrielle

La présentation du jour se veut ambitieuse.

En effet, l’Eurofighter Typhoon est aujourd’hui produit par un consortium industriel composé de quatre entreprises principales  rattachées au quatre pays piliers du programme, AIRBUS pour l’Allemagne, BAE SYSTEMS pour le Royaume-Uni, LEONARDO pour l’Italie et EUROJET pour l’Espagne.

Les différents pays / industries se partagent la production selon les investissements de leur pays dans le programme. Nous avons donc 33 % pour l’Allemagne, 33 % pour le Royaume-Uni, 21 % pour l’Italie et 13 % pour l’Espagne.

Les quatre sociétés vont se succéder sur scène en l’espace d’une petite heure.

Nous démarrons avec une introduction par le représentant d’AIRBUS.

La force du programme Eurofighter c’est l’expérience industrielle et la coopération maitrisée.

Les chiffres sont impressionnants : 623 avions commandés dont près de 500 actuellement en utilisation dans 5 forces aériennes européennes, 9 pays utilisateurs au total, 100’000 places de travail et plus de 400 sociétés impliquées dans 180 lieux de production différents.

Toutefois, comme pour le Rafale, l’Eurofighter Typhoon est un programme mature avec peu ou pas de place pour une compensation directe dans le cadre du programme lui-même.

Cependant, le consortium a fait ses devoirs avant de venir en Suisse et les exemples de coopération possibles ne vont pas manquer.

Les quatre piliers

On enchaine donc avec LEONARDO.

Le groupe italien a décidé de mettre l’accent sur son expérience en matière d’affaires compensatoires.

En chiffres, LEONARDO c’est 40 ans d’expérience dans les affaires compensatoires dans près de 30 pays, 100 projets en cours dans 12 pays différents et près de EUR 3mia à compenser dans les 15 prochaines  années.

Pour LEONARDO, l’EUROFIGHTER en Suisse c’est prendre part à un grand projet européen et pouvoir s’offrir un accès privilégié au marché international au travers des entreprises qui composent le consortium.

C’est au tour du représentant de BAE SYSTEMS d’intervenir.

Il insiste sur la taille du groupe, 3ème mondial, plus de 80’000 employés dans 40 pays et 80 pays clients.

Pour son représentant, le groupe peut ouvrir à la Suisse les portes de marchés très intéressants comme les Etats-Unis ou le Golfe.

BAE SYSTEMS met en avant les domaines du groupe à forte croissance et dans lesquels la Suisse pourra jouer un rôle de premier plan : Le cyber, l’électronique, surtout dans le domaine civil/commercial avec AIRBUS, et l’espace.

Avec « la nouvelle philosophie suisse en matière de satellites » (petits satellites utilisés en réseaux) ils viennent chercher chez nous la technologie du futur.

Touché, l’assemblée est flattée.

Nous passons sans transition à l’espagnole EUROJET.

Pour son représentant, la force d’EUROJET c’est sa capacité à travailler en équipe.

EUROJET travaille sur l’EUROFIGHTER, l’A400 ou encore l’hélicoptère tigre, ces projets ont apporté au groupe l’expérience de la coopération internationale et de la coordination. Intégrer la Suisse ne sera pas un problème nous dit-on.

S’en suit une présentation technique du moteur de l’Eurofighter. Comme mes voisins, je ne comprends pas tout mais je crois comprendre que pour son créateur, c’est un excellent moteur.

Après cet interlude technico-ibérique, c’est au tour du représentant d’AIRBUS de conclure.

En premier lieu quelques chiffres sur le groupe : EUR 59mia de chiffre d’affaire en 2017, 12’000 sous-traitants qui se partagent EUR 50 mia de commandes et 129’442 employés.

Précis, allemand, efficace.

Il précise qu’AIRBUS a 7’265 avions en commande dont 1’019 commandés en 2017.

Vous cherchez un partenaire solide et pérenne ? Vous l’avez trouvé.

En second lieu, comme pour BAE SYSTEMS, le représentant d’AIRBUS confirme que les secteurs qui montent et dans lesquels ils cherchent des partenaires sont le cyber, l’espace, l’urban mobility ou encore les drones.

Autant de secteurs qui, très justement, aiguisent depuis quelques années l’appétit de l’industrie suisse et des EPF.

Enfin, et c’est le premier constructeur à le soulever, AIRBUS souligne que remplir CHF 6mia en offset c’est une tâche difficile.

Les partenaires d’EUROFIGHTER ne veulent pas acheter pour acheter ou simplement faire leur marché.

La présentation se conclut en ces termes : Le consortium souhaite une vraie collaboration bilatérale avec la Suisse (!). L’Europe n’aura de cesse de nous surprendre.

 

AIR2030: A la rencontre de Dassault et du Rafale (2/5)

Une industrie de la défense en Suisse ?

Existe-t-il une industrie de la défense en Suisse ? Cette question, pertinente, fut posée par certains parlementaires à l’heure de décider si le programme AIR 2030 devait être conditionné à des affaires compensatoires.

La réponse à cette question en Suisse n’est pas aussi claire que ce qu’elle pourrait être en France ou en l’Allemagne, pays qui possèdent des industries lourdes dévolues entièrement au secteur sécurité & défense.

En Suisse, dont on rappelle que le tissu économique se compose à 90% de PME, l’industrie de la défense se compose d’une myriade de PME/PMI qui produisent principalement des machines ou des composants qui rentrent dans la chaine de production de groupes étrangers actifs dans le domaine.

Par exemple, nos machines à haute précision sont aussi utiles et demandées dans le domaine civile que militaire.

Selon SWISSMEM, l’association faîtière des PME et des grandes entreprises de l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux (industrie MEM), l’industrie MEM concerne près de 320’000 emplois en Suisse et un chiffre d’affaire à l’export trois fois supérieur à celui de l’industrie horlogère. La part de l’industrie de défense est nettement plus faible mais permet de maintenir en Suisse des postes de travail à très haute valeur ajoutée.

A la lecture de ces chiffres, les affaires compensatoires prévues dans le programme AIR2030 sont indiscutablement une opportunité exceptionnelle pour l’économie suisse.

Dassault – Safran – Thalès, l’excellence industrielle française

Retour à Lausanne le mercredi 16 octobre, 0800, pour la seconde journée BtoB entre les industriels suisses et les avionneurs retenus dans le cadre du programme AIR2030.

Au menu de ce jour, le Rafale du consortium Dassault – Safran – Thalès.

Le Rafale est un biréacteur de 4ème génération voire 4ème génération +, selon les classifications, en vertu d’une certaine furtivité active et tactique.

C’est le fleuron de l’armée de l’air française et probablement le chasseur européen le plus avancé en matière technologique.

La présentation est dirigée par Monsieur Florent SEYROL, responsable du Business Développement et Coopération Internationale pour Dassault Aviation et par Monsieur Pascal DIDIERJEAN pour le groupe Safran.

Le programme Rafale étant un programme achevé en matière d’étude et bien rodé en matière de production, la présentation de Dassault est principalement axée sur la compensation indirecte.

Les maîtres mots de la présentation sont l’innovation et la recherche.

Poids lourd de l’industrie française et mondiale, Dassault c’est 4.8mia de chiffre d’affaire dont 20% sont alloués à la recherche et au développement. Hormis les pharmas, peu de sociétés suisses ont accès à un tel niveau de financement.

Le fil conducteur semble tout trouvé et le consortium formé par Dassault, Safran et Thalès, au travers de leurs divisions combinées, offre de nombreuses possibilités pour les sociétés suisses et des perspectives intéressantes en matière de croissance dans des secteurs allant de l’aéronautique à l’optique en passant par la motorisation et l’électronique.

Monsieur Florent SEYROL le souligne, Dassault a une taille internationale, l’expérience de la croissance et des grands contrats, et c’est également cette expérience que le groupe transmet à ses partenaires pour que ceux-ci puissent exploiter pleinement leur potentiel économique.

Monsieur Pascal DIDIERJEAN, pour le groupe Safran, abonde dans ce sens, illustrant son propos avec l’exemple de la technologie VTOL (Vertical Take-off and Landing aircraft), où la Suisse, je l’apprends, à une carte à jouer, surtout aux cotés d’un motoriste comme Safran.

Premier avionneur à le souligner, Dassault est également très sensible à l’innovation dans le milieu académique et les succès suisses des EPF ne sont pas passés inaperçus.

A l’heure des difficultés rencontrées par ces institutions dans le cadre des projets européens, des financements indirectes de ce type dans le cadre des affaires compensatoires seraient pertinents et bienvenus.

Pour Dassault, la force de la Suisse c’est l’innovation et investir dans notre pays et nos entreprises c’est investir dans les technologies du futur, un win win français.

On notera enfin que plusieurs sociétés suisses présentes se sont félicitées du contact franc et direct qu’ils ont pu avoir avec les représentants du consortium Rafale, plus faciles d’accès et moins rigides que certains concurrents.

 

Air2030: A la rencontre de SAAB et du Gripen E (1/5)

Lancement des rencontres BtoB

Jeudi 11 octobre 2018, Lausanne.

Première journée incontournable pour l’industrie suisse de la défense.

A l’initiative du Groupe romand pour le matériel de Défense et de Sécurité (GRPM) , de Swissmem, l’association faîtière des PME et des grandes entreprises de l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux (industrie MEM) et du Bureau des affaires compensatoires à Berne, se tenait la première journée BtoB (Business to Business) dans le cadre de l’appel d’offre du programme Air2030.

Pour rappel, le programme Air2030 est en substance le projet d’acquisition par l’armée suisse de nouveaux jets de combat et d’un nouveau système de défense sol-air de longue portée sous la forme d’un arrêté de planification pour un coût maximal de 8 milliards de francs.

Au contraire de la votation de 2014 sur le Gripen, le peuple ne se prononcera cette fois pas sur le modèle d’avion mais uniquement sur l’enveloppe budgétaire souhaitée par le Département de Guy Parmelin.

Suite à l’appel d’offre lancée par Armasuisse en juillet 2017 pour la partie avions de combats, cinq constructeurs sont entrés dans la course.

Saab et son Gripen E, Dassault et son Rafale, Boeing et son FA 18 Super Hornet, Lookheed Martin et son F-35A et Airbus avec l’Eurofighter.

Particularité de cet appel d’offre, l’achat de nouveaux avions de combat devra faire l’objet d’une compensation industrielle à 100%, à savoir que le pays vendeur devra compenser l’achat de la Suisse par des achats d’un montant équivalent auprès de l’industrie suisse.

Dans le jargon, on appelle cela les affaires compensatoires ou l’offset industriel.

C’est ainsi que dans le cadre de l’acquisition des nouveaux avions de combat, les cinq constructeurs sont appelés à rencontrer les sociétés suisses avec lesquelles ils pourront potentiellement conclure des contrats.

L’enjeu est de taille, ces affaires compensatoires représentent près de CHF 8mia pour l’industrie suisse (dont 30% espérés en Romandie) et des possibilités très intéressantes de partenariats à long terme.

Par le biais de ce blog, j’ai décidé de partager avec vous quelques détails de ces journées incontournables pour l’industrie suisse de la défense.

SAAB en première ligne

Retour donc à Lausanne le 11 octobre, à 0800 comme disent les militaires.

L’ambiance est sobre, voire médicale, bien loin de l’image d’Épinal de la foire aux canons avec hôtesses slaves en pantalon treillis et kalachnikov.

Les femmes, j’en compte 2 sur 200, sont en tailleur et ça parle beaucoup suisse-allemand, quand bien même la même réunion s’est tenue la veille à Berne.

Après une introduction par le Président du Groupe romand pour le matériel de Défense et de Sécurité, c’est au Président du Switzerland Business Unit de SAAB d’entrer en scène.

Le discours est rodé, court, impactant.

Le Gripen E, version monoplace, est un avion de dernière génération, économique et facile à manœuvrer et à manutentionner.

Il peut notamment être ravitaillé en essence et munitions en 10 minutes par une équipe réduite et décoller sur une piste de 800 mètres. Pour une présentation en Suisse, l’exemple est parfait.

On en vient ensuite directement à la question des affaires compensatoires. On est là pour faire des affaires, ce n’est pas aujourd’hui que l’on vend l’avion.

Sur ce point, le discours est stratégique avec deux concepts martelés tout au long de la présentation, implantation à long terme et partenariats plutôt qu’achats.

Et SAAB soutient le discours par du concret, 25% des sociétés suisses présentes dans la salle sont déjà des fournisseurs de SAAB, et ce malgré l’échec de 2014, et un autre 20% est en cours de négociation.

De plus, SAAB possède des participations dans au moins quatre sociétés suisses actives dans l’industrie de défense et comme SAAB produit, en plus de ses avions, des voitures, des tanks, des bateaux et même des sous-marins, le potentiel de collaboration est énorme.

Sur l’aspect partenariat, les promesses sont alléchantes. Les sociétés suisses qui participeront au développement du Gripen E, si celui-ci était retenu, verront leurs technologies et produits intégrés au programme Gripen E et donc vendus aux autres pays intéressés par l’avion.

Avec 60 avions en commande pour la Suède, 36 pour le Brésil et trois appels d’offres en cours en au Royaume-Uni, en Finlande et en Bulgarie, le “contrat suisse” pourrait faire des petits.

Fin de la présentation, nous sortons boire un café ou un jus de pommes.

Je vois s’activer les représentants des sociétés suisses qui, dans quelques minutes, débuteront leur BtoB avec l’avionneur. Quinze minutes par société en tête à tête pour conclure, dans une sorte de speed-dating technique en col blanc.

Et si le Souverain disait non ?

Avant de quitter les lieux, voyant toutes ces personnes peaufiner leur speech et les organisateurs régler les derniers détails, me vient à l’esprit cette réflexion : Et si tout ça n’aboutissait à rien ?

En effet, ces rencontres BtoB, fruits de plusieurs mois de travail acharné des organisateurs et des industriels présents précèdent l’analyse des offres par l’armée et plus encore, le probable référendum.

Au bout du compte, il se pourrait bien que tout ce temps et cet argent investis ne servent à rien en cas de nouvel échec devant le peuple. Ce qui m’amène à la réflexion suivante, pourquoi diable le Département fédéral de la défense et des sports n’a-t-il pas pressé pour que l’on vote avant l’appel d’offre ?

Venir en 2020 devant le peuple avec l’argument que tout est déjà réglé et qu’il ne manque que la signature du souverain, c’est prendre un énorme risque. Espérons qu’il soit calculé.

ABE

Bon baiser de Suisse.

 

 

 

 

Être demain, peut-être, victime de la Suisse

La votation du 25 novembre 2018 sur « Les juges étrangers » approche à grands pas et inexorablement chaque camp jette dans la bataille ses dernières ressources.

A lire les fervents supporters de l’initiative sur les réseaux sociaux, aimer la Suisse, son histoire et ses institutions, en premier lieu celle de la démocratie directe, impose au citoyen patriote de voter pour la primauté du droit suisse, et tant pis s’il faut pour cela sacrifier la Convention européenne des droits de l’homme et son tribunal de Strasbourg.

Les lois de notre pays, la meilleure et la seule démocratie du monde, sont suffisantes me direz-vous.

Pourquoi devrions-nous nous soumettre à des décisions de la Cour Européenne des droits de l’homme de Strasbourg ?  Diable, Strasbourg c’est l’Europe.

Et bien ne parlons-pas d’Europe, ne parlons pas de traités internationaux, ne parlons-pas des élites gauchistes et adeptes de la mondialisation.

Petite dystopie judiciaire

Parlons de John Elvis Rudaz (nom fictif mais néanmoins possible), valaisan de 30 ans, garagiste et membre actif de l’UDC depuis 10 ans.

John a fait intensément campagne pour le 25 novembre 2018, répétant inlassablement en meeting, lors de conférence, ou encore au comptoir de Martigny que la seule manière de sauver la Suisse du péril étranger était de voter pour la primauté du droit suisse.

Charismatique et avec quelques fulgurances, il a su convaincre au-delà de ses amis et par son concours l’initiative fut un succès inespéré avec 51% de votes positifs.

Cependant, peu après la votation, probablement en réaction à celle-ci, le parti socialiste et les verts firent une percée remarquable et se retrouvèrent de manière tout aussi inespérée avec une majorité populaire et parlementaire.

Forts de ce pouvoir, ils proposèrent des modifications de la Constitution et du code pénal qui prévoiraient désormais une peine de prison pour toute personne qui, publiquement, accuserait des personnes d’origines étrangères d’être la source de problèmes économiques, sociaux ou politiques en Suisse.

C’est ainsi que John, coutumier d’une rhétorique enflammée et soucieux de satisfaire son public lors d’une réunion du parti à Genève pointa du doigt la responsabilité des frontaliers français dans les problèmes économiques de la ville du bout du lac.

Ni une ni deux, il fut embarqué et jeté à Champ Dollon.

A qui profite le droit ?

Le procureur genevois, qui ne goûtait pas les cadeaux, requit l’emprisonnement pour un an et la dissolution de la section politique dirigée par John.

La Constitution récemment révisée ainsi que le code pénal étant clairs quant à l’illégalité des propos tenus, les arguments de John furent balayés en première tout comme en deuxième instance.

A l’orée de son appel au Tribunal fédéral, John changea de conseil pour un avocat genevois, un bobo PLR, comme il aimait les appeler, espérant ainsi amadouer la juridiction suprême.

Combatif, pétris de nobles idéaux et nostalgique d’un ordre juridique supérieur, son avocat plaida magnifiquement la liberté d’expression, la liberté d’association, l’interdiction de l’arbitraire, la persécution de la pluralité politique, la dérive d’une gauche fasciste et pour terminer, le respect qu’une nation comme la Suisse devrait accorder aux droits fondamentaux énoncés notamment dans la Convention Européenne des droits de l’homme.

Rien n’y fit.

En vertu de la primauté du droit Suisse, l’argumentaire fût balayé tout aussi sèchement que devant les instances précédentes et John fut condamné à purger son année pour avoir exprimé ses idées politiques.

Vous l’aurez compris, cet exemple n’était qu’une dystopie judiciaire.

Et vous, après le 25 novembre…

Toutefois, l’essence de cette histoire est que les lois de notre pays ne sont et ne seront peut-être pas toujours parfaites, tout comme parfois les règles des traités internationaux qui nous lient.

Abandonner le droit international pour combler une frustration politique c’est peut-être permettre l’application dans le futur de l’une ou l’autre des initiatives  qui nous ont conduits jusqu’ici, mais c’est surtout et certainement ouvrir la porte, comme dans l’exemple de John, à l’arbitraire et à l’injustice en Suisse contre les citoyens suisses.

Lorsque votre pays vous persécute, et la Suisse persécute parfois les siens, le dernier rempart face à l’injustice sont les Cours internationales, certes imparfaites mais neutres et indépendantes, comme ce à quoi nous aspirons.

Bon baiser de Suisse