Bon baiser de Suisse

La lente agonie du Service de Renseignement de la Confédération

Siège éjectable

« Lors de sa séance du 12 mai 2021, le Conseil fédéral a approuvé la fin des rapports de travail avec le directeur du Service de renseignement de la Confédération (SRC), M. Jean-Philippe Gaudin, d’un commun accord pour le 31 août 2021. »

C’est par ce communiqué concis, presque gêné, que le SRC annonçait le départ de son chef après trois ans de bons et loyaux services.

L’annonce, qui a surpris plus d’un observateur, a donné lieu à de nombreuses hypothèses dans la presse, incriminant tour à tour Jean-Philippe GAUDIN pour sa gestion de l’affaire Crypto AG ou ses difficultés de communication avec sa Ministre de tutelle Viola AMHERD ou encore, plus récemment, les résultats de son service à la suite d’un rapport sur les relations au travail au sein du SRC mettant en exergue, notamment, une culture sexiste établie de longue date.

A ce sujet, le quotidien 24 HEURES ajoutait : « que lors d’une séance de commission confidentielle (SIC !), Viola Amherd, la cheffe du département de la Défense (la ministre de la Défense), a carrément parlé de « résultats catastrophiques ». En plus du problème de sexisme, la direction a été fortement critiquée, en n’obtenant que 52 points sur 100 possibles ». Soit douze points de moins que la moyenne des services du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) ».

Il n’en fallait pas plus pour que le brigadier Jean-Philippe Gaudin, proche de Guy PARMELIN et nommé par celui-ci en 2017, cède la place à la faveur du changement de régime à la tête du DDPS.

Des chefs boucs-émissaires ?

L’histoire d’un changement de chef à la tête du SRC aurait dû rester anecdotique si elle n’était pas l’énième spasme d’une gouvernance politique moribonde.

L’arrivée de Jean-Philippe GAUDIN a la tête du SRC avait eu un effet bénéfique, principalement celui de remettre de l’ordre dans la troupe après plusieurs scandales politiques retentissants sous l’ère de Markus SEILER, son prédécesseur, lequel était toutefois parti sur un succès, et non des moindres, celui de l’acceptation par le peuple de la nouvelle Loi sur le Renseignement.

Vouloir faire porter le chapeau de la dérive interne du SRC à ces deux chefs, c’est ignorer la cause profonde du malaise, soit l’absence d’une mission, de moyens et d’une vision à long terme pour Service de Renseignement de la Confédération.

La faute politique continue

La faute est politique, tous partis confondus. Pour satisfaire tous les acteurs politiques, l’on a créé un service secret transparent, bureaucratique à souhait, sans pouvoirs de police et dont la tâche principale se borne à assurer en Suisse le suivi de dénonciations provenant de services étrangers.

Le carcan juridique et administratif empêche toute initiative interne et permet encore moins la mise en place d’opérations complexes ou audacieuses.

Ce n’est d’ailleurs par un hasard si le Département de justice et police a soumis au peuple le 13 juin 2021 le paquet dit des « Mesures policières de lutte contre le terrorisme MPT » qui permettent à l’Office fédéral de la police (fedpol) de bénéficier de mesures préventives et incisives dans le cadre de la lutte anti-terroristes.

Ces moyens d’actions, logiquement, auraient dû trouver leur place dans l’arsenal du SRC, là où est réellement leur place, en amont de l’ouverture d’une procédure judiciaire.

Toutefois, il politiquement impossible en Suisse à l’heure actuelle d’étoffer les moyens d’actions du Service de Renseignement.

La question est taboue à Berne mais mérite d’être posée, doit-on conserver un service de renseignement qui n’a aucun pouvoir sans le concours de l’Office fédéral de la police (fedpol) ou devrait-on intégrer les capacités du SRC au sein de celui-ci ?

Cette question est le reflet du ressenti des acteurs du SRC qui travaillent dans un service bridé, sans pouvoir décisionnel et dont la crainte principale n’est pas le succès d’opérations pour la sécurité de la Suisse mais le contrôle politique et parlementaire de leurs actions.

Dans ces conditions, la frustration ne peut que conduire à une péjoration des conditions de travail et à un climat difficile.

Si le sexisme au sein de l’institution est inexcusable, le remède à celui-ci implique obligatoirement la revalorisation du travail des collaboratrices et des collaborateurs, revalorisation qui devra passer prioritairement par un renouveau de leur mission et un soutien politique courageux et sans faille en termes de vision et de moyens.

Bon baiser de Suisse.

 

 

 

 

 

 

Quitter la version mobile