Surveillance des assurés : mensonges à gauche, pragmatisme partout ailleurs

L’épouvantable détective qui cache une méconnaissance totale du sujet

Depuis l’annonce début avril du lancement d’un référendum contre la modification de loi qui doit permettre aux assurances sociales d’engager des détectives privés, on voit fleurir les commentaires outragés d’une partie de la population et de la classe politique contre des dispositions qui ont pourtant facilement passé l’écueil du législateur.

Alors, ces nouvelles dispositions, pragmatisme ou outrage à l’État de droit ?

L’argument d’autorité, celui qui doit choquer le citoyen, est que des détectives privés seront autorisés à surveiller des assurés, et même à utiliser des GPS, sans l’autorisation d’un juge, au contraire de la  police ou des services de renseignements.

A défaut d’être totalement fallacieux, l’argument a au moins le mérite de mettre à nouveau en évidence l’absurdité de certaines procédures imposées aux services de l’Etat (voir La grogne monte aux services secrets suisses, «ligotés» par des règles strictes).

En premier lieu, les nouvelles dispositions ne feront que consacrer une pratique de longue date dans les assurances sociales, pratique confirmée par le Tribunal Fédéral, même sans bases légales topiques, et qui n’avait jusqu’ici pas déplacé les foules.

En second lieu, les détectives privées qui pratiquent aujourd’hui en Suisse, dans le cadre des assurances sociales ou dans le cadre d’autres mandats divers et variés, ne bénéficient d’aucunes prérogatives légales.

En clair, un détective privé n’a pas plus de droit qu’un citoyen lambda et est soumis aux mêmes règles et obligations que celui-ci dans ses recherches et observations.

La nouvelle loi ne changera rien à cela. Prétendre que les détectives pourront, avec cette loi, pratiquer des surveillances secrètes sans l’aval d’un juge est un mensonge !

La révision de la loi n’est en réalité qu’un correctif législatif rendu nécessaire par une décision de la Cour européenne des droits de l’homme afin que les assurances sociales, dont on rappelle qu’elles financent les rentes avec nos cotisations, puissent mandater des détectives privés en cas de soupçons de fraude grave.

Le droit ainsi octroyé aux assurances sociales d’utiliser les services d’un détective sera alors le même que celui de tout citoyen ou entreprise suisse.

Et le GPS alors ?

La seule vraie nouveauté de la loi est l’introduction d’une base légale explicite autorisant les détectives à utiliser un GPS, dans certains cas précis, et avec l’autorisation d’un juge.

En clair, la seule mesure vraiment nouvelle de la loi sera soumise à l’autorisation d’un juge, précisément ce que demande les référendaires…

Quel impact aurait vraiment ce référendum ?

En cas d’acceptation du référendum, seules les assurances sociales seront pénalisées, et par conséquent les fraudeurs avantagés, la modification de la loi n’ayant pour objet que le recours à des détectives privés dans le cadre restreint des assurances sociales.

En effet, hors assurances sociales, tout un chacun pourra continuer à mandater un détective privé dans le respect des lois en vigueur.

Bon baiser de Suisse.

 

 

 

Alexis Pfefferlé

Alexis Pfefferlé est associé fondateur d’Heptagone Digital Risk Management & Security Sàrl à Genève. Juriste de formation, titulaire du brevet d'avocat, il change d'orientation en 2011 pour intégrer le monde du renseignement d'affaires dans lequel il est actif depuis. Engagé sur les questions politiques relatives au renseignement et à la sécurité, conférencier occasionnel, il enseigne également le cadre légal des activités de renseignement à Genève.

4 réponses à “Surveillance des assurés : mensonges à gauche, pragmatisme partout ailleurs

  1. Très bien votre recentrage dans cette cacophonie dogmatique insensée. Au nom d’une pseudo-atteinte sacrilège et d’arguments sophistiques voire malhonnêtes, on justifie une position irrationnelle consistant en fin de compte à protéger des escrocs de l’assurance sociale qui volent et insultent les pauvres et les invalides. Cet enjeu mérite contre-offensive, laquelle s’inscrit ici – comme vous le rappelez bien à propos – dans le cadre de la loi et dans les moyens que n’importe quel citoyen peut mettre en oeuvre sans même l’intervention d’un juge.

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