L’administration qui rend fou

Dans le classique Les 12 travaux d’Astérix, le célèbre gaulois et son fidèle compagnon Obélix se rendent à l’administration romaine pour tenter d’obtenir le fameux laisser-passer A38. Baladés d’étages en fonctionnaires, les deux héros finissent par en perdre leur latin, la raison et leur sang-froid.

Métaphore comique et critique avouée de l’administration française par ses auteurs, cette épreuve administrative garde, deux milles ans plus tard, toute sa pertinence.

A l’heure des discussions sur l’identité numérique suisse, sur l’administration Blockchain et sur le développement de l’administration en ligne, arrêtons-nous un instant sur une réalité un peu…en retard.

Exemples choisis des documents à produire en 2018, en format papier bien entendu, pour quelques démarches administratives:

  1. Arrivée d’un Confédéré dans le Canton : 6 documents de 3 administrations différentes ;
  2. Déclaration de naissance d’un nouveau-né de nationalité étrangère : 4 documents de 4 administrations différentes ;
  3. Inscription au registre cantonal des avocats : 5 documents de 4 administrations différentes.

Un changement de paradigme

L’Etat a-t-il un problème avec le numérique ? Non, pas fondamentalement.

Les administrations se modernisent et de gros efforts dans ce sens sont consentis, notamment à Genève ou Zürich où l’administration est poussée en avant par des magistrats numériquement ambitieux.

L’Etat à un problème avec la transformation digitale et les changements de paradigme.

La vrai force du digital c’est la mise en réseau et l’accessibilité instantanée.

L’heure n’est plus à la numérisation progressive des différents Offices, l’heure est à la fusion totale des données administratives, au guichet unique et à un accès direct, instantané et sécurisé pour chaque citoyen-utilisateur à ses données personnelles et administratives.

En 2018, nous désespérons encore au guichet l’Office de la Population car il manque un imprimé de l’Etat civil ou nous rageons au Service Cantonal des Véhicules car il manque l’attestation de domicile.

Le citoyen-utilisateur 2.0 au centre de l’administration

Et si toutes les administrations avaient accès à tout ?

Et si j’avais une carte d’identité qui me permettait, au guichet de n’importe quelle administration, de débloquer de manière ciblée pour le fonctionnaire toutes les informations dont il a besoin ?

Ou mieux, si je pouvais stocker dans ma carte d’identité toutes mes informations personnelles et administratives et que je pouvais les mettre à jour en ligne et m’en servir sur un portail d’e-administration unique ?

Dans ce cas, je n’aurais pas à me lever 1h plus tôt demain matin pour aller faire la queue à l’Office des Poursuites pour une attestation.

Et  vous, comment voyez-vous l’administration de demain ?

Bon baiser de Suisse.

#administrationdedemain #letemps

 

 

 

 

 

Alexis Pfefferlé

Alexis Pfefferlé est associé fondateur d’Heptagone Digital Risk Management & Security Sàrl à Genève. Juriste de formation, titulaire du brevet d'avocat, il change d'orientation en 2011 pour intégrer le monde du renseignement d'affaires dans lequel il est actif depuis. Engagé sur les questions politiques relatives au renseignement et à la sécurité, conférencier occasionnel, il enseigne également le cadre légal des activités de renseignement à Genève.

10 réponses à “L’administration qui rend fou

  1. Une remarque: Pas de correction orthographique et syntaxique avant la mise en ligne de ce papier?
    Je trouve sinon cette administration suisse efficace et réactive, en comparaison avec un pays voisin, dont je suis originaire.L’idée du tout numérique accessible partout en en tout temps pose quand même la question du respect de la vie privée et cela requiert une sécurisation renforcée de la protection des données en ces temps de hacking international entre des puissances étrangères qui sont de plus en plus friandes de données personnelles pour alimenter des algorythmes qui grignotent chaque jour un peu plus nos libertés de penser.

    1. Cher Monsieur,
      Merci pour vos remarques. (Le correcteur, encore humain, que je suis a eu une petite panne visiblement) Vous avez raison de mettre l’accent sur la sécurité des données, laquelle est aujourd’hui Le grand problème et le frein majeur à cette transformation digitale. Je ne suis pas pour une transformation à la hâte pour dans le tout numérique demain mais je fais le constat que notre administration est certes très bonne en comparaison internationale mais qu’elle se numérise doucement au lieu de se repenser complétement.

  2. Cela semble pratique de rester derrière son PC et de faire tout en ligne .
    Qu’en est-il de toutes les places de travail perdues (un jour peut-être le vôtre) ?
    Qu’en est-il du conseil souvent nécessaire quand on ne comprend pas ?
    Qu’en est-il du lien social , qui permet l’évolution et la compréhension des autres ?
    Qu’en est-il de la vie tout court ?
    L’expérience faite par l’ Estonie, pays du tout numérique, qui a été entièrement bloquée pendant quelques jours par des hackers devrait être une piste de réflexion.
    Les conséquences risquent d’être moins “pratiques”

    1. Cher Deglon,
      Beaucoup de questions et beaucoup de réflexions intéressantes. Je me permettrai de vous répondre sur la question que je trouve la plus intéressante, celle du lien social et du conseil. A titre personnel, je pense que le développement technologique dans l’administration et le lien humain ne sont pas antinomiques. Je pense que le progrès et les facilités apportées par la digitalisation des services vont permettre d’automatiser ou à tout le moins de réduire drastiquement les tâches répétitives et simple pour que les employés/fonctionnaires puissent justement privilégier les interventions spéciales, à savoir le conseil personnalisé et l’aide dans les démarches. Je crois que la technologie ne peut avancer et répondre aux besoins que si elle est accompagnée par une démarche humaine.

      1. M. Pfefferlé ,
        L’avancement de la technologie accompagnée d’une démarche humaine est l’idéal …hélas …peut pratiquée dans la réalité : dès que l’on automatise on enlève le service donc plus personne : juste un lien internet .
        l’actualité ne fait que le démontrer :
        fermeture de ATS = suppression de tous les emplois
        fermeture des guichets postaux = suppression du personnel postal formé avec remplacement par l’épicier ou la boulangère
        suppression des journaux = licenciements des journalistes……. ect….ect
        Et en plus on ne parle jamais de tous les petits boulots qui gravitent autour de ces entités :
        concierge, nettoyeur , restauration
        Cela commence à faire beaucoup de monde .

  3. Il faut être extrêmement méfiant.

    Le POUVOIR dit: simplification, moins de bureaucratie, confort, avantages pratiques, économies, progrès. Mais il pense: contrôle total, société de surveillance, Überwachungsstaat, Big Brother is watching you, pour votre bien bien entendu. Non seulement il le dit, mais il le fait.

    Ca commence par des gadgets pratiques et qui simplifient la vie et ça finira par la puce RFID obligatoire permettant au POUVOIR de TUER une personne par simple clic d’ordinateur, simplement en la déconnectant. C’est annoncé dans l’Apocalypse.

    ON NE PEUT AVOIR AUCUNE CONFIANCE DANS LES GARDE-FOUS LÉGAUX OU AUTRES CENSÉS PROTÉGER LA VIE PRIVÉE. CE SONT ÉVIDEMMENT DES MENSONGES ET DES ATTRAPES NIGAUDS. L’ADMINISTRATION GARDERA TOUT, SI CE N’EST DANS LE FICHIER OFFICIEL QUI SELON LE RÉGLEMENT DEVRA ETRE EFFACÉ RÉGULIÈREMENT, MAIS IL Y AURA UN AUTRE FICHIER, OCCULTE, OU RIEN NE SERA JAMAIS EFFACÉ ET OÙ LE POUVOIR PROFOND GARDERA TOUT ET SE PERMETTRA TOUS LES RECOUPEMENT DE FICHIERS ET TOUTES LES MANIPULATIONS DU BIG DATA. PEUT-ÊTRE QUE CES FICHIERS SECRETS SERONT TENS, NON PAR L’ÉTAT MAIS PAR DES ENTITÉS PRIVÉES, CONTRÔLÉES PAR L’OLIGARCHIE, CE QUI EST ENCORE PIRE.

    Monsieur Pfefferlé, si vous êtes un officier et un patriote, ce que je crois que vous êtes, rappelez vous que vous avez prêté serment de défendre un pays de liberté. Il est difficilement supportable de voir quelqu’un comme vous, certainement bien intentionné, se faire le porte parole d’un système totalitaire liberticide, orwellien, foncièrement inhumain, juste par enthousiasme naïf pour les progrès de la technique.

    1. Cher Monsieur,

      Je vous rejoins sur le fait qu’il peut y avoir des tentations liberticides de la part des Etats avec les nouvelles possibilités technologiques qui s’offrent à eux. Les efforts de la Chine en matière de surveillance de ses citoyens feraient certainement frissoner Orwell que vous citez.

      Je pense toutefois qu’il faut garder au moins une petite part de naïveté et d’optimisme sans quoi toute innovation serait condamnée

      Discuter et débattre comme nous le faisons ici est à mon sens un remède plus efficace à la dérive technologique que d’interdire.

  4. Je ne comprends pas.

    Le seul fait de discuter et débattre comme nous le faisons ici n’a aucun effet sur l’existence, ou non, d’une société de surveillance degénéralisée et liberticide.

    La question à se poser est: oui ou non, voulons nous une société de surveillance généralisée et liberticide? Si la réponse est non, alors il faut l’interdire clairement en prenant des mesures sévères pour rendre impossible les intrusions dans l’intimité des personnes.

    Le discours consistant à dire: n’interdisons pas l’exploitation sauvage des données personnelles des gens par le big data, mais continuons à dialoguer gentiment, c’est de l’enfumage.

    Pendant que nous dialoguons, si une administration, même privée, pocède à des croisements de fichiers autorisés par la législation en vigueur, qui auront pour effet que – par exemple – votre compagnie d’assurance apprendra des choses très confidentielles sur votre état de santé, puis, sans vous expliquer les raisons, vous fera subir un très grave préjudice en résiliant votre police d’assurance, vous serez gravement victime de ce système.

    ll faut vous prononcer clairement et assumer votre position. Etes-vous pour ou contre une société de surveillance totale ? A vous lire vous êtes pour. Alors dites le.

    1. Cher Monsieur,

      La réponse à votre question directe est non. Je ne suis pas pour un Etat liberticide où régnerait une surveillance totale. Qui le serait ?

      Je fais cependant plusieurs constats: La plupart des législations, dont la suisse, interdisent les intrusions sauvages comme vous dites dans l’intimité des personnes. Problème, tout le monde livre ses données intimes via de multiples applications, Facebook etc. Vous parlez des assurances maladies, combien de personnes refuseraient une montre connectée offerte par son assurance ? Peu assurément. Les sociétés et les Etats exploitent et exploiteront toutes les données qui leur sont,seront offertes, c’est un fait.
      J’estime également qu’interdire l’exploitation des données, le croisement des données est illusoire. Enfin, je pense que seul le dialogue, la prévention et le poids de la société civile peuvent faire bouger les lignes dans ce débat.

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