Au delà du F 35

Il y a quelque 2500 ans le stratège chinois Sun Tzu écrivit que pour un Etat le stade suprême de l’art de la guerre était d’arriver à ses fins sans devoir se servir de son armée.

La Suisse s’en tire bien

Si l’on s’en tient à cet aphorisme – et rien n’indique qu’il n’as pas toujours cours – la Suisse s’en tire plutôt bien. Pendant deux guerres mondiales la Suisse a put préserver son indépendance  sans devoir engager son armée. Certes la question de savoir dans quelle mesure l’armée suisse a dissuadé un adversaire potentiel ne sera jamais totalement résolue. Mais on peut crédiblement formuler l’hypothèse qu’une Suisse désarmées dont les transversales alpines n’auraient pas été minées aurait constitué, entre 1940 et 1945 une proie tentante pour un adversaire potentiel.

Un paradoxe historique

Le paradoxe  qui ressort   de cette réalité historique est que le  but final de tout matériel militaire susceptible d’être acheté par la Suisse est de ne pas devoir entrer en service. Il en découle naturellement  que, n’étant pas soumis à l’usure qui découle de l’emploi sur le champ de bataille, le matériel militaire acheté par la Suisse doit être testé, fiable et surtout  susceptible de durer.

Le teste ultime

Le teste ultime de tout matériel militaire est sa performance sur le champ de bataille. Ainsi il a fallut la guerre du Vietnam pour montrer que si le M 113 avait des qualités de mobilités excellentes et un coût compétitif c’était un piètre véhicule de combat d’infanterie, ou que le fusil d’assaut M 16 avait de sérieuses défaillances au niveau de sa conception et de ses munitions qu’il fallait remédier avant qu’il ne devienne performant.

Parce que  la Suisse ne  dispose  pas de l’environnement permettent ce genre d’expériences, il en résulte une autre problématique : ou bien on achète un matériel militaire de facture récente susceptible de durer mais qui comporte encore des imperfections, ou bien on achète un matériel parfaitement rodé mais qui est alors, par définition, en fin de vie. C’est dans cette problématique qu’il convient d’aborder la question du choix des F 35 par la Suisse.

Un système plus qu’un avion

Un avion de combat aujourd’hui possède essentiellement quatre composantes majeures. Sa structure, sa motorisation, son électronique et enfin le logiciel qui gère l’ensemble. Cet ensemble n’est pas statique mais exige de continuelles mises à jour. Dans cette optique, ce n’est pas tellement un avion que l’usager achète mais un système de combat qui représente un tout en constante mutation. Il en résulte que l’achat d’un appareil de combat crée entre le vendeur et l’usager une relation qui a une durée de vie égale à celle de l’appareil, c’est à dire environ 30 ans.

Dans cet ensemble, le logiciel est devenu le pivot autour duquel les autres éléments s’articulent. Deux exemples illustrent cette réalité.

Le logiciel

Lors de leur retrait de l’Allemagne de l’Est, des forces Soviétiques, laissèrent derrière elles tout les appareils de combat qu’elles avaient alloués a l’aviation de le DDR avec un bémol ; elles avaient déprogrammés les ordinateurs de bord.

Dans un autre registre c’est le contraire qui advint lors d’une récente panne de courant en Floride. Là, les propriétaires de Tesla s’aperçurent à leur grand étonnement, pour ne pas dire soulagement que l’autonomie de leurs voitures avaient soudain augmenté de quelque 30 %. Plus tard il s’avéra que Tesla, à distance, avait reprogrammé les ordinateurs de ses voitures pour en augmenter l’autonomie.

Il n’y a aucune raison de penser que la problématique des logiciels, de leur sécurité et de leurs mises à jour successives n’a pas été prise en compte dans le choix du F 35.

Politique, technologie ou les deux ?

Reste une autre problématique qui elle est moins bien définie. Dans un monde de plus en plus complexe où les technologies évoluent à un rythme jamais vu, l’achat de matériel militaire de haute technologie par un pays comme le Suisse doit-il rester un geste purement économique et technologique ou doit-il intégrer une composante politique ?  Certes d’une part  il n’est pas concevable que la Confédération envoye au casse-pipe ses soldats-citoyens sans les équiper avec ce qui se fait de meilleur. Mais d’autre part, à quasi-égalité de performance faut-il négliger d’essayer d’obtenir une contrepartie politique lors de la négociation d’un contrat militaire ?

La réponse est loin d’etre évidente. Mais la question vaut la peine d’être posée.

Alexandre Casella

Diplômé de la Sorbonne, docteur en Sciences Politiques, ancien correspondant de guerre au Vietnam, Alexandre Casella a écrit pour les plus grands quotidiens et a passé 20 au HCR toujours en première ligne de Hanoi a Beirut et de Bangkok à Tirana.

Une réponse à “Au delà du F 35

  1. Comme on a pu le voir en Ukraine dès le premier jour du conflit, en moins de 8heures la totalité des 190 avions de combats ont été neutralisés par des frappes russes. Sans compter que l’ensemble des aéroports militaires furent rendu inopérant en moins de 2 jours. Le peuple Suisse dépensera donc 6,5 milliard ou même plus pour des avions censés être dissuasifs ? C’est de la foutaise! De plus comme vous le dites très justement, les USA retiennent en otage les acheteurs de ces technologies en menaçants de « débrancher » les logiciels sur les matériels militaires en cas de désaccord avec la Suisse par exemple . Ce qui leur sera extrêmement facile de faire compte tenu de notre naïveté dans ce domaine. Dans le passé, l’Iran du régime du Shah avait acheté quantité d’avions américains, lors du changement de régime, une grande partie furent inutilisable car tous les systèmes électroniques furent étrangement plus opérationnels! C’était il y a déjà plus de 40 ans. Nul doute que cette pratique est maintenant mieux encore implémentée dans l’avionique des F 35 !

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