Jeûner pour se faire du bien (2/2)

L’alimentation est l’une des dimensions clés de la médecine du mode de vie, ou « Lifestyle medicine ». Contrairement à la médecine conventionnelle qui traite les conséquences et symptômes, cette « nouvelle » médecine a pour objectif de traiter et de prévenir l’apparition des maladies chroniques responsables de près de 41 millions de morts chaque année, en agissant sur leurs causes – soit nos habitudes de vie.

Comme évoqué dans la première partie de cet article, le jeûne prolongé et le jeûne intermittent présentent des effets bénéfiques sur notre santé. L’essentiel est de comprendre comment notre corps réagit, pour choisir l’option qui nous convient le mieux.

 

Se sentir en forme en renonçant à la nourriture, est-ce possible ?

Contrairement aux idées reçues, la sensation de faim se fait peu, voire pas ressentir. Malgré l’absence de nourriture, un regain d’énergie remplit notre corps et nous permet d’être plus actifs physiquement et mentalement. Les recherches indiquent une augmentation de l’état d’alerte et de la productivité, une amélioration de l’humeur et du bien-être chez les jeûneurs.

Jeûner a pour conséquence initiale de mettre notre organisme dans une situation stressante et inhabituelle. Nos cellules enclenchent un mode de protection, augmentant leur résistance au stress et aux agressions extérieures. Les études scientifiques indiquent que les cellules saines sont renforcées. Tel n’est pas le cas des cellules endommagées, qui au contraire sont fragilisées par l’absence de nourriture et éliminées.

En période de jeûne, le corps n’a d’autre choix que de s’adapter rapidement pour assurer son bon fonctionnement, en fabricant son énergie à partir de nos réserves. Ce changement de source énergétique est appelé « metabolic switch ». En quelques heures, toutes nos réserves de sucres sont utilisées. Cela signifie que le corps, dépourvu de sa source d’énergie habituelle (le glucose), est contraint de puiser dans son stock de secours : nos graisses. La fabrication d’énergie à partir des acides gras de nos tissus adipeux permet à notre organisme d’épargner ses réserves protéiques.

Sans apport de sucres externes, le corps entre dans un nouvel état métabolique appelé « cétose ». Nos réserves de graisses sont transformées par le foie en corps cétoniques qui nourrissent l’ensemble de nos organes et de nos tissus. Cet état présente des avantages : il normalise le métabolisme des graisses et des sucres, ralentit les processus de vieillissement, stimule les fonctions cognitives et la productivité. De plus, il diminue l’inflammation qui, lorsqu’elle est permanente, favorise le développement des maladies chroniques responsables de près de 70% de la mortalité dans le monde.

Ce n’est pas tout ! Ce « switch métabolique » enclenche des mécanismes habituellement en veille, tels que l’autophagie qui est en charge de la digestion et de l’élimination des déchets cellulaires. Elle joue le rôle de voirie, nettoie et recycle nos cellules et nos tissus endommagés, pour lutter contre l’accumulation des déchets. L’autophagie active la réparation et la régénération cellulaire.

En période de jeûne, le corps se détoxifie et le système digestif se repose. Cet état est aussi bénéfique pour la flore intestinale ou microbiote, qui profite de l’occasion pour se développer et se diversifier. Sans apport extérieur de nourriture, l’état inflammatoire habituellement généré par une alimentation riche en produits d’origine animale est lui aussi régulé. Les bactéries constituant notre microbiote contribuent à renforcer notre santé. Les bactéries qui le composent dépendent de notre alimentation, d’où l’importance majeure de cultiver des habitudes alimentaires saines. Les aliments à base de végétaux contenant des fibres vont nourrir nos « bonnes bactéries », celles qui améliore notre santé. La nourriture animale en revanche, va favoriser la croissance des bactéries qui sont responsables de l’inflammation.

C’est pourquoi la reprise alimentaire est une étape clé, tout aussi importante que le jeûne lui-même. Quand le jeûne est rompu, il en va de même pour la cétose car notre organisme reprend ses habitudes et utilise à nouveau les sucres comme source d’énergie principale. La détoxification s’interrompt ainsi que l’autophagie, et les autres mécanismes enclenchés par l’absence de nourriture…

Pour que les effets positifs du jeûne se prolongent dans le temps, il est fondamental de privilégier des aliments de qualité et de les réintégrer progressivement, en commençant par les produits d’origine végétale (fruits, légumes, céréales complètes, oléagineux, légumineuses). Les mécanismes de digestion en veille doivent se remettre en route, d’où l’importance de ne pas brûler les étapes ni surcharger le système digestif. Les produits laitiers, les œufs, le poisson, la volaille et la viande devraient être réintroduits les uns après les autres, et consommés avec modération.

 

En conclusion

Dans une perspective de santé et de prévention, le jeûne intermittent et le jeûne prolongé améliorent l’ensemble des indicateurs métaboliques et le bien-être physique et mental de ceux qui le pratiquent. Pour bénéficier de leurs nombreux bienfaits, il n’est pas nécessaire de faire un choix exclusif. Rien n’empêche de les combiner. Bien que les effets les plus spectaculaires apparaissent lors d’un jeûne prolongé, le jeûne intermittent constitue un excellent moyen d’améliorer sa qualité de vie. Ce dernier est plus facile à intégrer à sa vie quotidienne et pourrait se transformer en habitude.

En plus d’être une expérience physique inédite, le jeûne peut être perçu comme une approche pédagogique. Il s’agit d’un outil formidable qui permet de se ré-approprier une fonction physiologique intégrée depuis toujours, dans le but de s’aider soi-même. Il ne s’agit pas de se priver de nourriture. Le plaisir de manger est remplacé de façon temporaire par le plaisir d’avoir du temps, de se libérer de ses habitudes alimentaires parfois inadéquates, et de se recentrer sur soi. Pour éviter que cette expérience ne prenne fin lors de la reprise alimentaire, il faut changer ses habitudes alimentaires afin de retrouver chaque jour ces moments privilégiés où les repas s’apparentent à une explosion de saveurs.

Alexandra de Toledo

Alexandra de Toledo est pharmacienne. Elle se spécialise dans le domaine du "Lifestyle Medicine" - ou médecine du mode de vie, dont l'objectif est de prévenir, retarder voire même dans certains cas, inverser le cours des maladies chroniques (maladies non-transmissibles), responsables de 75% de la mortalité en Suisse.

2 réponses à “Jeûner pour se faire du bien (2/2)

  1. Merci pour cette suite de l’article sur le jeûne qui m’interpelle et auquel je vais songer… Promis !… Belle journée. Isabelle.

  2. Bonjour,
    Votre article est très intéressant, merci.
    Vous êtes la fille de Jean-Philippe ? On s’est bien connu il y a quelques années.
    Je serai intéressé de parler du jeûne avec vous un de ces jours si vous êtes d’accord.
    Je suis moi-même spécialiste du métabolisme et je conseille des personnes avec des programmes métabolique. Si on pouvait croiser nos infos, ce serait top.
    Vous me redites si ça vous intéresse.
    Meilleures salutations
    François Roch

Les commentaires sont clos.