Un p’tit col pour la route

En hiver, le coureur qui aime parcourir librement la montagne ronge son frein. Les journées sont courtes, il fait souvent mauvais et la neige recouvre ses terrains de jeux favoris. Mais avec un peu d’imagination, il est possible de trouver de quoi s’amuser, par exemple en se lançant dans de nouveaux défis.

En ce qui me concerne, l’illumination est arrivée il y a quelques semaines. Adepte de vélo de route, je me suis demandé ce que ça donnerait de faire des cols… en courant !

On est d’accord, le jour, ce n’est pas réaliste. Trop de voitures. Mais de nuit, le trafic devient quasi nul. On évolue dans une ambiance de montagne mais contrairement aux sorties nocturnes sur les sentiers, on ne court pas le risque de se prendre une gamelle ou de glisser sur une racine

On dit que c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes. Eh bien c’est vrai aussi pour la course à pied. Prenez une montagne que vous connaissez bien et où vous avez l’habitude de courir. Cherchez un peu, vous y trouverez probablement un col praticable même au coeur de l’hiver.

Sur le Salève, il y en a plusieurs. Le col de la Croisette est le plus connu des cyclistes. Le départ se fait depuis le parking du Coin, au-dessus de Collonges-sous-Salève. La montée est courte mais assez raide (6 km pour 675 m de dénivelé positif, avec deux portions à 12%). Une sorte de rampe de lancement qui vous propulse vers les hauteurs, vite fait bien fait.

Hier soir, les dieux de la météo étaient propices, le temps parfait pour un galop d’essai. Courir de nuit sur une route non éclairée s’avère plutôt agréable. Une fois que les yeux se sont habitués à l’obscurité, il n’y a même plus besoin de frontale. L’ouïe prend le pas sur la vue.

Tous les petits bruits de la forêt deviennent audibles. Des brindilles craquent. Quelques oiseaux font entendre leurs trilles musicales. Par moments, on n’entend rien. Que le silence.

La pente est régulière dans la première portion. On trouve vite un bon rythme et alors les pensées se remettent à vagabonder. C’est typiquement le genre de sortie qui donne des idées. Il y a tellement de cols mythiques autour du Léman. Pour celui qui mordrait à cet hameçon, il y a de quoi s’occuper.

On tire un peu la langue dans les deux sections les plus pentues mais ça fait partie du jeu. Après les lacets en forêt, on débouche sur les pâturages. Il ne reste plus qu’une longue ligne droite, et au fond les lumières du hameau de la Croisette. Le panneau du col se rapproche, vingt mètres, dix, cinq, touché !

Il fait cru. Le vent s’est levé, il y a du brouillard. Une petite pause pour souffler et c’est reparti dans l’autre sens. En contrebas, Genève luit, jaune et orange. Toujours pas besoin de frontale. On détricote les lacets comme une pelote de fil. Le parking est désert. Bientôt minuit, l’heure de rentrer à la maison.