Cure de course à la japonaise, jour 13

Je me doutais que ce ne serait pas facile, mais suivre le régime Murakami m’a donné du fil à retordre. Pas tant pour l’enchaînement de la distance couverte quotidiennement par l’auteur japonais – soit 10 km, six jours sur sept -, mais pour l’organisation. Disons que j’ai dû parfois sortir à des heures plutôt incongrues pour réussir à tenir mon pari de faire comme lui pendant un mois.

Je n’ai pas tenu de journal de bord. Aussi, je ne peux dire avec certitude quel soir de la semaine dernière j’ai dû enfiler mes baskets à 23 h 15 pour me glisser dans la nuit, après un bon repas, quelques verres de vin et un film. Mais si j’avais cédé au sommeil plutôt que d’aller courir, le côté inéluctable qui fait tout le sel de ce défi aurait été brisé, et je l’aurais aussitôt regretté.

Dans “Autoportrait de l’auteur en coureur de fond”, Murakami parle de ses muscles comme d’animaux au travail, très consciencieux, à qui il faut parler, rafraîchir la mémoire et qui ont parfois besoin qu’on leur montre qui commande. Le soir où je suis sorti faire mes boucles après le dîner, c’est ma volonté que j’ai dû mettre au pas.

Il n’a pas fait spécialement froid mais il a souvent plu ces derniers jours. J’en viens à me demander si ce n’est pas moi qui attire les gouttes. Quand je suis au bureau, je regarde par la fenêtre, le ciel est clair. Je rentre chez moi, toujours pas de menace à l’horizon. Je me change, je descends l’escalier et qu’est-ce que je trouve sur le pas de ma porte ? La pluie! Au final, peu m’importe, d’autant que je sors à peine pour une heure de course. Il n’empêche que dans ces moments, on se sent un peu comme Calimero…

Mais le plus dur c’est de répéter encore et encore ce parcours de l’Escalade qui passe à travers les ruelles de la Vieille-Ville et le parc des Bastions. Je connais maintenant par coeur chaque détail de ce tracé sinueux et difficile, qui demande au coureur de véritables qualités de pilote. C’est un mini circuit de F1. Il y a des virages serrés, des montées sèches, des longs bouts droits, des descentes, des alternances de revêtement entre l’asphalte et les pavés. Débile, me direz-vous, de tourner comme un poisson dans un aquarium. Peut-être, oui, sauf que l’expérience en vaut quand même la peine.

Aucune sortie ne ressemble à la précédente. Je cours essentiellement aux petites heures du matin. Vers 5 ou 6 heures, je suis toujours seul. En deux semaines, je n’ai même pas croisé dix coureurs. Le parcours m’appartient, il n’y a pas de trafic, guère de passants. Petite exception: il y a quelques jours, peu avant 6 heures du matin, j’ai presque embouti une agente du Service du stationnement, à l’angle de la rue Jean-Calvin et de la Grand-Rue. Je ne sais pas qui de nous deux a eu le plus peur. Elle m’a conseillé de prendre mes virages moins serrés. Je lui ai dit qu’elle avait bien raison et je suis reparti.

Le soir, c’est différent. La Vieille-Ville est animée. Je guigne à travers les fenêtres de certains appartements qui me font rêver. Les lampes sont allumées. Une douce lumière baigne les espaces que je devine magnifiques. Je passe devant la Clémence, en me rappelant toutes les bières que j’y ai bues, et devant des restaurants où j’aime manger, comme l’Osteria della Bottega. Je m’engouffrerais bien à l’intérieur pour commander un bon petit plat et un verre de vin toscan. Mais non, il faut continuer. Morale de l’histoire: c’est plus dur de courir à l’heure de l’apéro.

Quand je rentre chez moi, je suis toujours content. Cet étrange rituel commence à prendre la forme de quelque chose et cela me plaît. J’en suis à mon quatorzième jour, dont douze de course. Presque la moitié. Certains jours j’ai plus de mal que d’autres, mais jusqu’ici je n’ai flanché qu’une fois. C’était avant-hier. J’ai fait deux boucles au lieu de trois avec mon fils qui a eu la gentillesse de m’accompagner. C’est lui aussi qui a pris cette photo, sous une pluie battante. Trempé jusqu’à l’os, je me suis dit que je pouvais bien faire l’impasse sur le troisième tour, en le remettant au lendemain bien sûr. Carpe diem !

Courir à Genève avec Haruki Murakami

En 2007, le Japonais Haruki Murakami a publié “Autoportrait de l’auteur en coureur de fond”. Il y raconte ses débuts dans l’écriture, intrinsèquement liés à la pratique de la course à pied. Avant de devenir l’auteur célèbre que l’on connaît, Murakami gérait un club de jazz à Tokyo. Il a achevé son premier livre, “Ecoute le chant du vent”, enchaînant les nuits blanches et fumant un paquet de cigarettes par jour.

Sorti en 1979, l’ouvrage reçoit un excellent accueil de la critique. Pour se consacrer pleinement à l’écriture, Murakami vend son enseigne et change complètement de vie. Durant plusieurs mois, il ne quitte pas sa table de travail. Un écrivain est en train de naître. Mais ses poumons continuent de s’encrasser et les kilos s’accumulent. Du jour au lendemain, les cigarettes finissent à la poubelle. Murakami achète sa première paire de baskets et commence à courir.

Courir, écrire. Courir, écrire… cette routine est rapidement devenue indissociable de la vie de Murakami. Si le Japonais n’a jamais été un athlète de haut niveau – il a toutefois participé à de nombreux marathons, à des triathlons et même à une course de 100 kilomètres -, je l’admire pour son incroyable assiduité. Qu’il soit chez lui ou à l’étranger, occupé à la promotion d’un nouvel ouvrage, invité par une université à donner des cours ou en vacances, il a fait en sorte de courir quotidiennement 10 kilomètres minimum et cela six jours par semaine… durant plus de trois décennies!

L’histoire de Murakami m’a inspiré un nouveau défi. Pour les prochaines semaines, je vais essayer de faire comme lui en parcourant chaque jour 10 kilomètres, sa distance. Il pourra venter, pleuvoir ou même neiger, peu importe. Je sortirai en pensant à l’écrivain japonais. La Course de l’Escalade approche. C’est sur ce parcours que je vais user les semelles de mes chaussures et laisser cette expérience, inhabituelle pour moi qui aime courir longtemps en montagne, prendre forme.

Nous sommes dimanche et j’en suis à ma cinquième sortie consécutive. J’aime particulièrement le petit matin, quand la vieille-ville est encore endormie. J’ai l’impression que l’espace aussi bien que le temps m’appartiennent. Rien ne me distrait de mes rêveries, auxquelles les ruelles de la vieille-ville font écho. Je flotte dans un temps qui n’est ni celui d’hier, ni celui d’aujourd’hui. En seulement cinq jours, j’ai vu et enregistré de belles choses. Les vols d’étourneaux le soir. Les derniers feux de l’été indien. Le vent, la pluie. Les premières sensations de froid. Cela ne me gêne pas. Avec Murakami, je suis en bonne compagnie.

Il est temps de courir après de nouveaux rêves

J’avais échoué en 2016 et en 2017. La troisième tentative aura été la bonne. Samedi 15 septembre à 13 h 22, j’ai franchi la ligne d’arrivée du Tor des Géants, après un voyage de 339 kilomètres pour 31 000 mètres de dénivelé positif, bouclés en un peu plus de 145 heures.

J’en ai tant rêvé, de ce parcours magnifique qui sillonne les principales vallées de la région d’Aoste. Cent fois, mille fois, j’ai gravi dans ma tête les cols, trottiné dans les descentes vertigineuses, joué à l’équilibriste dans les pierriers instables, longé des lacs beaux comme des diamants, passé au pied de montagnes grandioses, traversé des villages de pierre. J’ai revu les ciels changeants, les levers et les couchers de soleil, la lune, les animaux qui peuplent les montagnes, les bouquetins, les aigles, les marmottes et les renards.

Cette année, le Tor a été magnifique. Un cadeau. La fatigue des jours et des nuits sans sommeil a été légère. Je suis entré doucement dans le rythme, jusqu’à n’avoir plus aucun autre désir que celui d’avancer en profitant du chemin, comme un authentique pèlerin.

Je me suis fait emporter. J’ai savouré chaque jour, chaque instant, chaque gorgée de café, chaque lever de soleil, chaque rencontre, chaque nouveau paysage. Je n’ai pas cherché à résister. Quand il fallait monter, j’ai obtempéré. Quand il fallait descendre, je l’ai fait aussi. Je n’ai pas maudit le dénivelé. Je n’ai pas laissé mon esprit se rebeller contre le parcours. Je ne me suis pas dit que le Tor était interminable, trop long, tordu… J’ai accepté les choses comme elles étaient.

Le Tor peut être doux, mais il peut surtout être cruel. Il vous fait rêver et l’instant d’après il vous broie. Il épuise les coureurs, il les abime, il leur fait mal. Il les dépossède de leur espoir de finir. Il les abandonne au bord du chemin, seuls, pleins de regrets, en proie à un sentiment de vide. Pendant deux ans, je n’ai eu qu’une envie. Que les mois défilent, que l’hiver s’en aille, que le printemps passe et que l’été m’ouvre à nouveau les portes de la montagne, en attendant septembre, et le Tor. 

Deux semaines après la fin du voyage, j’y repense comme à un songe dont les contours sont en train de devenir flous. Quoiqu’il en soit, c’est derrière maintenant. Je pourrai désormais penser au Tor de façon plus apaisée. Je le referai probablement un jour. Mais d’abord, je vais laisser mon esprit profiter de sa liberté retrouvée. L’automne s’installe. En montagne, les lumières sont magnifiques. Les journées sont encore chaudes et ensoleillées. 

Je me réjouis de retourner sur les sentiers. De retrouver le plaisir de courir. A la poursuite de nouveaux rêves, que je ne connais pas encore. 

Tor des Géants, le voyage au bout de la nuit

Tic tac, tic tac, le compte à rebours a commencé. Il ne reste plus que deux semaines avant le départ du Tor des Géants. Recensée dans le top 10 des ultra-trails les plus difficiles du monde par Red Bull, la “Course des masochistes” rassemble chaque année 750 coureurs désireux de relever ce défi XXL: 336 kilomètres à parcourir en boucle depuis Courmayeur, quasi 31000 mètres de dénivelé, 25 cols à plus de 2000 mètres, des conditions météo souvent dantesques, une privation constante de sommeil…

 

 

J’ai participé aux deux dernières éditions, c’est vraiment du costaud. La première année, j’ai dû abandonner au 280ème kilomètre, après avoir évité de justesse le déchirement de mon quadriceps. En 2017, une double tendinite tibiale m’a contraint à jeter l’éponge au 220ème. Paradoxalement, je n’en garde que de très bons souvenirs.

En fait, c’est une course qui m’a tellement marqué qu’elle fait désormais partie intégrante de ma vie. En septembre, beaucoup se réjouissent des désalpes, des vendanges, des fêtes qui vont avec, de la venue de l’automne. Moi, c’est le Tor que j’attends avec impatience. J’aime l’idée que ce voyage puisse durer jusqu’à 7 jours et 6 nuits. Une course de 100 km, voire de 100 miles comme l’UTMB, a un début et une fin qu’on peut clairement appréhender. Avec le Tor, c’est impossible. On ne peut jamais tout prévoir. C’est une aventure, une vraie.

Nicolas Bouvier disait que le voyage vous fait ou vous défait. C’est la même chose avec cette course. On peut se projeter à deux voire trois jours, et encore. Tant d’éléments peuvent venir chambouler le programme: un pépin de santé, la météo, le moral, un problème de matériel… Le premier jour, on est valide, tout semble faisable. Après 150 ou 200 km, plus rien n’est sûr. La fatigue fait son travail de sape. Elle joue avec les nerfs, triture les émotions. Beaucoup de coureurs ont des hallucinations. Ils voient des choses et des gens qui n’existent pas.

 

 

Je comprends qu’on puisse trouver pareille entreprise démesurée, voire stupide. Je pense pour ma part que c’est justement la longueur de la course qui lui confère toute sa beauté. Dans nos existences millimétrées, où tant de choses sont mesurées et évaluées, le Tor offre une opportunité unique de sortir du temps. Jour après jour, on entre dans une dimension parallèle. Il n’y a plus de jour, plus de nuit. On incarne la progression. On devient le paysage.

Cette année, je me suis mieux entraîné mais à deux semaines du départ, je sais bien que cela ne me donne aucune garantie. Je suis néanmoins impatient de partir pour ce voyage vers les montagnes et de laisser mon esprit vagabonder aussi librement que mes pas à travers les montagnes du val d’Aoste. Quelques jours durant, je serai un pèlerin en baskets qui essaiera de marcher jusqu’au bout de lui-même, au-delà de la nuit.

 

 

Attention à ne pas jeter l’éponge trop vite

Il y a deux semaines, j’ai participé au Gran Trail Courmayeur, une épreuve de 105 km pour 7000 mètres de dénivelé positif. La météo annonçait un grand soleil pour la première partie du weekend et c’est donc avec un matériel obligatoire minimaliste que je me suis aligné au départ à 7 heures, le samedi 14 juillet. Le début de course s’est bien passé et j’ai pu faire les premières dizaines de kilomètres en me maintenant sans trop de difficulté aux abords de la quarantième place. Jusque là, tout allait bien.

A peu près tous les organisateurs présentent leur événement comme “Le plus beau”, “Le plus sauvage”, “Le plus dur”, etc. Le Gran Trail ne déroge pas à la règle, mais contrairement à bien des compétitions, tous ces superlatifs correspondent à la réalité. Pour commencer, le parcours est vraiment somptueux. On traverse d’abord le vallon de la Thuile puis tout le Val Veny, en passant par plusieurs cols très peu fréquentés. Longeant le fil d’arêtes aériennes, on accède à des belvédères offrant des vues renversantes sur le versant italien de la chaîne du Mont-Blanc.

Malheureusement, nous n’avons pas pu profiter longtemps de ce décor de carte postale. Très vite, le ciel s’est obscurci et des nuages de mauvais augure se sont amoncelés dans le ciel. Les premières gouttes ont commencé à tomber en début d’après-midi, sous le col de Youlaz. Le vent s’est levé, la pluie a forci et bientôt le ciel s’est empli de grondements menaçants. J’ai continué ma progression trempé, le moral dans mes chaussettes humides. Vers le milieu d’après-midi, il y a bien eu une accalmie, mais elle a été de courte durée.

Un autre orage s’est abattu sur la vallée en début de soirée, juste au moment où je pointais au contrôle de Dolonne, au 75e kilomètre. Après avoir mangé un copieux plat de pâtes et repris des forces, j’ai commencé à douter. Comment allais-je survivre aux trente prochains kilomètres sans vêtements de pluie sérieux ? Le ciel continuait d’être zébré d’éclairs et à mesure que passaient les minutes, je sentais s’envoler ma motivation. Pourtant, autour de moi, d’autres coureurs repartaient dans la nuit, indifférents à ces conditions dantesques.

Dans ma tête, une petite voix continuait de me répéter que je n’étais pas suffisamment équipé pour une nuit en montagne. Parfaitement d’accord avec ce constat, je ne me voyais pas continuer. D’un autre côté, je savais pour l’avoir déjà vécu qu’un abandon n’était pas sans conséquences. Dans le cas où c’est à cause d’une douleur ou d’une blessure, cela peut-être un soulagement de s’arrêter. Mais après quelques heures de repos, le doute revient comme un boomerang. Est-ce que c’était vraiment justifié? N’aurait-il pas quand même fallu pousser encore, quitte à finir vraiment blessé?

Sur le moment, c’est difficile de faire la part des choses. Après 75, 100 ou 200 kilomètres de course, on n’est plus en état de raisonner avec logique. N’importe quelle personne censée dirait que quand on n’en peut plus, il faut abandonner. Mais les courses de longue distance comportent une part d’irrationnel qui fait qu’on ne peut pas penser comme dans la vie de tous les jours. Parfois, après des passages à vide qui paraissent interminables, on revient à la vie. Littéralement.

J’avais l’impression de m’engluer et je sentais que plus j’attendais, plus j’aurais de la peine à repartir. C’est justement à ce moment que mon ami Franco, responsable de la communication de la course, est passé me demander quand je comptais y aller. Je lui ai répondu que j’envisageais presque de jeter l’éponge, n’ayant pas d’habits chauds pour affronter le mauvais temps dans la montagne. Il m’a répondu avec son sens de l’humour habituel: “Tu ne vas quand même pas te laisser abattre par deux gouttes de pluie?” Alors que l’averse redoublait, il a corrigé: “D’accord, trois gouttes!” Puis, spontanément, il a enlevé la polaire qu’il portait et me l’a tendue. “Tu la veux? Prends-la!”

Je n’avais plus d’excuse. Je me suis levé d’un bond, j’ai fait mon sac, rempli mes gourdes, et je suis reparti le moral gonflé à bloc, alors que quelques minutes plus tôt, j’étais quasi certain de ne pas finir la course. Etant sorti du top 50 après cette longue interruption, j’ai effectué sans me presser les trente derniers kilomètres, m’accordant même le luxe d’une sieste de 45 minutes sur un banc, à un ravitaillement. Emmitouflé dans la polaire de Franco, je n’avais plus peur de rien.

Le jour s’est levé lentement et avec lui j’ai pu admirer le Mont-Blanc paré de lueurs roses. Les montées et descentes interminables de la fin de course ont laissé la place à un sentier filant droit vers le centre de Courmayeur. J’ai atteint les premières maisons du village puis, au bout d’un virage, j’ai aperçu le clocher de l’église. J’étais arrivé.

J’ai été submergé par une immense émotion. On est toujours heureux de finir des courses aussi longues. Mais après avoir repassé des dizaines de fois dans ma tête ce moment où j’avais tellement envie d’abandonner, passer la ligne d’arrivée avait une saveur particulière. En regardant vers le ciel parfaitement bleu, j’ai réalisé à quel point je me serais mordu les doigts d’avoir jeté l’éponge. J’espère ne jamais oublier cette leçon: il faut faire très attention de ne pas abandonner trop vite.

Soleil de minuit sur les crêtes de la Vallée verte

L’été, ceux qui vivent au nord du 66ème parallèle ont de la chance. Le soleil ne se couchant pas durant la belle saison, ils peuvent faire ce qui leur plaît dehors, en bénéficiant quasi 24 heures sur 24 d’une luminosité naturelle.

Si nous autres Romands ne sommes qu’au 46ème parallèle, nous pouvons tout de même profiter à cette période de l’année de journées qui s’étirent et admirer au passage des couchers de soleil absolument spectaculaires. Pour cela, pas besoin d’aller loin. Une éminence avec un horizon dégagé suffit. Situé à 45 minutes environ de Genève, le pic de Marcelly est l’un de ces belvédères privilégiés que je ne peux que vous recommander de gravir.

L’accès est facile. Entrez Mieussy dans le GPS. Depuis Genève, il y a un petit bout d’autoroute (sortir à la Vallée verte), puis vingt-cinq minutes de départementale. D’entrée, le sentier grimpe droit dans la forêt en suivant un chemin de croix qui mène à la grotte du Jourdy. Cette vaste cavité abrite le sanctuaire de la Sainte Famille, érigé en 1881 afin de protéger les villageois contre les chutes de pierres, fréquentes dans le massif.

Devenant encore un peu plus abrupt, le sentier passe dans une falaise équipée de câbles – rassurez-vous, on est loin de la face Nord de l’Eiger! On atteint ensuite le replat de Roche-Pallud. Un petit paradis, avec des pâturages en pente, quelques fermes rénovées avec soin, des potagers et des terrasses parfaitement entretenues. De là, on gagne le début de la crête qui s’étire sur près de deux kilomètres jusqu’au pic Marcelly, flanqué d’une croix géante, véritable phare alpin que même le plus myope des coureurs ne pourrait manquer.

A cheval sur ces vagues herbeuses, comment ne pas être envahi par un immense sentiment de bonheur et de liberté? On n’a pas tous les jours l’occasion de courir entre ciel et terre, avec une vue à 360 degrés sur les massifs environnants. En toile de fond, le Mont-Blanc, drapé dans des lueurs roses et bleues, assure une partie du spectacle.

Là-haut, pas un bruit, juste le souffle des herbes hautes et les fleurs que le vent caresse, emplissant l’air de fragrances sauvages. On aimerait que ça ne se termine jamais. L’effort n’est pas pénible, on navigue sur un sentier étroit mais facile. L’arrivée au pic Marcelly est hollywoodienne, avec cette croix qui, vue de près, semble encore plus surdimensionnée.

La frontale étant restée à la maison, on n’a malheureusement pas pu prendre le temps de s’asseoir pour contempler le paysage et regarder le soleil descendre lentement à l’horizon. Non, c’est au pas de charge qu’il a fallu redescendre. La crête en sens inverse, le hameau de Roche-Pallud, un bout de forêt, la falaise et le chemin de croix, envahi de mille cailloux et de branches invisibles. Quand on est arrivés à la voiture, il faisait nuit noire alors que 45 minutes plus tôt, on était des chocards planant dans le soleil de minuit.

Marre du Mondial? Regardez plutôt le trail!

Après la navrante défaite de l’équipe suisse face à la Suède, vous serez sans doute nombreux à venir grossir le flot des mécontents qui ne veulent plus entendre parler du Mondial. Si vous en avez assez de toute cette ferveur footballistique, sachez que le ballon rond n’est pas le seul sport digne d’être regardé sur le petit écran durant l’été.

Vous me voyez venir, je veux parler… du trail, bien sûr! De plus en plus populaire, cette discipline fait désormais l’objet de suivis «live», qui rassemblent des dizaines de milliers d’internautes. Dimanche dernier, le Marathon du Mont-Blanc a ainsi été retransmis du premier au dernier kilomètre par la société Euro Media, qui filme entre autres le Tour de France chaque été.

On est loin de la vidéo amateur et des images qui tanguent au point que vous finissez par en avoir la nausée. Hélicoptères, VTT électriques, drones et cameramen ont en effet été mobilisés pour talonner les coureurs y compris sur les sentiers les plus sinueux (et à près de 20 km/h dans certaines descentes), offrant à tous ceux qui n’avaient pu faire le déplacement un spectacle haletant.

Pour sa 40ème édition, le Marathon du Mont-Blanc a vu s’affronter plusieurs cracks, dont Kilian Jornet. Tenu éloigné des circuits durant trois mois suite à une fracture du péroné survenue durant une compétition de ski-alpinisme, le Catalan a fait son come-back en seigneur, parvenant à s’imposer en 3 h 54, avec 4 minutes d’avance sur ses poursuivants: le Neuchâtelois Marc Lauenstein, qui a terminé 2ème en 3 h 58, et le Norvégien Stian Angermund-Vik, 3ème en 4 h 00.

Sans l’air d’y toucher, comme à son habitude – trois jours avant la course il escaladait le Mont-Blanc en solo par une voie particulièrement difficile sur le versant italien -, Kilian Jornet a contribué à ajouter la dimension épique qui distingue les plus belles courses. Les yeux rivés sur mon écran, tasse de café en main, je l’ai regardé partir vite, très vite, dans le groupe de tête comprenant une dizaine de coureurs. En bon fan, je murmurais de temps à autre “allez, Kilian, allez”, à mesure que le champion remontait les places les unes après les autres, jusqu’à se retrouver seul en tête.

C’était la première fois que je regardais une course de montagne comme à la télévision. Cela m’a plu et captivé. La médiatisation croissante du trail ne fait pas que des heureux, mais elle a ceci de bon qu’elle permet aux spectateurs novices de mettre un visage sur le nom des coureurs au top de la discipline. Morale de l’histoire: il n’y a pas que le foot dans la vie… et pas que Kilian Jornet qui mérite d’être toujours sous le feu des projecteurs!

Photo: David Gonthier

 

 

A saute-volcan sur l’île de Tenerife

Me voilà de retour sur terre, quatre jours après avoir terminé le Tenerife Bluetrail, un ultra de 102 km pour 6400 mètres de dénivelé positif. C’est drôle comme la mémoire fonctionne. J’ai presque l’impression aujourd’hui que ces 19 heures et trois minutes de montées, de descentes, d’exaltation, de fatigue, de chaleur et de visions n’ont jamais existé.

Sur la ligne de départ, donné vendredi 8 juin à 23 h 30 sur la plage de Fanabe, on était près de 400. Il y avait surtout des Espagnols, pour la plupart membres de clubs locaux. Pas de star internationale, mais des coureurs capables de couvrir cette distance à un train d’enfer. Réputé autant pour sa difficulté que pour sa beauté, cet ultra n’attire paradoxalement pas encore les foules. Le parcours traverse l’île du sud au nord, en passant par le sommet du Teide, un volcan qui a donné son nom à un site naturel exceptionnel inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco.

Parti dans le groupe des cent premiers, je suis vite rentré dans le rythme de la course. On a laissé derrière nous cette partie très touristique de l’île pour gagner les contreforts des montagnes. 102 kilomètres, c’est une distance impressionnante mais qui fond comme un morceau de sucre dans une tasse de café. Après 7 ou 8 km au pas de charge, il n’en restait déjà plus que 90 et des poussières.

Venga, chicos, animo!

Passé le premier ravitaillement, je me suis accroché à un groupe d’Espagnols que j’ai suivi durant près de deux heures dans un silence seulement troublé par les “Venga, chicos, animo!” échangés par les coureurs se croisant ou se dépassant dans l’obscurité. Il y a des moments, surtout la nuit, où l’on est littéralement hypnotisé par de petits détails, comme la couleur des chaussettes de celui qui vous précède, la façon dont il pose les pieds ou encore la manière avec laquelle il s’appuie sur ses bâtons pour progresser. Sans presque m’en rendre compte, j’ai passé le cap du 20è puis du 30è kilomètre.

J’étais trop pris par l’envie d’avancer pour chercher à contempler le paysage nocturne, mais pour être passé dans cette zone de jour, la veille, je pouvais parfaitement visualiser le décor lunaire façonné par les éruptions volcaniques successives. Trottinant au milieu des pins des Canaries, j’ai poursuivi mon chemin, surpris par la quantité de sueur que mon corps pouvait produire. J’étais littéralement trempé. On se serait cru dans la jungle tellement l’air était humide. Un épais brouillard s’est levé, ajoutant encore à l’irréalité du moment.

Sachant que la nuit ne durerait pas, j’ai profité des rares sections plates pour éteindre de temps à autre ma frontale et admirer les étoiles. Le temps a continué à filer. A 4 heures du matin, j’ai écouté un peu de musique pour penser à autre chose qu’à mon envie de dormir. Parvenu à un plateau, vers 2000 mètres d’altitude, la lueur du jour, d’abord très faible mais tout de même visible, a percé les ténèbres. Les silhouettes des arbres ont commencé à se détacher progressivement sur un ciel de plus en plus bleu. En contrebas, une mer de nuages cotonneux flottait au-dessus de la forêt.

A un détour du sentier, le soleil s’est levé pour de bon et au même moment, j’ai aperçu pour la première fois la pyramide massive du Teide, le plus haut sommet des Canaries, mais aussi d’Espagne. Un colosse de 3718 mètres! Encore quelques heures et je serais moi aussi en haut. Depuis le temps que j’attendais ce moment…

Au ravitaillement du 48è, j’ai trouvé des pâtes, des fruits frais, du café bien chaud, une vraie oasis. C’est le seul moment de la course où je me suis octroyé une pause assise de dix minutes. Mais étant bien parti, je voulais vite me remettre en chemin. Je peux l’avouer maintenant, le gros morceau à venir me préoccupait un peu. Car en termes d’acclimatation à l’altitude, j’aurais pu mieux faire que de passer trois jours au bord de l’océan à boire des cervezas et à manger du poisson.

Un cosmonaute en baskets

Je me suis remis en route dans une lumière orange éblouissante. Les 500 premiers mètres de la montée ont été vite avalés, mais dès 2500 mètres d’altitude, j’ai dû ralentir. Plusieurs coureurs m’ont dépassé. Je continuais d’avancer du mieux que je pouvais en composant avec une sensation de vertige persistante, qui me faisait vaciller à chaque fois que je regardais de côté ou derrière moi. Mais un pas après l’autre, tout finir par passer, y compris les moments les plus pénibles.

Peu après 3300 mètres d’altitude, après une dernière épaule rocheuse, j’ai entrevu enfin les pylônes de la gare d’arrivée du téléphérique du Teide, où se trouvait le ravitaillement du 58è kilomètre. Le chaos de blocs rocheux que j’escaladais péniblement a cédé la place à un sentier pierreux bien aménagé. J’ai pu reprendre une cadence plus rapide et je suis enfin arrivé à la cabane où d’autres coureurs reprenaient des forces.

Sans traîner, j’ai rempli mes gourdes, avalé une demi assiette de pâtes debout et je suis reparti, en me réjouissant de reprendre un peu mes esprits une fois redescendu de quelques centaines de mètres. Le vent qui soufflait avec force est tombé comme par enchantement de l’autre côté de la montagne. Un nouveau panorama s’est ouvert devant moi, époustouflant. Mille mètres plus bas, je pouvais voir s’étendre à perte de vue un autre haut plateau, seulement zébré par le trait blanc d’une route en gravier pour les jeeps. J’ai pensé à l’émoji de l’astronaute sur mon smartphone. Parfait pour résumer mon sentiment en une image.

Il faisait de plus en plus chaud. J’ai jeté un coup d’oeil à ma montre: Midi et demi. Presque l’heure de la sieste, mais malheureusement pas pour moi. J’ai enchaîné les lacets jusqu’au bas de la pente. Personne derrière, personne devant, j’étais seul au monde. J’ai rejoint bientôt une piste que j’ai suivie durant quelques kilomètres. J’ai pu recommencer à courir librement sans regarder chaque caillou susceptible de me faire trébucher. Une option peu recommandée sur les roches volcaniques aussi abrasives que du papier de verre.

La piste est devenue sentier et je l’ai suivi en serpentant à travers des buissons épineux. Plus aucun souffle de vent ne traversait l’air. Le soleil était toujours plus inamical. L’eau des gourdes était entre tiède et chaude. Ma montre s’est éteinte. Je me suis lancé dans un petit calcul mental pour savoir où j’en étais dans cette longue descente de 25 kilomètres. Une opération a priori toute simple qui m’a néanmoins occupé durant plusieurs minutes.

La tentation de la pastèque

J’ai continué ma progression à un bon rythme. Un coureur rencontré en chemin a pointé du doigt une forêt de pins au loin. J’avais de la peine à croire que c’est là que nous devions aller et pourtant, une heure plus tard, les arbres sont devenus autre chose que de vagues formes dans un paysage. Après ce qui m’a semblé une éternité dans la fournaise, j’ai enfin trouvé l’ombre bienfaisante sous leur couvert.

Je n’ai presque pas regardé une seule fois derrière moi pour voir le chemin parcouru mais je l’ai fait avant que le Teide ne disparaisse tout à fait de ma vue. Je me trouvais alors à une quinzaine de kilomètres de la mer, et donc de l’arrivée. Au ravitaillement du 85è, il y avait de la pastèque, coupée en morceaux et plongée dans des bacs de glace. A la troisième tranche, j’ai pensé à Ulysse cédant au chant des sirènes et je me suis forcé à repartir.

Pendant plusieurs kilomètres, j’ai suivi une piste forestière, avançant à près de 10 km/heure, ce qui m’a semblé assez incroyable après une bonne quinzaine d’heures de course. J’ai continué à descendre dans la forêt et dans les nuages, définitivement à l’abri des rayons impitoyables du soleil. Mais si la distance à parcourir n’était plus très grande, je n’en avais pas fini pour autant avec les surprises. Il me restait encore une dernière montée de 600 mètres à gravir. Un escalier vers le ciel, avec des marches qui semblaient davantage taillées pour des géants que pour les hommes.

Mais comme pour le Teide, je me suis hissé pas à pas vers le haut jusqu’à ce que j’aperçoive la jeep d’une équipe médicale présente pour contrôler l’état de santé des coureurs avant la descente. J’étais tellement fatigué que je prêtais à peine attention à la pluie qui s’était transformée en déluge. En voyant patiner les coureurs dans la boue, j’ai compris que ce n’était pas encore gagné. Certains étaient tellement désespérés par l’état du terrain qu’ils préféraient se laisser glisser sur les fesses que de retomber une énième fois par terre.

Heureusement, aidé par mes bâtons et par une certaine habitude à composer avec la boue, je m’en suis mieux sorti, glanant une dizaine de places au passage. Je voyais la mer à présent. L’arrivée était toute proche. Sur la fin, le tracé n’était pas des plus élégants, mais j’ai essayé d’en faire abstraction. Dans ces moments, de telles pensées peuvent devenir un fardeau. Il ne faut pas leur laisser trop de place. J’ai remis mes écouteurs et continué de me laisser porter par la musique.

A mesure que j’approchais du centre-ville de Puerto de la Cruz, ma foulée est devenue plus souple. J’ai accéléré. Je voulais donner tout ce que j’avais. Je regardais devant moi, savourant la dernière ligne droite. 100 kilomètres derrière, plus qu’un à parcourir. Le meilleur moment de la course. Des passants et des spectateurs ont commencé à applaudir, de plus en plus nombreux à mesure que je me frayais un chemin vers l’arrivée. A 18 h 33, je sautais de joie en passant la ligne symbolique tant attendue, à la 70è place.

Je suis resté quelques instants debout au milieu du vacarme, de la musique, des gens, avant de m’asseoir. C’était un sentiment fantastique. Parce que cette fois, je savais que je pouvais rester là aussi longtemps que je le voudrais. Le temps s’était arrêté de courir en même temps que moi.

Photo: Jordi de la Fuente

Quand coureur rime avec cueilleur

Au moment où j’ai aperçu le premier, je me suis vraiment demandé si ce n’était pas une hallucination. Un bolet ici, sur les hauts du Salève, fin mai?

Je me suis accroupi, transpirant, le regard légèrement brouillé par l’effort, pour le toucher. C’était un de ces spécimens qu’on rêve tous de cueillir un jour: magnifique chapeau brun foncé, pied rebondi, dur comme du béton.

J’ai balayé l’herbe du regard… un deuxième! Une réplique du premier en miniature, pareil aux champignons en massepain qu’on voit dans les vitrines des chocolatiers. J’ai tourné la tête: un troisième, puis un quatrième. En moins d’une minute, j’en avais trouvé six.

J’ai transformé mon t-shirt en baluchon, enfilé avec précaution les bolets dedans et au galop direction la maison. Le sentier était boueux, les pierres glissantes, et j’ai plusieurs fois craint de m’étaler avec mon précieux chargement mais je suis finalement arrivé en un morceau – et les champignons aussi – au pied du Salève.

C’est votre droit de ne pas me croire si je vous dis que juste avant le parking où les randonneurs garent leurs voitures j’ai dû faire un bond d’antilope pour esquiver une couleuvre que j’ai vu un dixième de seconde avant de lui marcher dessus. Deux cent mètres plus loin, dans une zone villas, c’est un lapin qui a sauté hors d’une haie de tuyas juste devant moi, un garçon à ses trousses…

A ce point, je peux bien vous raconter encore ceci: cinq minutes plus tard, en passant devant une station service, j’ai vu briller deux pièces de deux euros par terre, juste à côté du trottoir. C’était vraiment trop. J’avais l’impression d’être François d’Assise, doublé du type qui pourrait bien gagner 100 millions au loto.

Je suis rentré en courant aussi vite que je pouvais, tenant à bout de bras le t-shirt dissimulant tous mes trésors. Avant même de prendre une douche, j’ai jeté une noix de beurre dans une poële et fait revenir quelques secondes à feu vif deux bolets coupés en lamelles d’un demi-centimètre. Ce fut bien sûr délicieux. Cette cueillette est un souvenir que je ne suis pas prêt d’oublier. Quelle chance! Peut-être que je devrais vraiment aller jouer une grille?

Une petite partie de roulette russe

J’y vais ou pas ? C’est LA question qui taraude les coureurs de trail en ces jours de météo instable et souvent orageuse.

Je me la suis posée encore hier après-midi, après avoir vu pour la énième fois sur mon smartphone l’icône d’un éclair menaçant virtuellement la région d’Annecy, où je pensais aller faire un tour à la tombée de la nuit. J’ai hésité: d’un côté la perspective de faire une belle sortie. De l’autre, une vision de moi recroquevillé quelque part en montagne avec l’enfer qui se déchaîne autour de moi. Le non l’a finalement emporté.

Bien m’en a pris car quelques heures plus tard, un violent orage s’est abattu sur l’arc lémanique, avec tonnerre, éclairs et pluie diluvienne. Pour cette fois, j’étais bien content de pouvoir contempler le spectacle depuis ma fenêtre plutôt qu’en direct de Dieu sait quelle crête exposée.

Mais je me suis dit aussi que ça commençait à bien faire. J’ai passé la semaine dernière l’oeil rivé aux applications météo suisses et françaises que je consulte habituellement. Hélas, d’un côté comme de l’autre de la frontière, les devins du temps prédisaient la même chose: des orages, des orages, et encore des orages. Du coup, il a fallu se contenter de petites sorties de dix kilomètres par-ci, vingt kilomètres par là, faute de mieux météorologique.

En l’espace de dix jours, j’ai ainsi remis à plus tard une montée à la Dent de Jaman depuis Montreux, une autre au Grammont – un sommet que j’affectionne tout particulièrement -, sans oublier celle de la Tournette, au-dessus d’Annecy, que j’espérais faire hier. Je tiens les comptes parce que ce n’est vraisemblablement pas terminé. La semaine à venir s’annonce tout aussi instable. L’icône de l’éclair n’est pas près de quitter mon ciel numérique.

Cette immobilité forcée aura eu au moins un mérite: celui de me permettre de réviser mes fondamentaux sur le bon comportement à adopter en cas d’orage, en consultant plusieurs sites spécialisés, dont celui de Suisse Mobile. Je vous passe les conseils du genre “Ne vous aventurez pas en montagne si des orages sont annoncés”. Le pire survient parfois et il faut alors y faire face.

Je vous livre ici le résumé du résumé, en espérant que vous n’ayez jamais à passer de la théorie à la pratique (je me dis la même chose!). Imaginons donc que vous êtes surpris par un grain inattendu dans un endroit exposé, sans échappatoire possible. Jetez au loin vos bâtons de marche, de même que toute pièce d’équipement contenant des parties métalliques, comme une gourde. Puis asseyez-vous sur votre sac, si vous en avez un bien sûr, et tenez-vous accroupi ainsi, les bras entourant vos genoux serrés, de manière à ce que votre contact avec le sol soit réduit au minimum.

Il ne reste alors plus qu’à attendre que ça passe. Plus facile à dire qu’à faire, c’est sûr. Plutôt que de jouer à la roulette russe, le mieux est encore de ronger un peu son frein. Sur nos smartphones, l’icône soleil finira bien par revenir.