La campagne sur le vote du 13 février prochain concernant le “train de mesures en faveur des médias” tourne beaucoup autour d’un concept, celui d’indépendance des médias.
Selon les détracteurs de ces aides financières, l’adage selon lequel “qui paie commande” ferait courir un risque à l’impartialité médiatique, mettant ainsi à mal le fameux rôle de “quatrième pouvoir”. Un journal soutenu par les pouvoirs publics oserait-il encore critiquer ces derniers, et enquêter sur leur action ou… inaction ? Avec un brin de provocation, on pourrait se demander en suivant ce raisonnement si L’Aurore aurait publié le “J’accuse” d’Emile Zola si sa distribution postale avait été subventionnée par l’Élysée…
Je crois qu’on peut sans grande peine répondre par l’affirmative à cette question, et encore bien plus dans notre société actuelle, disposant de tant de gardes fous et d’outils pour garantir une certaine transparence. On peut imaginer qu’une quelconque pression de pouvoirs publics sur un média finirait bien vite par être publicisée, créant un scandale bien plus important que celui qui aurait voulu être évité… Et puis soyons un peu sérieux : il s’agit d’argent dont la distribution est inscrite dans des textes légaux. Il n’est pas distribué au bon vouloir de politicien-ne-s ou de hauts fonctionnaires, mais selon des critères stricts et vérifiables.
Ces aides servent surtout à soutenir la presse et les autres médias régionaux et locaux. Le “Journal de Cossonay” ou “la Gruyère” n’ont à priori pas pour vocation de révéler de nouveaux scandales du Watergate ou d’adopter un ton agressif et polémique vis-à-vis des autorités fédérales.
Ces subventions pourraient même amener à une plus grande indépendance journalistique, les médias souhaitant montrer que malgré les subventions, ils continuent à effectuer leur travail avec sérieux et impartialité. Prenons un exemple très concret, celui de l’hebdomadaire « Lausanne Cités », distribué chaque semaine en tous-ménages dans les boîtes aux lettres de la région lausannoise. Soutenu financièrement par la ville de Lausanne via la publication toutes les deux semaines d’un « journal communal » officiel dans ses pages, il n’en garde pas moins une ligne éditoriale plutôt critique vis-à-vis de la Municipalité et plus généralement des partis de gauche aux commandes dans la capitale vaudoise. J’ai à titre personnel même l’impression que dite ligne s’est renforcée et durcie depuis que ces soutiens ont été mis en place.
Enfin, on ne peut que rappeler que les revenus publicitaires provenant d’annonceurs privés sont un risque bien plus important pour la liberté et l’impartialité de la presse. Une marque automobile continuera-t-elle à acheter des encarts publicitaires si un journal traite abondamment d’un scandale en lien avec la sécurité de ses véhicules ? Un grand distributeur pourra-t-il menacer de retirer ses publicités sur les actions de la semaine si des articles parlent avec insistance de la manière dont il négocie les prix avec les agriculteurs ?
Le risque pour l’impartialité me semble bien plus grand dans ce cas de figure que dans une subvention aux envois de journaux par la poste.
Au vu de ce qui précède, je pense que train de mesures en faveur des médias n’est pas un risque pour leur indépendance, mais au contraire un atout, dont nous aurions tort de les priver.