Initiative “Pour des soins infirmiers forts” : une lueur d’espoir

Souvenez-vous : le 7 novembre 2017, après seulement 10 mois de récolte de signatures, l’Association suisse des infirmier-e-s (ASI) déposait à la Chancellerie fédérale l’initiative populaire “Pour des soins infirmiers forts”.

Récolter 120’000 signatures valables en moins d’une année relevait de l’exploit pour une association professionnelle à sa première expérience de ce type, et ce succès était le reflet d’une très forte mobilisation au sein de la profession, avec des milliers d’infirmières et infirmiers qui dans toute la Suisse avaient pris feuilles et stylos pour demander d’être mieux considérés.

En très résumé le texte de l’initiative demande à ce que la Confédération et les cantons reconnaissent à sa juste valeur l’importance des soins infirmiers, qu’ils veillent à former suffisamment d’infirmier-e-s, et à ce que les conditions de travail dans la branche soient convenables.

Alors qu’il y a un déficit annuel de plusieurs milliers de nouveaux diplômé-e-s en soins infirmiers dans notre pays par rapport aux besoins des milieux de la santé, et que près d’un-e personne sur deux détenant un diplôme en soins infirmiers ne pratique plus cette profession, ces revendications semblent tout à fait légitimes, et il paraît étonnant que les pouvoirs publics ne se soient pas saisis plus vite et de manière plus décidée de cette question.

Malgré cela, le Conseil fédéral avait annoncé en mars 2018 et en novembre de la même année qu’il rejetait cette initiative, arguant que les mesures nécessaires à améliorer les choses dans les soins infirmiers avaient déjà été prises, et  que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Ce positionnement scandaleux et détaché des réalités avait bien entendu suscité une indignation légitime dans les milieux concernés.

Fort heureusement, le Parlement n’a pas fait preuve de ce même aveuglément, et la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSS) du Conseil National a décidé de suivre une autre voie, celle du contre-projet indirect.

Celui-ci propose :

  • Au niveau de la formation :  de donner la compétence aux cantons de prescrire aux prestataires de soins (hôpitaux, EMS, soins à domicile etc.) le nombre de places de formation que ceux-ci doivent mettre à la disposition des étudiant-e-s en soins infirmiers. En contrepartie, la Confédération et les cantons devraient participer aux coûts non couverts des formations proposées par ces fournisseurs de prestations et améliorer les salaires versés aux étudiant-e-s pendant leurs stages.
  • Au niveau du rôle autonome infirmier : de donner la compétence aux infirmier-e-s de se passer de prescription médicale pour fournir des soins de base à la charge de l’assurance maladie obligatoire. Les titres professionnels seraient également mieux protégés.
  • Au niveau des conditions de travail dans les soins : pas grand chose, voire rien du tout. Les propositions allant dans ce sens au sein de la commission n’ont en effet pas trouvé de majorités, et c’est là tout le problème. Selon l’ASI, il ne sert en effet pas à grand chose de former davantage d’infirmières et d’infirmiers si ceux-ci quittent la profession après quelques années, épuisé-e-s par le manque de dotation, les horaires contraignants, le stress et les situations toujours plus complexes.

En résumé, ce contre-projet est un pas bienvenu dans le sens d’une meilleure prise en considération des soins infirmiers et de leur rôle indispensable dans notre système de soins. En ne proposant pas de mesures concrètes pour améliorer les conditions de travail dans les soins, il rate par contre une partie importante de la cible. C’est en effet avant tout la que le bat blesse, et les demandes légitimes du personnel infirmier, qui est passionné par sa profession mais souhaite pouvoir l’exercer dans des conditions convenables, doit être mieux entendu ! Il en va de la qualité des soins, et par là de notre sécurité à toutes et tous.

C’est le nouveau Parlement fédéral, qui sortira des urnes le 20 octobre prochain, qui sera chargé d’étudier ce contre-projet et de le modifier, valider ou au contraire refuser. Espérons qu’il se montre plus à l’écoute du monde infirmier !

Inscrire la protection du climat dans la Constitution cantonale vaudoise

Je publie ici un texte initialement prévu pour la rubrique “réflexions” d’un quotidien romand. Le ton y est donc un peu différent de ce que j’écris normalement. J’espère que les lectrices et lecteurs “habitué-e-s” ne s’en offusqueront point 😉 

 

Le climat, on en parle beaucoup, trop selon d’aucuns. C’est que l’urgence est là, et les phénomènes climatiques aussi extrêmes qu’inédits qui se succèdent accélèrent une prise de conscience bienvenue. Le débat politique s’est fort heureusement déplacé des querelles pour savoir si la planète se réchauffe ou non à celles sur les mesures à prendre pour enrayer ce phénomène. On cause, on cause, mais on agit peu, et il est malheureusement possible – voire probable – que nombre de consciences environnementales révélées en campagne électorale disparaissent une fois que les citoyens auront glissé leur bulletin dans l’urne.

Le temps n’est pourtant plus aux palabres ou aux vœux pieux, mais à l’action. Nous pouvons bien entendu modifier certains de nos comportements et les rendre plus respectueux de l’environnement, mais si cela est nécessaire, ce n’est pas suffisant, et c’est aussi aux pouvoirs publics d’agir.

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Loi sur la chasse : un référendum nécessaire

La première semaine de session des Chambres fédérales a permis aux parlementaires de débattre de nombreux sujets, dont certains ont été abondamment médiatisés, et d’autres un peu moins. Parmi cette deuxième catégorie, il y a la révision de la Loi sur la chasse, qui est l’objet depuis plus d’une année d’un ping-pong entre Conseil National et Conseil des Etats, sur fond de divergences sur divers points. Le National a pratiquement terminé jeudi 12 septembre son travail de révision, ne laissant qu’une petite divergence à traiter par la commission de conciliation des deux Chambres.

À l’heure où l’on parle de baisse alarmante de la biodiversité dans notre pays, avec un tiers des espèces menacées et un appauvrissement généralisé de la diversité génétique, cette révision sonne comme un camouflet pour l’environnement !

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Et pourquoi pas un Conseil Fédéral à 9 ?

La composition du Conseil Fédéral, établie par l’article 175 alinéa 1 de notre Constitution, n’a pas évolué depuis la création de la Confédération moderne, en 1848. Il était constitué de sept membres au milieu du XIXème siècle, et ce sont toujours en 2019 sept ministres qui siègent à l’exécutif de notre pays.

Le monde a cependant passablement changé en 171 ans, il s’est complexifié, et les évolutions sociétales ont amené de nouvelles tâches à la Confédération, qui en a par ailleurs hérité un certain nombre dévolues jadis aux cantons.

Je ne crois pas mentir en disant qu’être Conseiller-e Fédéral-e aujourd’hui n’a plus grand chose à voir avec l’exercice de la fonction il y a 150, 100 ou même 60 ans.

Ce n’est donc pas pour rien si la  proposition de passer le nombre de nos ministres à neuf fait périodiquement parler d’elle. Dernière tentative en date, celle de la Commission des institutions politiques du Conseil National, dont la proposition avait été refusée à une courte majorité en 2016. à l’époque, les arguments mis en avant étaient avant tout ceux de la charge de travail et de la représentation des régions linguistiques. La Suisse italophone n’était en effet plus représentée au gouvernement depuis le départ de Flavio Cotti en 1998.

Pour ce qui est de “l’italianità”, les choses sont temporairement réglées depuis le 1er novembre 2017, avec l’élection du tessinois Ignazio Cassis. Reste la question centrale de la charge de travail, et de la possibilité de mener des politiques cohérentes et ambitieuses lorsqu’on est simultanément en charge par exemple du sport et de la défense, ou de la santé, de la sécurité sociale et de la culture.

À cela s’ajoute un autre argument qui a été moins mis en avant jusqu’à aujourd’hui, celui de la représentation équitable des forces politiques présentes au Parlement.

L’histoire de la composition politique du Conseil Fédéral est celle d’une lente ouverture. Composé de sept radicaux en 1848, il s’est ouvert pour la première fois à un élu catholique conservateur en 1892, rejoint par un second membre de cette formation politique en 1920. En 1930 c’est un agrarien qui fait son entrée au gouvernement, suivi en 1944 par un premier socialiste. Le PS verra sa représentation au Conseil Fédéral doublée en 1960, date de début de la fameuse “formule magique” (2 PLR, 2 PDC, 2 Socialistes et 1 UDC), que l’élection de Christophe Blocher au détriment de Ruth Metzler en 2003 viendra chambouler.

Cette ouverture progressive correspond à des réformes et événements politiques majeurs ( démission d’un Conseiller Fédéral radical en 1891 après un échec devant le peuple de la nationalisation des lignes de chemin de fer, introduction du système d’élection proportionnel en 1919 etc.) mais aussi à l’évolution du panorama politique suisse.

Si les radicaux étaient majoritaires aux Chambres au lendemain de la guerre du Sonderbund, leur force électorale s’est peu à peu érodée. Ainsi, l’élection d’un socialiste en 1944 correspond par exemple au résultat spectaculaire du PS aux élections fédérales de 1943, qui devient le premier parti du pays avec près de 30% des voix.

Aujourd’hui, le panorama politique suisse est plus fragmenté que par le passé. On retrouve une droite conservatrice, une droite libérale, un centre chrétien conservateur, un centre libéral-écologiste, une gauche social-démocrate et une gauche écologiste, plus des petites formations régionales ou “thématiques” représentées par un ou deux élu-e-s sous la coupole.

Les sondages électoraux prédisent une évolution supplémentaire de cette situation, avec un probable renforcement des deux formations écologistes le 20 octobre prochain.

On se retrouvera donc vraisemblablement avec 5 partis politiques représentant au moins 10% de l’électorat. Dans ces conditions, une représentation de la sensibilité écologiste d’une partie de l’électorat ( 16% des intentions de votes entre Verts et Vert’Libéraux) semble légitime. Elle est pourtant peu probable au vu des équilibres et forces en présence.

Une meilleure représentativité des sensibilités politiques est donc un argument supplémentaire – non déterminant mais qui amène un poids supplémentaire dans la balance – pour entamer lors de la prochaine législature une nouvelle réflexion sur nos institutions et sur une composition du Conseil Fédéral en phase avec les enjeux du XXIème siècle.

écolos et paysans, une alliance de raison ?

Les défenseurs de l’environnement, ou “écolos” comme on les appelle souvent, n’ont pas forcément la cote au sein du monde agricole. Souvent considérés comme des casse-pieds, on les accuse de ne pas vraiment connaître la nature qu’ils veulent défendre, eux qui seraient tous des citadins. Cela vaut aussi dans le domaine politique, où ce sont plutôt les partis conservateurs qui sont vus comme défendant au mieux les intérêts de la paysannerie. Le slogan “La nature est une chose bien trop importante pour la confier à des écolos“, inscrit sur un visuel partagé sur les réseaux sociaux par un agriculteur et candidat UDC au Conseil National est à ce propos symptomatique d’un discours diffus et entretenu par force clichés.

Pourtant, à y regarder de plus près, écolos et paysans ont des intérêts en bonne partie convergents, et les partis écologistes défendent des positions tout à fait favorables au monde agricole.

La volonté de privilégier en matière alimentaire le local et la qualité plutôt que la quantité sont ainsi au centre des préoccupations des Verts, qui se battent depuis toujours pour la consommation la plus écologique qui soit, celle d’aliments produits dans la région dans des conditions optimales pour les producteurs comme pour les consommateurs. Ils s’opposent par ailleurs à la concurrence déloyale que représentent des denrées importées et produites selon des standards moins regardants que ceux en vigueur en Suisse. L’initiative “Pour des aliments équitables” sur laquelle la population suisse a voté en 2018 en est un exemple parlant, et il est intéressant de relever qu’elle avait été soutenue par Prometerre, l’association défendant les intérêts des métiers de la terre dans le canton de Vaud. Même topo quant au principe du “Cassis de Dijon“, contre lequel les Verts furent plutôt seuls à se battre en 2009. Au niveau local, les élu-e-s des Verts sont par ailleurs à l’origine de nombreuses initiatives pour privilégier l’utilisation de produits locaux dans les cantines gérées par les pouvoirs publics.

L’opposition à certains accords de libre échange et leurs répercussions potentiellement désastreuses pour l’agriculture suisse sont aussi au cœur de l’action des Verts. Importer de l’huile de palme d’Indonésie ou du soja du Brésil est un non-sens écologique complet, qui risque de  sacrifier notre production agricole sur l’autel d’intérêts économiques plus puissants.

Plus généralement, c’est le rôle social, économique et environnemental majeur d’une agriculture familiale et paysanne qui tient à cœur aux Verts. L’industrialisation vécue par ce secteur dans d’autres pays, avec des domaines toujours plus grands, mécanisés et déshumanisés s’est trop souvent faite au détriment de la qualité de vie des exploitants, de la nature et du tissu social des zones rurales, sans pour autant réussir à maintenir la compétitivité face aux produits importés de l’autre bout du monde. Un prix équitable pour les matières premières agricoles, lait, betteraves sucrières ou céréales, est ainsi indispensable si on veut freiner l’hémorragie qui voit le nombre d’exploitations agricoles fondre année après année en Suisse.

Bien sûr, il y a aussi des points de désaccord entre monde agricole et protecteurs de l’environnement, mais on se focalise bien trop souvent sur ceux-ci, éludant un panorama bien plus large de convergences avérées ou possibles.

Plutôt que se regarder en chiens de faïence, au prisme de  stéréotypes trompeurs, paysans et écolos feraient bien de se parler et s’écouter davantage, car ce qui les unit semble bien plus fort que ce qui les divise.

 

Amazonie : l’action plutôt que la prière !

L’un des poumons de la planète brûle, et on nous demande de prier.

L’hashtag « #prayforAmazonia » est devenu viral sur les réseaux sociaux depuis quelques jours, symbolisant le sentiment de désespoir et d’impuissance de nombreuses personnes face à une catastrophe environnementale face à laquelle on a vite fait de se sentir démunis.

Lorsqu’on a recours à la prière, c’est en effet généralement que les moyens d’action concrets sont épuisés ou inexistants, et que seule une puissance supérieure nous semble pouvoir changer le cours des événements.

Sommes-nous vraiment si démunis face à cet énorme brasier qui menace la survie à long terme de la plus grande forêt pluviale du monde ?

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Carnet de campagne épisode 3 : omniscience

Une campagne électorale ce sont des apéros, des distributions de tracts à des pendulaires pressés, des sourires à la vague connaissance qu’on évite généralement sur le quai de la gare et des… questionnaires.

De très nombreux groupes d’intérêt profitent en effet de la période précédant les élections pour demander aux candidat-e-s quelle est leur position sur des sujets de société aussi divers que variés, afin de choisir celles et ceux qui les représenteront au mieux sous la coupole fédérale.

Depuis juillet, j’ai ainsi répondu à une grosse dizaine de questionnaires en ligne, allant de la bientraitance animale à la politique de la santé, en passant par le soutien aux musicien-ne-s, les OGM ou la liberté sur internet.

Il s’agit d’un exercice d’introspection intéressant, qui pousse chaque candidat-e à s’interroger sur sa position quant à tel ou tel sujet dont il n’est pas spécialiste. Il confronte surtout celui ou celle qui se présente aux élections à la complexité du travail de parlementaire, qui a plus souvent trait à des questions de virgules dans un texte de loi traitant de l’épandage des boues d’épuration qu’ à la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.

Car oui, dans un Monde toujours plus complexe et réglementé, on légifère abondamment, et il suffit de jeter un oeil à un ordre du jour d’une session des Chambres Fédérales pour se rendre compte que des questions telles que la ” souveraineté sur les données à caractère personnel dans les solutions d’administration en ligne” ou du “financement moniste des prestations de soins” sont le pain quotidien des parlementaires.

Il est donc tout à fait légitime que chaque groupe d’intérêt questionne les potentiel-le-s futur-e-s élu-e-s sur des sujets très spécifiques. L’exercice a cependant ses limites :

Il part tout d’abord de l’idée que chaque élu-e sera confronté-e à chaque sujet. Or c’est dans les commissions parlementaires que se façonnent la plupart des fois les compromis, solutions et positionnements. L’avis de quelqu’un siégeant dans la commission des transports quant aux importations parallèles de médicaments n’est ainsi bien entendu pas inintéressant, mais il ne vaut pas d’un point de vue strictement utilitariste celui d’un de ses collègues siégeant à la commission de la sécurité sociale et de la santé publique.

De plus, il ne faut pas oublier que la liberté des parlementaires est parfois relative lorsqu’il est question de votes. Si la figure du “whip” anglo-saxon, popularisée par Franck Underwood dans “House of Cards” n’existe fort heureusement pas de ce côté de l’Atlantique, il n’en reste pas moins qu’une certaine discipline de parti est de mise dans bien des groupes politiques. Surtout, les avis évoluent au fil des discussions et préparations de séance. Ce n’est pas parce qu’on a coché la case indiquant que l’on soutient l’introduction de cours de yoga en romanche pour les fonctionnaires fédéraux que l’on fera de ce sujet le combat d’une vie, allant à l’encontre de notre parti et des nombreux arguments auxquels on n’avait pas pensé au moment de remplir le questionnaire.

Au delà de ces limites, ces questionnaires permettent de différencier les candidat-e-s, mais aussi et surtout de pointer du doigt certaines grandes tendances. Ils montrent aussi qu’entre les discours et les décisions concrètes, il y a parfois des écarts certains. Les récentes conversions à l’écologie de certains partis ne se manifestent ainsi par exemple pas encore dans les positionnements de leurs candidat-e-s…

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces questionnaires, mais je vous laisse, car j’en ai encore 4 à compléter…

 

Des importations de voitures à l’envers du bon sens

Le chiffre est tombé impitoyable début juillet : pour la 3ème année consécutive l’objectif de limitation des émissions de CO2 des véhicules neufs n’a pas été atteint en 2018. Pire encre, les émissions moyennes de ces véhicules ont augmenté par rapport à l’année précédente. Cela signifie qu’alors que le réchauffement climatique est sur toutes les lèvres, et que d’aucuns nous disent qu’ “on en fait déjà bien assez”, les voitures que nous conduisons sont toujours plus polluantes.

En 2011, alors que l’initiative des Jeunes Vert-e-s “Pour des véhicules plus respectueux des personnes” avait obtenu un franc succès dans la phase de récolte de signatures, les Chambres fédérales avaient proposé ce système de limitation des émissions de CO2 pour les nouveaux véhicules comme contre-projet indirect. L’idée était simple et à prime abord séduisante : plutôt que d’interdire les véhicules trop polluants comme le proposait l’initiative, il était plus judicieux de passer par des mesures moins contraignantes, en fixant des objectifs d’émissions moyennes pour les nouveaux véhicules immatriculés, et en amendant les importateurs en cas de non respect des valeurs fixées.

Résultat des courses 8 ans après ce deal qui avait vu le retrait de l’initiative : Les nouveaux véhicules immatriculés l’année dernière ont émis en moyenne 138 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, soit 8 grammes de plus que les objectifs pourtant tout sauf ambitieux fixés pour 2015. Surtout, nous sommes très très loin des 95 grammes par kilomètre prévus pour 2020.

La main invisible du marché a une fois encore montré un certain engourdissement, et c’est notre environnement qui en fait les frais.

On parle d’un peu plus de 19 milliards de francs d’importations de véhicules en 2018 dans notre pays, et même si on soustrait à cette somme les montants relatifs aux camions, tracteurs et machines de chantier, on reste tout de même dans des ordres de grandeur qui rend les montants des amendes pour non respect des objectifs carbone tout à fait dérisoires.

À l’heure ou certains pays comme la Norvège, les Pays Bas ou même l’Inde parlent d’interdire l’immatriculation de véhicules roulant avec un moteur à essence d’ici 2025 ou 2030, la Suisse reste donc dangereusement à la traine en matière de mobilité durable.

Pour faire bouger les choses dans le bon sens, il semble  nécessaire de fortement augmenter les montants des amendes pour les importateurs, mais aussi d’augmenter les incitatifs financiers en faveur des voitures les moins polluantes. Il faut surtout mener un transfert modal qui permette à toujours plus de monde de se passer de la voiture pour ses déplacements, soient-ils professionnels ou de loisirs. Le Parlement qui sortira des urnes le 20 octobre prochain aura cette tâche parmi tant d’autres en matière environnementale.

Et s’il ne souhaite pas s’en saisir, espérons que les Jeunes Vert-e-s relancent une initiative pour des véhicules respectueux de l’environnement et des humains, sans se faire avoir à la fin par des contre-projets par trop timorés.

Épuisement des ressources: un changement de paradigme nécessaire

Vous l’avez sans doute lu ou entendu tant les médias en ont parlé aujourd’hui : le 29 juillet 2019, 210ème jour de l’année, l’humanité a fini de consommer ce que la planète Terre peut générer annuellement en matière de ressources naturelles.

En d’autres termes, nous consommons un bon 40% de trop par rapport à ce qui permettrait aux générations futures de vivre paisiblement, avec une qualité de vie comparable à la nôtre.

Ce constat alarmant fait, il est temps de mettre en œuvre des solutions pour inverser cette tendance qui nous conduit droit dans le mur.

Car cette journée marquant la bascule vers l’endettement vis à vis des générations futures n’a eu cesse d’avancer dans le calendrier ces dernières années ( 23 décembre en 1970, 4 octobre en 2000 et 13 août il y a 4 ans, en 2015) , montrant que loin de s’améliorer via les maigres mesures annoncées de-ci de-là, l’état de la Planète s’aggrave inexorablement.

Le plus troublant est par ailleurs de constater la schizophrénie de bon nombre de nos dirigeant-e-s, qui fustigent d’une part l’endettement des Etats, mettant en place des mécanismes de frein et des politiques d’austérité, tout en ignorant d’autre part l’ardoise toujours plus importante que nous avons vis à vis de l’environnement.

Si au lieu de parler de milieux naturels, de terres agricoles ou encore d’eau ou de biodiversité, il était question de finances, l’ensemble des grandes puissances économiques mondiales, épaulées par le FMI et  la Banque Mondiale se seraient très probablement penchées sérieusement sur le cas.

L’économie ne pourra pourtant pas continuer à tourner à plein régime quand les océans auront été vidés de leurs poissons et remplis de plastique, les forêts transformées en d’arides étendues incultivables et les bonnes terres agricoles épuisées par une utilisation trop intensive.

Hors toute question idéologique, et même si l’on s’en fiche complètement de la biodiversité ou des espaces naturels et que l’on méprise joyeusement les écolos de tout bord, il est rationnel d’agir rapidement et fortement pour éviter le pire.

Car les solutions existent, et ne demandent qu’un peu de volontarisme politique pour être mises à exécution.

Première d’entre elles, et sans doute la plus urgente et salutaire : sortir du dogme de la croissance à n’importe quel prix, qui veut que seule l’augmentation du PIB puisse améliorer la qualité de vie d’une population.  Cette volonté de produire, de consommer, de gaspiller toujours davantage fait qu’aujourd’hui nous vivons à crédit, et que l’addition sera très très salée pour celles et ceux à qui nous léguerons notre dette.

Cela ne signifie pas revenir à la charrue, aux feux de bois et aux voiliers. Il s’agit juste d’ouvrir les yeux sur les limites d’un système.

Plutôt que des publications trimestrielles de résultats, où une augmentation du profit plus faible qu’escompté peut faire paniquer les marchés, il faut des stratégies à long terme, où le profit à court terme est très clairement subordonné à la durabilité.

Les Verts suisses avaient entamé de manière brillante la réflexion avec l’initiative « pour une économie verte », qui visait à ramener notre empreinte écologique à ce que nous pouvons durablement consommer.  Après une campagne très dure des milieux économiques, elle a été malheureusement rejetée par la population.

Le moment semble venu de reprendre les principes de ce texte et de relancer rapidement le débat politique, afin de faire notre part pour que dans quelques années le “jour du dépassement” ne soit plus qu’un concept relégué aux livres d’histoire.

 

Il est temps de sortir de notre dépendance au plastique

Qui n’a jamais eu un léger sentiment de devoir accompli en déposant une bouteille en PET dans une poubelle prévue à cet effet ? On se dit que ce geste effectué, notre conscience environnementale est sauve, et que l’on peut continuer à consommer sans se soucier toute boisson recluse dans ce type de contenant.

Le recyclage du plastique semble en effet quelque chose de bien installé et géré dans la plupart des pays européens, et ce qui n’est pas recyclé chez nous est à priori incinéré, accomplissant ainsi une seconde mission en produisant de l’énergie.

Une plus triste réalité est cependant en train de nous rattraper aussi rapidement que sûrement. Ce printemps, la découverte d’immenses décharges à ciel ouvert dans les Pays du Sud Est asiatique, regorgeant de déchets plastiques provenant d’Europe occidentale, avait fait scandale. Plus récemment, c’est l’annonce d’une teneur en plastique dans le Lac Léman comparable à celle d’une Mer Méditerranée pourtant peu connue pour la propreté de ses eaux qui a suscité l’émoi.

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