Centres de soins pour la faune sauvage : un travail de l’ombre inestimable

Il nous est à toutes et tous arrivé au moins une fois de voir un hérisson mal-en-point se balader l’air perdu dans un jardin en pleine journée, ou un oisillon tombé du nid piailler épeuré au pied d’un arbre. Il n’est pas toujours aisé de savoir comment réagir dans ces cas de figure… Si pour un animal domestique le réflexe serait clair et immédiat : filer chez le vétérinaire, pour la faune sauvage la question est à prime abord plus complexe.

Ces animaux ont leurs particularités, et tous les vétérinaires n’ont par ailleurs pas toujours les compétences requises pour les soigner au mieux. S’ajoute à cela qu’on a parfois tendance à penser qu’au fond “c’est la nature”, et à être moins empathiques vis à vis d’un blaireau ou d’un merle que d’un chinchilla ou d’un beagle.

Fort heureusement, notre territoire est parsemé de centre de soins pour la faune sauvage, gérés par des bénévoles, et qui font un travail incroyable en faveur des animaux blessés. Parmi les plus connus, on peut citer la Vaux-Lierre à Etoy, Le station de soins “Rita Roux”  de Fribourg, ou encore  Erminea à Chavornay, qui a fait parler de lui dans les médias cet automne, à cause des graves problèmes financiers auxquels il était confronté.

La plupart de ces centres ne peuvent en effet compter financièrement que sur la générosité de donatrices et donateurs privés, les pouvoirs publics n’intervenant – en tout cas dans le canton de Vaud – que de manière anecdotique, pour ne pas dire scandaleuse. Ce sont ainsi 20’000 francs sur un budget d’un peu plus de 10 milliards de francs qui sont alloués par l’Etat de Vaud au soutien des centres de soins pour la faune sauvage, une somme qui doit être répartie entre les quatre principales institutions. Quand on sait qu’elles ont besoin chacune de plusieurs centaines de milliers de francs par année pour pouvoir prodiguer des soins aux milliers d’animaux qui leur sont amenés, on ne peut que regretter le manque de générosité des pouvoirs publics.

Un soutien renforcé semble d’autant plus logique que le travail de ces bénévoles est complémentaire à celui effectué par l’État en matière de renaturations et de création de biotopes favorables à l’épanouissement de certaines espèces. À quoi bon par exemple soutenir des mesures visant à développer l’habitat de petits mustélidés tels que les hermines et les belettes si on ne fait ensuite rien pour venir en aide à ces trop nombreux petits mammifères victimes de toutes sortes d’accidents ?

Ce n’est un secret pour personne : les activités humaines ont un impact fort négatif sur la faune sauvage, et c’est un nombre incalculable d’animaux qui paie chaque année un lourd tribut écrasé au bord de nos routes, noyé dans nos piscines, empoisonné par nos produits phytosanitaires ou encore scalpé par nos tondeuses à gazon automatiques. Il est donc juste que l’on consacre des moyens à essayer de réparer les dégâts que nous causons, même s’il serait encore plus judicieux de remédier en amont au problème, en évitant certains comportements nocifs.

Que des personnes passionnées  mettent toute leur énergie et leur temps à disposition pour soigner au mieux les animaux sauvages, c’est quelque chose de merveilleux, mais que ces mêmes personnes doivent sans cesse se battre pour trouver de quoi subvenir aux besoins de leurs centres n’est en aucun cas acceptable au vu de la mission en faveur du bien commun qu’elles exercent !

Espérons donc que les autorités cantonales sauront se montrer plus généreuses à l’avenir avec les centres de soins pour les animaux sauvages, et que ces derniers pourront continuer à venir en aide encore longtemps à une nature qui en a grandement besoin !

D’ici là, ils devront continuer à compter sur notre générosité, alors… à vot’ bon coeur M’sieurs Dames !

“Don’t look up”, satire mordante de notre dissonance cognitive climatique

Et si une météorite de plusieurs kilomètres de diamètre menaçait d’entrer en collision avec la Terre, détruisant toutes forme de vie sur notre planète ? Quelles seraient les réactions des gouvernements, des scientifiques, des grands groupes industriels et financiers ou encore de l’opinion publique ? C’est la question que se pose – avec beaucoup d’ironie – “Don’t look up“, film tout récemment sorti dans les salles obscures et sur la plateforme Netflix.

(suite…)

Lire la suite

“À découper suivant les pointillés” : série chef d’oeuvre d’humanité

Si l’Italie a notamment brillé dans les années 1960 et 1970 pour ses “western spaghetti”, ses réalisations cinématographiques et télévisuelles se sont faire un peu plus discrètes ces dernières années, à l’exception notable de quelques pépites comme “La vie est belle” ou “La grande bellezza”. Je vous mets d’ailleurs au défi de citer une série télévisée italienne récente, à part bien sûr la célèbre “Gomorra”, qui a fait connaître au monde entier via Netflix la pègre napolitaine et ses agissements.

Mais ça, c’était avant… avant que Netflix ne mette en ligne un petit chef d’oeuvre d’humour, de tendresse et de profondeur existentielle : “À découper suivant les pointillés” , dessin animé réalisé par Zerocalcare, nom d’artiste de  Michele Rech, romain de 37 ans qui s’est au fil des années forgé la réputation de meilleur dessinateur italien de BD.

Dans cette brève série de 6 épisodes d’une vingtaine de minutes chacun, on suit les aventures de l’avatar du dessinateur et de ses amis dans un voyage qui les mène de Rome jusqu’au Nord de l’Italie pour quelque chose dont ils se seraient volontiers passés ( difficile d’en dire davantage sans en dire trop).

Le voyage est entrecoupé de “capsules” racontant des événements à priori anodins, mais qui amènent à chaque fois une profonde réflexion philosophique sur le sens de nos existences, et finissent par s’assembler comme autant de pièces d’un puzzle créant un tableau assez époustouflant.

Impact de nos actions et comportements sur autrui, existence ou non d’un destin immuable, manières d’appréhender les événements prévus ou imprévus qui se présentent à nous… Difficile de ne pas sortir un brin bouleversés de ce tourbillon de réflexions toujours émaillées d’un humour mordant et de dizaines de références plus ou moins savantes ou “geek” qui vous feront sourire à tous les coups.

Avec ses personnages, c’est aussi le portrait d’une génération, celle des (plus si…) jeunes nés dans les années 1980, que brosse Zerocalcare. Une génération avec ses espoirs, ses désillusions et son mode de fonctionnement si particulier, qui la rend à la fois attachante et insupportable ( je le dis d’autant plus volontiers que j’en fais partie).

Bref, si vous avez envie de passer une ou deux soirées à rire, vous émouvoir et réfléchir au sens profond de la vie, c’est sur Netflix avec “À découper suivant les pointillés” que ça se passe !

Initiative “Soins infirmiers forts” : verdict le 28 novembre

Les urnes à peine closes après le scrutin de ce dimanche 26 septembre, de nouvelles votations fédérales pointent déjà à l’horizon : celles du 28 novembre, dans à peine plus de deux mois.

Parmi les sujets soumis au vote populaire, l’initiative “Pour des soins infirmiers forts” risque de catalyser une part non négligeable de l’attention médiatique.

Le thème est en effet on ne peut plus d’actualité, alors que l’on semble enfin sortir péniblement d’une année et demi de crise sanitaire.

En première ligne pour faire face aux vagues successives de COVID qui ont rempli les services de soins intensifs de nos hôpitaux, risquant de mettre à mal le fonctionnement de notre système de santé, les infirmières et infirmiers réclament aujourd’hui de meilleures conditions de travail.

Horaires irréguliers, difficultés à concilier vie professionnelle et familiale, soins toujours plus complexes et effectifs qui ne permettent pas une répartition équitable du travail sont autant de facteurs qui poussent un nombre croissant d’infirmières et d’infirmiers à quitter prématurément la profession.

Comme l’indique dans la langue de Goethe le tableau ci-dessus, près de la moitié des détenteurs d’un diplôme en soins infirmiers  (46 %) quitte sa profession au cours de sa vie active. Un tiers de ces personnes a même moins de 35 ans. Chaque année, ce sont en moyenne plus de 2000 infirmières et infirmiers qui renoncent à l’exercice des soins.

Si on ajoute à cela de sévères lacunes en matière de formation en soins infirmiers, avec des milliers d’étudiant-e-s qui manquent chaque année à l’appel, on a un système de santé qui risque d’aller droit dans le mur si rien n’est fait pour inverser la tendance.

Le vieillissement de la population, la volonté de maintenir à domicile autant que faire se peut les personnes indigentes tout comme une complexification des soins vont en effet nécessiter ces prochaines années un nombre toujours plus important de soignant-e-s.

Améliorer les conditions de travail et renforcer l’attrait de la formation en soins infirmiers, voilà ce dont a besoin notre système sanitaire s’il veut répondre aux défis qui l’attendent et continuer à prodiguer des soins d’excellente qualité. Or c’est précisément ce que propose l’initiative “Pour des soins infirmiers forts”.

Son acceptation le 28 novembre prochain serait donc un pas bienvenu vers le maintien de soins de qualité pour l’ensemble de la population de notre pays.

Loi sur le CO2 : qui défend qui ?

Le 13 juin prochain nous sommes appelé-e-s à voter sur le référendum lancé par le lobby du pétrole et l’UDC sur la loi sur le CO2. La campagne fait rage, et parmi les opposant-e-s à cette loi, on fait feu de tout bois ( ou devrais-je dire mazout) pour essayer de montrer que celle-ci est nuisible pour les locataires et celles et ceux qui vivent dans les régions périphériques.

La droite conservatrice et climatosceptique qui défend les locataires ? Cela a pour le moins de quoi surprendre, notamment quand on sait que l’UDC s’oppose depuis toujours à toute proposition cantonale ou fédérale allant dans le sens d’une meilleure défense des locataires. Parmi les derniers exemples en date on peut citer le refus sec de l’initiative de l’ASLOCA “pour davantage de logements abordables”, ou encore la farouche opposition de la section vaudoise du parti  agrarien à la Loi sur la préservation et promotion du parc locatif (LPPPL), dont l’objectif était de mettre sur le marché davantage de logements à loyers abordables.  À noter par ailleurs que dans le comité du référendum contre la loi CO2 figure également l’association suisse des propriétaires immobiliers. Bref, pas vraiment les plus grands avocats de la cause des locataires…

Qu’en pensent au contraire celles et ceux qui ont pour vocation de les défendre ? Et bien, pour reprendre les mots exacts de l’ASLOCA, association suisse de défense des locataires, que ” (…)  la nouvelle loi qui veut renforcer la protection du climat en Suisse, ne devrait avoir que des effets marginaux sur [ces derniers]”.

Même topo pour ce qui est des régions périphériques. On aurait aimé entendre ce cri d’amour pour celles et ceux qui y habitent au moment où il était question de défendre les initiatives “services postaux pour tous” ou  “pour le service public”, qui auraient notamment permis de maintenir certains services de base dans les régions de montagne ou rurales, là où ils sont moins rentables.

De là à penser que cet amour soudain pour les petites gens est une basse manœuvre électorale il y a un pas que je franchis volontiers, tant le procédé est discutable et détestable. Ne nous laissons pas avoir : l’UDC et le lobby du pétrole s’en fichent éperdument tant des loyers que du chauffage ou des moyens de locomotion des montagnards. Ils instrumentalisent ces catégories de la population pour faire passer leur message d’opposition à tout type de progrès en matière d’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique, afin de servir les intérêts très particuliers de ceux qui s’enrichissent en perpétrant ce réchauffement.

La vérité est que les classes populaires sont celles qui souffriront davantage des effets du réchauffement climatique. Les désagréments d’une canicule ne sont pas les mêmes dans une villa avec piscine à Herrliberg que dans un petit appartement de la cité des Avanchets. Quant aux populations des zones alpines, elles seront aussi les premières impactées, et elles ont donc tout à gagner d’une lutte accrue contre le réchauffement climatique, comme le montre une brillante analyse de l'”initiative des Alpes”, qu’on ne saurait accuser de défendre les lubies de quelques bobos citadins.

Bref, pour toutes sortes de raisons il semble préférable de faire confiance le 13 juin à celles et ceux qui défendent réellement les locataires, les Alpes et l’environnement, plutôt qu’à ceux qui essaient de les instrumentaliser pour continuer à nous mener dans une course qui nous mène à vitesse croissante contre un mur.

 

 

 

 

Une initiative pour sauver le Mormont ?

Notre système politique a cela d’exceptionnel qu’il permet à la population de se prononcer sur toute une série de questions de société, des plus fondamentales jusqu’à certaines pouvant être jugées triviales, comme les cornes des vaches. Dans le canton de Vaud le droit d’initiative populaire a été utilisé à plusieurs reprises dans le passé pour tenter – avec plus ou moins de succès – de protéger des zones au patrimoine naturel ou paysager méritant selon d’aucuns d’être sauvegardé. Le moment semble venu de porter le débat qui occupe depuis quelques mois l’opinion publique quant à l’avenir du Mormont, colline du Pied-du-Jura aux valeurs naturelle, archéologique et paysagère indéniables, dans l’arène de la démocratie directe.

Souvenez-vous, en 1977 un bâlois au tempérament pour le moins fougueux arrivait à convaincre une majorité des vaudois-es d’inscrire dans leur Constitution cantonale la protection de Lavaux. Le résultat de cette première “initiative Weber” sera ensuite confirmé en 2005 par plus de 81% de votes positifs. En 2014 la population refusera par contre une 3ème initiative, lui préférant le contre-projet du Conseil d’Etat.

En 1988 une alliance de partis et associations de protection de l’environnement déposait avec plus de 21’000 signatures valables une initiative pour “Sauver la Venoge”, jugeant que la rivière chère à Gilles subissait par trop les affres d’activités humaines qui en réduisaient le caractère bucolique. Le 10 juin 1990, ce sont 57% des vaudois-es qui leur donnent raison.

En 2004, l’initiative “Sauver le Pied-du-Jura”, qui visait à empêcher l’implantation de carrières dans certaines communes de l’ancien district de Cossonay, n’arriva quant à elle pas à convaincre la population.

Vous l’aurez compris, la protection de l’environnement et de sites emblématiques s’invite régulièrement dans les votations cantonales, et c’est à mon avis tant mieux !

Quoi de plus sain en effet que de débattre collectivement d’une question, et de permettre à l’ensemble du corps électoral, après avoir entendu les arguments des un-e-s et des autres, de trancher ?

L’avenir de ce qu’il reste de la colline du Mormont, creusée depuis 1953 pour fabriquer du ciment, a fait couler beaucoup d’encre et de salive ces dernières années, et tout particulièrement depuis que la première “Zone à Défendre” (ZAD) de Suisse s’y soit installée l’automne dernier. Ces jeunes activistes ont réussi à remettre sous les feux de la rampe la question de la protection de ce site, et plus généralement de la dépendance de nos sociétés au ciment, dont nous consommons annuellement des millions de tonnes, générant au passage près de 10% du total de nos émissions de CO2.

Une initiative “Sauver le Mormont”, demandant d’une part l’arrêt de l’exploitation de cette colline en tant que gravière, et d’autre part aux pouvoirs publics de mettre en œuvre des politiques visant à réduire notre consommation de ciment, semble être la suite logique de cet engagement. Elle aurait le mérite de laisser à l’ensemble de la population le soin de trancher sur cette question, donnant une indication claire au politique quant à la voie qu’elle souhaite suivre.

Emplois, modèle de développement économique, alternatives au ciment ou encore cohabitation entre nature et activités humaines. Les questions sous-jacentes sont nombreuses, et promettent des débats aussi passionnants que nécessaires. C’est dans ce but qu’une coalition de partis et associations de protection de l’environnement est en train de se créer, et qu’il se pourrait bien qu’une récolte de signatures soit lancée ces prochains mois.

Quel modèle pour le commerce international ?

Il y a quelques jours, la presse titrait sur le calvaire vécu par plus de 2000 bovins, embarqués en Espagne fin décembre, et errant depuis dans deux cargos en Méditerranée, dans des conditions épouvantables.  Elevés en Andalousie, ils étaient destinés à être vendus vivants en Turquie, à près de 4000 kilomètres de leur lieu de naissance. Les exemples de ce type sont malheureusement légion, et on pourrait remplacer les bovins espagnols par les ovins australiens exportés par centaines de milliers chaque année dans des conditions tout aussi atroces vers les pays du Golfe, ou par les poulets et cochons qui traversent l’Europe d’un bout à l’autre en camion.  Deux milliards d’animaux d’élevage sont transportés d’un pays à un autre chaque année dans le monde.

C’est probablement une des illustrations les plus parlantes de l’absurdité du commerce mondial tel qu’il s’est construit ces dernières décennies.

Au delà de la question centrale de la maltraitance infligée à des êtres vivants, le fait même de transporter ce qui est considéré comme une marchandise sur des milliers de kilomètres afin d’économiser quelques centimes a quelque chose de choquant.

La théorie libérale a toujours essayé de présenter le commerce international comme quelque chose de foncièrement positif, venant à bout des guerres et des conflits sous le signe d’un profit partagé. Il est  difficile de contester que les échanges entre Nations ont pu améliorer le mode de vie de nombreuses populations, et importer de l’étranger des produits et matières premières qu’on ne trouve pas chez soi à quelque chose de logique. Poussé à l’extrême ce modèle tend cependant à nous mener à pas de géants vers la catastrophe sociale et écologique.

L’ONG “Initiative des Alpes”, qui se bat depuis fort longtemps contre la pollution et le trafic dans les régions alpines, décerne chaque année une “Pierre du diable” à un produit ayant été transporté de manière particulièrement absurde et inutile. Parmi les candidats à l’obtention de ce “prix de la honte” pour 2020 figuraient des cornichons importés du Vietnam par bateau, des graines de grenade transportées en bateau du Pérou jusqu’en Égypte avant d’être vendues en Suisse, ou encore de l’eau minérale importée du Canada…

Un quart des émissions de CO2 au niveau mondial sont liées aux transports. Parmi celles-ci, 40% sont imputables  au fret de marchandises, et n’ont cesse d’augmenter.

Au vu de tout cela, doit-on vraiment continuer à avancer au pas de charge vers un modèle de libre-échange décomplexé, qui voit des camions remplis d’eau d’Evian et de San Pellegrino se croiser dans le tunnel du Mont Blanc et des pommes de Nouvelle Zélande arriver sur nos étals alors que les producteurs suisses peinent à obtenir un prix acceptable pour leur récolte ?

Doit-on se réjouir de créer un débouché pour nos produits laitiers en Asie du Sud-Est tout en important de l’huile végétale que l’on pourrait sans problèmes cultiver dans le Gros-de-Vaud ? Doit-on vraiment continuer à investir de l’argent pour faire la promotion des vins vaudois ou valaisans dans les restaurants étoilés de New York ou de Tokyo tout en important des millions de litres de vin d’Argentine ou de Californie ?

Au delà de la question de l’huile de palme et de sa prétendue durabilité, l’accord de libre-échange avec l’Indonésie sur lequel le peuple suisse est amené à se prononcer ce dimanche nous pose la question de quel modèle économique nous souhaitons. Veut-on poursuivre un processus qui a mené à l’épuisement des ressources naturelles, mais qui permet des gains financiers à court terme, ou préfère-t-on revenir à un modèle d’échanges qui tienne compte des limites planétaires, et qui évite de sacrifier la durabilité sur l’autel de la rentabilité ?

L’urgence climatique et environnementale que nous vivons semble apporter une réponse sans équivoques à cette question, et c’est entre autres pour cela que j’ai glissé un NON dans l’urne…

Accord de libre-échange avec l’Indonésie : un tigre de papier ?

La campagne pour les votations du 7 mars prochain est définitivement lancée, et opposants comme partisans de l’accord de libre-échange avec l’Indonésie ont présenté leurs arguments et visuels de campagne aux médias en ce début d’année. L’affiche du camp du OUI interpelle particulièrement : on y voit un ours, qui doit prétendument représenter la Suisse, enlacer fraternellement un tigre, symbolisant quant à lui l’Indonésie.

 

 

Passons outre le fait que l’anatomie de l’ours en question est pour le moins étrange, et qu’il semble avoir un cou de la longueur de celui d’un girafon. Laissons par ailleurs de côté le choix discutable de ce plantigrade comme symbole de notre pays, alors qu’il a disparu de nos montagnes et forêts depuis plus d’un siècle ( même si il tente un timide retour depuis quelques années). Concentrons-nous plutôt sur le majestueux félin…

L’Indonésie comptait jusqu’au début du XXème siècle trois espèces endémiques de tigres : Le tigre de Sumatra, celui de Java et celui de Bali. Les deux dernières se sont éteintes au cours du siècle passé, victimes de la chasse et de la destruction de leur habitat pour laisser place aux monocultures. La première, probablement symbolisée dans cette étrange affiche devant nous convaincre de voter OUI le 7 mars, est en danger critique d’extinction, et voit ses effectifs diminuer malgré les efforts consentis pour sa conservation. Il n’en resterait aujourd’hui qu’environ 500, répartis dans des populations toujours plus fragmentées et mises en péril par la poursuite de la destruction de leur habitat.

Qu’il soit donc permis de douter que ces tigres enlaceraient de joie des ours s’ils apprenaient la signature d’un accord de libre-échange qui va faciliter l’exportation d’huile de palme en Suisse, et donc aggraver la déforestation en Indonésie. Cet accord est extrêmement problématique du point de vue de la protection de l’environnement, mais aussi des petits agriculteurs suisses comme indonésiens, et en faire la promotion via deux animaux fortement menacés au milieu d’une forêt luxuriante a quelque chose de choquant et pour le moins malhonnête.

Il eut été plus réaliste de symboliser cet accord par une franche accolade entre le PDG d’une entreprise suisse fabriquant des machines-outils et un grand propriétaire foncier indonésien, avec comme fonds une vaste monoculture de palmiers à huile ou une forêt tropicale en flammes.

Bref, si on veut aider les tigres de Sumatra, mais aussi et surtout celles et ceux qui ici comme là-bas pratiquent une agriculture familiale et non industrielle, c’est un grand NON qu’il faut glisser dans l’urne le 7 mars prochain !

Ce n’est pas Noël pour les orang-outans

La période des Fêtes de fin d’année est propice à la consommation de biscuits, chocolats et autres friandises. Loin de l’image d’Épinal que leur donne la publicité, ces produits fabriqués industriellement absorbent une bonne partie des importations suisses d’huile de palme, qui se montent à 30 à 40’000 tonnes par année, en provenance majoritairement d’Asie du Sud Est.

C’est de Malaisie et d’Indonésie qu’émanent en effet plus de 85% des 70 millions de tonnes produites chaque année dans le monde. Des chiffres en forte hausse, puisque la production mondiale était d’un peu plus de 50 millions de tonnes  il y a une dizaine d’années.

 

Huile de palme. Les banques accusées de déforester | L'Humanité

(suite…)

Lire la suite