Ce n’est pas Noël pour les orang-outans

La période des Fêtes de fin d’année est propice à la consommation de biscuits, chocolats et autres friandises. Loin de l’image d’Épinal que leur donne la publicité, ces produits fabriqués industriellement absorbent une bonne partie des importations suisses d’huile de palme, qui se montent à 30 à 40’000 tonnes par année, en provenance majoritairement d’Asie du Sud Est.

C’est de Malaisie et d’Indonésie qu’émanent en effet plus de 85% des 70 millions de tonnes produites chaque année dans le monde. Des chiffres en forte hausse, puisque la production mondiale était d’un peu plus de 50 millions de tonnes  il y a une dizaine d’années.

 

Huile de palme. Les banques accusées de déforester | L'Humanité

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Révision de la loi sur la chasse : tout sauf bonne pour l’environnement

Parmi les sujets soumis au vote dimanche 27 septembre, il y en a un qui fait particulièrement débat : la révision de la loi sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages. Les partisans de cette révision ont adopté une stratégie de campagne pour le moins étonnante, essayant de faire passer ce texte pour quelque chose de favorable à l’environnement. Affiches vertes parlant d’une loi “bonne pour les animaux, les paysages et les humains”, mise en avant des prétendues avancées pour certaines espèces animales, on croirait presque une campagne d’une ONG environnementale.

Les faits sont cependant têtus, et une brève analyse de cette révision législative montre qu’elle est tout sauf bonne pour l’environnement et la biodiversité.

Commençons par les prétendues avancées dont parlent ses partisans :

  • Le nombre d’espèces protégées de canards va augmenter, pour atteindre le nombre de 12 sur 15 actuellement chassables. Cela parait très bien, mais quand on s’y penche de plus près, on s’aperçoit que les colverts, les morillons et les sarcelles d’hiver, les trois espèces pouvant continuer à être canardées, représentent 98% des palmipèdes tirés. Certaines espèces désormais protégées n’ont été aperçues qu’une poignée de fois ces dernières décennies en Suisse. On est donc loin d’une grande avancée.
  • La période de la chasse à la bécasse est réduite de trois à deux mois par année, ce qui peut paraître là encore une avancée dans la protection de cette espèce menacée. Sauf que 96% des effectifs abattus en Suisse chaque année le sont en octobre et novembre, les deux mois qui resteraient ouverts à cette chasse…

La révision a par ailleurs loupé l’occasion de réellement protéger des espèces animales en danger d’extinction dans notre pays, comme le lièvre brun, le tétras-lyre ou le lagopède alpin. Ces animaux pourront continuer à être chassés, ce alors même que leur nombre diminue d’année en année, et qu’ils ont tout sauf besoin de tirs régulateurs.

Si on ajoute à cela le fait que des animaux protégés pourront être tirés bien plus facilement qu’aujourd’hui, et sans même avoir commis de dégâts, sous simple supposition qu’ils pourraient en commettre, et que le Conseil Fédéral pourra placer seul n’importe quelle espèce protégée sur la liste de celles pouvant être tirées, on est vraiment loin d’un texte bon pour la biodiversité.

On est plutôt face à une révision législative qui ratte clairement sa cible, en réduisant la protection des espèces animales ce alors même que la biodiversité est au plus mal. Il est regrettable que le Parlement ait succombé au lobbyisme de quelques élus valaisans ou grisonnais, soucieux de défendre quelques intérêts particuliers via des solutions simplistes, plutôt que de rechercher de réels remèdes durables à la cohabitation entre grands prédateurs et activités agricoles en montagne.

Il est donc urgent de renvoyer la copie aux Chambres, afin qu’elles préparent un texte répondant aux réels enjeux de la protection des mammifères et des oiseaux sauvages.

Chlorothalonil : à la Confédération d’assumer ses responsabilités

On a beaucoup parlé ces dernières semaines d’un fongicide au nom quelque peu abscons : le chlorothalonil. Employé dans l’agriculture depuis les années 1970, il a été déclaré potentiellement dangereux pour la santé humaine par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), et donc interdit à partir de la fin de l’année 2019. L’Office Fédéral de l’Agriculture a emboîté le pas, et interdit l’utilisation de chlorothalonil également sur le territoire suisse à partir du 1er janvier 2020.

Par ricochet, cette interdiction a eu des répercussions sur l’eau que nous buvons. Les résidus de produits phytosanitaires et de métabolites sont en effet soumis à une réglementation, et leur teneur dans les eaux ne peut dépasser en théorie le dixième de microgramme par litre (0,1 µg/l).

Jusque là tout va bien, avec des autorités qui ont pris leurs responsabilités pour protéger la population d’un danger possible, celui d’un produit chimique potentiellement cancérigène, et ont interdit l’utilisation de ce dernier, tout en fixant des règles strictes quant à sa présence dans l’eau. Or on s’est très vite rendus compte que de trop nombreuses sources du Plateau suisse contenaient des quantités supérieures, parfois jusqu’à plus de 10 fois plus que les normes autorisées.

Dans notre pays, la gestion des réseaux d’eau est de compétence des communes. C’est donc à elles que revient la tâche de veiller à ce que l’eau qui coule de nos robinets soit exempte de produits potentiellement dangereux. Concrètement, cela signifie que ce sont nos villes et villages qui vont devoir trouver des solutions pour supprimer toute trace supérieure à ce fameux dixième de microgramme par litre de chlorothalonil dans l’eau distribuée via leur réseau. Dans certains cas de figure cela est très simple, car les communes puisent l’eau à plusieurs endroits, et peuvent se permettre de diluer l’eau “polluée” d’une source avec celle plus pure d’une autre source ou d’un lac. C’est par exemple le cas de la ville de Lausanne, qui a pu fermer plusieurs de ses captages sans mettre en péril l’approvisionnement en eau de l’agglomération.

Ailleurs, les choses s’annoncent beaucoup plus compliquées, et des investissements de centaines de milliers, voire de millions de francs vont être nécessaires pour raccorder le réseau à celui d’autres communes moins touchées par le problème, ou encore pour mettre en place des systèmes – par ailleurs plutôt aléatoires – de traitement des eaux permettant d’en supprimer les métabolites incriminés.

S’il est essentiel que ces mesures soient mises en œuvre rapidement, pour garantir la sécurité de la population, il semble peu admissible que les communes aient à supporter seules ces coûts importants. La Confédération a en effet permis pendant des dizaines d’années la vente et l’utilisation du chlorothalonil, avant de faire marche arrière. C’est donc elle la responsable de la présence de cette substance dans les eaux de captage de très nombreuses communes. Des aides financières conséquentes sont donc nécessaires de sa part, afin de remédier à un problème qu’elle a en quelques sortes engendré. Mais l’argent n’est pas tout, et c’est aussi et surtout d’appuis et conseils techniques dont ont besoin besoin les communes, et tout particulièrement les plus petites d’entre elles, qui ne disposent pas de services techniques importants et bien outillés.

Sans une prise de responsabilités rapide de la Confédération, il y a fort à parier que même avec toute la bonne volonté du monde, de nombreuses communes auront de la peine à souscrire aux exigences légales qu’on leur demande d’appliquer sans leur en donner les moyens…

Municipales françaises : l’écologie politique grande gagnante

Nombreux ont été les observateurs politiques – certains en le regrettant, d’autres en se frottant les mains – qui ont prédit un ralentissement de la “vague verte” qui a depuis un peu plus d’une année submergé les parlements nationaux, régionaux ou communaux de nombreux pays, parmi lesquels nous pouvons citer la Belgique, la Finlande, l’Allemagne ou encore la Suisse.

La crise sanitaire liée au COVID-19 et celle économique qui la suit de près auraient en effet détourné les électrices et électeurs de l’écologie, pour les ramener vers des thèmes jugés plus “terre à terre” et concrets, et les partis les défendant.

Les résultats du second tour des élections municipales françaises semblent leur donner lourdement tort… Lyon, Bordeaux, Annecy ou encore Poitiers ont en effet élu des maires écologistes, et Europe Écologie les Verts réalise le meilleur score de son histoire à des élections municipales. À Paris, la maire sortante socialiste Anne Hidalgo, qui a été attaquée tout au long de son mandat pour son “fanatisme” écologique et sa volonté de réduire le trafic motorisé dans la capitale, est réélue haut la main.

Bien sûr, la sociologie politique est là pour nous rappeler qu’il existe autant de manières de voter qu’il y a d’électrices et d’électeurs, et les situations locales sont très différentes d’une ville à l’autre. Il n’en reste pas moins que le signal est extrêmement fort !

L’engouement d’une part croissante de l’électorat pour les partis politiques porteurs d’un projet écologiste ne semble pas avoir été brisé par la crise du COVID-19, loin s’en faut.

On peut esquisser deux hypothèses pour expliquer ces excellents résultats des listes écologistes :

  • La prise de conscience du désastre environnemental et social vers lequel nous nous dirigeons si nous ne menons pas rapidement des politiques publiques ambitieuses protégeant la biodiversité et le climat est désormais profondément ancrée au sein de la société. On peut et doit avoir peur pour son emploi et sa santé, mais cela ne fait pas oublier qu’un danger encore bien plus grand plane sur nos têtes. Les nombreuses nouvelles catastrophiques sur le front de l’environnement ( marée noire en Sibérie, températures record au nord du cercle polaire arctique etc.) qui ne cessent de nous parvenir contribuent probablement à cela.
  • La volonté, qui découle de cette prise de conscience, de changer de modèle. Veut-on vraiment tout faire repartir comme avant, relancer la machine de la croissance à n’importe quel prix ? Ou veut-on profiter de cet arrêt forcé et douloureux pour améliorer et changer un système à bout de souffle, et le remplacer par un autre plus durable et respectueux de l’environnement et des personnes ? Les électrices et électeurs français semblent avoir donné ce soir un signal assez fort pour un changement de paradigme.

Quoi qu’il en soit, il semble en tout cas qu’il faudra compter encore un moment avec les écologistes dans la panorama politique français et européen. De là à dire que ce soir le futur semble un petit peu plus équitable et durable, il y a un pas que je franchis volontiers…

 

 

Plaidoyer pour une révolution économique

Le terme « révolution » a une connotation suscitant crainte et méfiance.  Si on ferme les yeux à son évocation, on a vite fait de s’imaginer la tête de Louis XVI roulant dans la sciure, ou des moujiks en colère prenant d’assaut le palais d’hiver des Tsars.

Pourtant, à l’origine, il a trait à l’astronomie, et désigne le mouvement circulaire d’une planète autour d’une autre. Plus généralement, nombreux sont les exemples d’emplois positifs d’un mot qui décrit un changement important et rapide, mais pas forcément violent. Même si elle n’a pas été sans bouleversements sociaux, la « Révolution industrielle » a ainsi permis dès le début du XIXème siècle un changement radical dans le mode de vie des populations des pays occidentaux, tout comme la « révolution numérique » a modifié en profondeur notre manière de communiquer et de travailler à l’heure du changement de millénaire.

Une révolution peut donc être – pour autant qu’elle soit choisie et non subie – intrinsèquement pacifique et positive, et améliorer la qualité de vie de celles et ceux qui la vivent activement ou passivement.

C’est de ce type-là de révolutions dont a aujourd’hui besoin notre système économique. Une modification fondamentale de ses bases dans un laps de temps suffisamment court pour éviter la catastrophe que le réchauffement climatique, la destruction de la biodiversité et l’épuisement des ressources naturelles font planer au-dessus de nos têtes.

La crise économique qui succède progressivement à celle sanitaire pourrait bien être l’étincelle de cette révolution, le point de départ d’un chemin qui remettra l’humain et l’environnement dans lequel il vit au centre des préoccupations.

Outre une dépendance aux énergies fossiles et à une croissance à n’importe quel prix qui la rendent non viable à moyen terme, notre économie a vu dévoilées au grand jour de nouvelles et inquiétantes faiblesses : trop grande dépendance vis-à-vis d’une mondialisation mal maîtrisée, faible protection des indépendant-e-s et de certaines professions pourtant indispensables, ou encore distance croissante entre producteurs et consommateurs.

Si à court terme il urge de limiter les dégâts en venant en aide aux secteurs et aux personnes qui ont le plus souffert, il serait irresponsable de vouloir par la suite tout faire repartir comme avant.

L’économie de demain doit être durable, en ce sens qu’en lieu et place d’une course désespérée aux points de PIB, elle doit avoir pour boussole les limites qui sont celles de la biosphère, garantissant à celles et ceux qui viendront après nous la même qualité de vie dont nous avons pu jouir. Locale, c’est-à-dire privilégiant les circuits courts, la redécouverte de ce qui peut être produit sur place et se passant autant que faire se peut d’intermédiaires. Solidaire, car elle ne doit laisser personne de côté, et permettre à tout le monde de trouver une activité correspondant à ses capacités et à ses ambitions.

Les moyens pour y parvenir sont nombreux : investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, utilisation d’outils alternatifs au PIB pour quantifier le bien-être d’une société, mise en place d’un revenu de transition écologique, relocalisation de certaines activités ou chaines de production, encouragement à la vente directe, notamment dans le secteur agricole…

Ne reste donc qu’à se retrousser les manches, et à agir chacun à son niveau pour passer de la théorie à la pratique, et faire repartir sur de plus saines et fortes bases notre économie, afin de la rendre plus résistante aux crises de demain, et en éviter au passage une bien plus importante, celle liée au réchauffement climatique.

Pour les Vert.e.s vaudois.es, cette volonté de changement passera probablement par le lancement d’une initiative populaire cantonale d’ici la fin de l’année.

Non, décroissance et récession ne sont pas des synonymes !

Alors que la crise sanitaire semble – en tout cas temporairement – laisser la place à une crise économique, on commence à entendre les voix des opposants habituels à toute politique environnementale narguant les écologistes par un “là voilà la décroissance que vous avez appelée de vos voeux” aussi bête que méchant.

Ce n’est pas la première fois qu’un amalgame est créé à dessin entre décroissance et récession ( je pense par exemple à un ministre vaudois de l’économie qui lors d’un débat télévisé en 2017 avait houspillé un autre candidat par un “allez voir dans certaines régions de France qui vivent cette décroissance, et qui dépérissent”), mais là ce message se fait particulièrement insidieux et par trop audible.

Pourtant, il ne faut pas un doctorat en économie pour comprendre que récession et décroissance sont deux phénomènes fort différents.

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Pic pétrolier, un mirage qui s’estompe, et c’est tant mieux !

Il y a bientôt quinze ans, alors que je venais d’adhérer aux Verts vaudois, je découvrais dans le cadre d’une conférence donnée par un ancien conseiller national écologiste l’existence du concept de “pic pétrolier“. Pendant plus d’une heure l’orateur s’est ce jour là attelé à expliquer aux quelques jeunes vert-e-s présents dans la pièce que les réserves en pétrole n’étaient pas illimitées, et que dans cinq à dix ans commencerait une inévitable décrue de la production de brut, voyant les prix augmenter à mesure que les gisements se tariraient.

Quinze ans plus tard, alors qu’on devrait être en plein dedans, le prix du baril de pétrole est au plus bas, et a même touché des prix négatifs ces derniers jours.

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Soins infirmiers : passer des applaudissements à la revalorisation

Les soirées de confinement sont rythmées dans bien des lieux par les applaudissements aux soignant-e-s, que l’on remercie pour leur inestimable travail en ces temps de pandémie.
Ces applaudissements sont bienvenus, et viennent reconnaître à leur juste valeur des professions trop peu considérées en temps normaux.

Ils ne sauraient cependant être une fin en soi, et cet élan de sympathie pour les personnes travaillant dans les soins et les sacrifices qu’elles accomplissent en cette période difficile ne doit pas éclipser les sacrifices consentis tout au long de l’année, dans des conditions de travail toujours plus difficiles.

Le cas des infirmier-e-s est ainsi particulièrement parlant. La profession souffre toujours de certains clichés et stéréotypes qui ont la vie dure, et plus généralement d’une certaine méconnaissance du grand public quant aux réelles compétences et prérogatives de celles et ceux qui l’exercent. Trop souvent vus comme ayant uniquement un rôle d’assistance et d’exécution de tâches ordonnées par un médecin, on oublie que les infirmier-e-s ont aujourd’hui en Suisse Romande une formation de niveau HES, qui leur permet de garantir une prise en charge sécuritaire et de haute qualité malgré la complexité toujours grandissante des cas traités.

Les conditions dans lesquelles est exercée la profession posent également toujours davantage problème. Alors que le vieillissement de la population ainsi que l’augmentation des maladies chroniques ne font qu’augmenter le nombre de personnes nécessitant d’être soignées, les effectifs dans de nombreuses institutions de soins n’augmentent pas en conséquence, faisant s’accroitre la charge de travail du personnel. Si on ajoute à cela les horaires irréguliers et des conditions salariales de moins en moins adéquates par rapport au niveau de formation et de responsabilités, on obtient un cocktail dangereusement explosif.

Ce n’est donc pas un hasard si selon une étude de l’observatoire suisse de la santé près de la moitié des personnes actives détenant un diplôme en soins infirmiers n’exerce plus cette profession.

Cela ne sert donc pas à grand-chose de vouloir former davantage d’infirmier-e-s si on ne crée pas des conditions cadre de travail favorables pour les personnes déjà formées, afin qu’elles puissent continuer à exercer le plus longtemps possible une profession qu’elles ont choisie.
Concrètement, cela passe par une revalorisation salariale, et une harmonisation des salaires qui souffrent d’importantes disparités d’une région à l’autre, mais aussi parfois d’un établissement à l’autre. Ainsi, dans le canton de Vaud un-e infirmier-e avec une année d’expérience gagne par exemple en moyenne 250 francs de plus par mois au CHUV que dans un hôpital régional.

Mais il s’agit aussi d’améliorer les conditions de travail, en augmentant les ratios patients/soignants afin de diminuer la charge de travail tout comme la qualité des soins, et en permettant une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle, pas toujours évidente lorsqu’il s’agit de travailler de nuit ou les jours fériés. Une reconnaissance des compétences et de la nécessaire autonomie doit également être une priorité.

Cette nécessaire revalorisation de la profession infirmière est gage de soins de meilleure qualité, dans l’intérêt de l’ensemble de la population de notre pays.

Cette revalorisation, c’est ce que demande l’initiative « Pour des soins infirmiers forts », déposée fin 2017 et actuellement en cours de traitement par les Chambres fédérales. Il se peut que ce soit au peuple de s’exprimer sur cette question au final. Alors, si vous souhaitez remercier et encourager les soignant-e-s, c’est en glissant un grand OUI dans l’urne le moment venu que vous le ferez de la manière la plus efficace !

Un ministre ne devrait pas dire ça

Mercredi passé en direct de l’émission la plus regardée de Suisse Romande, le journal télévisé de 19h30, le Conseiller d’Etat Philippe Leuba s’est exprimé au sujet du coronavirus et des mesures prises pour contenir l’épidémie. “Vent de panique ne reposant sur strictement rien”, “psychose généralisée entretenue par des mesures irréfléchies”, ” maladie qui se soigne en 4 à 5 jours à l’aide de dafalgan”, les propos du ministre vaudois de l’économie lors de cette interview ( que vous pouvez réécouter en cliquant sur le lien ci-dessus) interpellent.

Quand on voit la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le Nord de l’Italie, et dans laquelle a été plongée depuis le début de l’année la ville de Wuhan et sa province, quand on consulte les statistiques journalières des décès et infections qui dans certaines régions du globe s’apparentent à des bulletins de guerre, on se dit qu’on ne fait peut-être pas face à de l’alarmisme, mais plutôt à une prudence bienvenue.

Lorsqu’il est question de santé de la population, le principe de précaution doit pouvoir être appliqué dès que cela s’avère nécessaire, et les intérêts économiques mis au second plan. Il ne faut bien entendu pas sous-estimer l’impact des mesures prises sur de nombreux secteurs économiques, et les problèmes qui se posent pour les organisateurs de manifestations, événements culturels, sportifs ou autres. Il faut dès à présent réfléchir à des manières de dédommager, accompagner, soutenir les organisateurs et les entreprises touchées par les restrictions. Mais renoncer à la prudence par peur de nuire à l’économie peut s’apparenter à de l’irresponsabilité.

Il est trop tôt pour savoir si nous allons nous retrouver dans quelques semaines dans la même situation que la Lombardie, ou si au contraire nous allons échapper à des contagions massives et au caractère tragique de ces situations. Il semble en tout cas indispensable de laisser les autorités en charge de la santé publique prendre les décisions qui s’imposent, aussi impopulaires soient-elles, et éviter toute déclaration à l’emporte pièce.

Il en va de la santé de la population, et par ricochet également de la santé de notre système économique, que d’aucuns pensent pourtant protéger en faisant fi de toute prudence…

Libre échange avec l’Indonésie : un référendum nécessaire

Il y a un peu plus d’une année, le 16 décembre 2018, l’ancien Conseiller Fédéral Johann  Schneider-Ammann, accompagné de ses homologues liechtensteinois, islandais et norvégien a signé à Jakarta un accord de libre-échange avec Enggartiasto Lukita, le ministre indonésien du Commerce. Cet accord ouvre le marché indonésien aux marchandises suisses, et tout particulièrement aux machines-outil ou aux produits pharmaceutiques et chimiques, et facilite grandement l’importation dans nos contrées d’huile de palme, dont notre industrie agro-alimentaire est toujours plus friande. La consommation de cette huile végétale a ainsi été multipliée par 8 dans notre pays en moins de 30 ans, passant de 3’500 tonnes en 1988 à 29’500 tonnes en 2017.

Cet accord, qui a été ratifié par les Chambres fédérales à la fin de la session d’hiver 2019, pose problème sous divers aspects.

D’un point de vue environnemental tout d’abord, car la production d’huile de palme se fait en Asie du Sud Est au détriment de la forêt pluviale. La surface de cette dernière a été réduite de plus de 70% en cinquante ans en Indonésie, et la déforestation se poursuit à un rythme soutenu. La carte ci-dessous, montrant l’évolution de la couverture forestière de l’île de Bornéo ( 4ème île du Monde par sa superficie, et divisée entre Indonésie, Malaisie et Sultanat du Bruneï) est ainsi extrêmement parlante.

Cette déforestation a des effets extrêmement néfastes sur la biodiversité puisque l’on assiste à la destruction de tout un écosystème et à une disparition programmée de certaines espèces, dont les orangs-outans. La population de ces grands singes a diminué de moitié à Bornéo en 20 ans, passant de 300’000 à environ 150’000.

En exploitant les zones forestières et en causant la déforestation, la production d’huile de palme a une autre conséquence sur l’environnement : une augmentation importante du gaz à effet de serre. À l’échelle globale, 15 à 20% des émissions de ces gaz sont induites par la déforestation,  et c’est ce phénomène qui contribue grandement à faire figurer l’Indonésie dans le top 10 des plus gros émetteurs.

Des problèmes se posent également au niveau économique et social, puisque le modèle agricole du “tout à l’huile de palme” développé par l’Indonésie depuis des années a eu des conséquences désastreuses sur les populations autochtones. La production est en majeure partie en mains de grands groupes cultivant de manière extensive et concurrençant de manière déloyale les petits paysans, qui sont des milliers à quitter leurs terres pour aller s’entasser dans les bidonvilles aux abords des grandes métropoles. Leurs homologues suisses souffrent aussi de cette production, puisque l’huile de colza, graisse végétale d’excellente qualité produite chez nous, est bien plus chère que l’huile de palme, et se voit toujours plus souvent remplacée dans les recettes des produits alimentaires industriels.

Le commerce entre pays développés et pays en développement est quelque chose d’important, voire d’indispensable afin de mieux répartir les richesses et améliorer le niveau de vie de la population des pays du Sud. Il doit pour cela se construire sur des bases d’équité et de durabilité, ce qui n’est absolument pas le cas avec cet accord de libre échange. Derrière quelques phrases creuses évoquant la durabilité de la production et quelques mécanismes timides pour protéger la production indigène d’oléagineux, cet accord n’est avantageux que pour quelques grands groupes industriels.

Il est temps que la population suisse puisse s’exprimer sur quel type d’échanges elle souhaite avec les pays en développement. Pour cela, il suffit de signer et faire signer le référendum qui a été lancé par une vaste coalition de mouvements de protection de l’environnement et d’une agriculture paysanne. Les feuilles peuvent être téléchargées ici , et sont à renvoyer au plus vite, car le temps presse.