Initiative “Pour des soins infirmiers forts” : une lueur d’espoir

Souvenez-vous : le 7 novembre 2017, après seulement 10 mois de récolte de signatures, l’Association suisse des infirmier-e-s (ASI) déposait à la Chancellerie fédérale l’initiative populaire “Pour des soins infirmiers forts”.

Récolter 120’000 signatures valables en moins d’une année relevait de l’exploit pour une association professionnelle à sa première expérience de ce type, et ce succès était le reflet d’une très forte mobilisation au sein de la profession, avec des milliers d’infirmières et infirmiers qui dans toute la Suisse avaient pris feuilles et stylos pour demander d’être mieux considérés.

En très résumé le texte de l’initiative demande à ce que la Confédération et les cantons reconnaissent à sa juste valeur l’importance des soins infirmiers, qu’ils veillent à former suffisamment d’infirmier-e-s, et à ce que les conditions de travail dans la branche soient convenables.

Alors qu’il y a un déficit annuel de plusieurs milliers de nouveaux diplômé-e-s en soins infirmiers dans notre pays par rapport aux besoins des milieux de la santé, et que près d’un-e personne sur deux détenant un diplôme en soins infirmiers ne pratique plus cette profession, ces revendications semblent tout à fait légitimes, et il paraît étonnant que les pouvoirs publics ne se soient pas saisis plus vite et de manière plus décidée de cette question.

Malgré cela, le Conseil fédéral avait annoncé en mars 2018 et en novembre de la même année qu’il rejetait cette initiative, arguant que les mesures nécessaires à améliorer les choses dans les soins infirmiers avaient déjà été prises, et  que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Ce positionnement scandaleux et détaché des réalités avait bien entendu suscité une indignation légitime dans les milieux concernés.

Fort heureusement, le Parlement n’a pas fait preuve de ce même aveuglément, et la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSS) du Conseil National a décidé de suivre une autre voie, celle du contre-projet indirect.

Celui-ci propose :

  • Au niveau de la formation :  de donner la compétence aux cantons de prescrire aux prestataires de soins (hôpitaux, EMS, soins à domicile etc.) le nombre de places de formation que ceux-ci doivent mettre à la disposition des étudiant-e-s en soins infirmiers. En contrepartie, la Confédération et les cantons devraient participer aux coûts non couverts des formations proposées par ces fournisseurs de prestations et améliorer les salaires versés aux étudiant-e-s pendant leurs stages.
  • Au niveau du rôle autonome infirmier : de donner la compétence aux infirmier-e-s de se passer de prescription médicale pour fournir des soins de base à la charge de l’assurance maladie obligatoire. Les titres professionnels seraient également mieux protégés.
  • Au niveau des conditions de travail dans les soins : pas grand chose, voire rien du tout. Les propositions allant dans ce sens au sein de la commission n’ont en effet pas trouvé de majorités, et c’est là tout le problème. Selon l’ASI, il ne sert en effet pas à grand chose de former davantage d’infirmières et d’infirmiers si ceux-ci quittent la profession après quelques années, épuisé-e-s par le manque de dotation, les horaires contraignants, le stress et les situations toujours plus complexes.

En résumé, ce contre-projet est un pas bienvenu dans le sens d’une meilleure prise en considération des soins infirmiers et de leur rôle indispensable dans notre système de soins. En ne proposant pas de mesures concrètes pour améliorer les conditions de travail dans les soins, il rate par contre une partie importante de la cible. C’est en effet avant tout la que le bat blesse, et les demandes légitimes du personnel infirmier, qui est passionné par sa profession mais souhaite pouvoir l’exercer dans des conditions convenables, doit être mieux entendu ! Il en va de la qualité des soins, et par là de notre sécurité à toutes et tous.

C’est le nouveau Parlement fédéral, qui sortira des urnes le 20 octobre prochain, qui sera chargé d’étudier ce contre-projet et de le modifier, valider ou au contraire refuser. Espérons qu’il se montre plus à l’écoute du monde infirmier !

Alberto Mocchi

Alberto Mocchi est député vert au Grand Conseil vaudois et Syndic de la commune de Daillens, dans le Gros de Vaud. À travers son blog, il souhaite participer au débat sur les inévitables évolutions de notre société à l'heure de l'urgence écologique.

4 réponses à “Initiative “Pour des soins infirmiers forts” : une lueur d’espoir

  1. Il existe encore des vieux principes qui estiment que c’est du ressort de chacun de s’occuper de sa personne et qu’une loi n’est pas nécessaire. J’ai soutenu et signé cette initiative des soins infirmiers, car persuadé qu’elle apportera un plus dans les services, les cliniques et les cabinets médicaux. Les conditions de travail en milieu de la Santé basées sur ce vieux postulat du rendement et de l’efficience (inspiré des chaînes de montage en milieu industriel) sont problématiques et évidemment contre productives. Que les futurs nouveaux élus au parlement n’oublient pas d’inclure la bienveillance dans les paramètres d’analyse des nombreux dossiers qu’ils auront à apprécier.

  2. Moi, je me demande juste quand nos élus fédéraux prendront enfin une bonne décision par rapport à tout… car toutes celles que je vois passer depuis quelques années dans tous les domaines sont bancales, voire des rustines sur des gros bobos qui sont devenus au fil du temps des maladies mortelles. Ce sont des procédés de sectes : on exige sans en donner les moyens, moyens que l’on met ailleurs que dans l’essentiel et surtout dans le prestige. Cela fait vingt ans que je vois l’argent du contribuable dilapidé sans aucune surveillance de rien, sans que personne à haut niveau politique ne descende sur le terrain et explore avec une loupe ce qui s’y passe. J’en ai marre là. On distribue de l’argent à tour de bras à ceux qui en font un mauvais usage. On en refuse à ceux qui en auraient besoin, comme ce cas-ci. Et surtout des formations adéquates. On refuse à certains chômeurs qui veulent se recycler dans un domaine qui leur plait, les fonds pour pouvoir l’apprendre. En fait, on ferme les yeux sur tout ce qui ne fonctionne pas, parce que cela donne une bonne conscience de distribuer des sous à des associations, fondations pour des personnes qui ne sont pas formée et donc, ne peuvent pas faire leur travail correctement. Mais c’est totalement inefficace en grattant un tout petit peu le vernis. Malheureusement comme dit plus haut, dans tous les domaines, celui de la médecine étant l’un des plus touchés, car formation inhumaniste, cérébrale, lacunaire. Je n’en peux plus de ce pays qui est le mien. N’ai plus qu’une envie, c’est de le quitter, je l’ai vu partir à vau l’eau, la mort dans l’âme, même si certains ont tenté de le changer, en vain.

  3. A ce cher politicien : Malgré le fond de l’article qui se veut défendre la cause infirmière et dont j’approuve globalement le contenu, je trouve cependant déplacé (voir délétère pour la cause infirmière) de stipuler que nous sommes « passionnés par notre profession ». Bien sur, la majorité apprécie la profession sinon on n’aurait pas fait des études pour l’exercer ! Mais, alors qu’on peine déjà à valoriser et faire reconnaître notre statut par rapport aux exigences et responsabilités, si nos hommes politiques rétrogradent l’exercice des soins infirmiers à une passion, bien que ce ne soit pas de mauvaise intention, ils perpétuent l’image de l’infirmière qui satisfait une motivation intrinsèque dont l’action est conduite uniquement par l’intérêt et le plaisir sans attente de récompense. Ce qui est bien évidemment faux. La passion n’a donc rien à faire dans un article politique sur la profession infirmière !

    1. Merci pour votre message. Loin de moi l’idée de dévaloriser les soins infirmiers ou de les cantonner à un “sacerdoce” comme on peut l’entendre parfois. En disant que le personnel infirmier est “passionné par sa profession” je souhaitais indiquer qu’une grande majorité des infirmières et infirmiers aime son métier, et ne le quitte par par ennui ou envie de voir autre chose, mais bien parce que les conditions de travail sont toujours plus pénibles dans la branche. Navré si ce terme vous a déplu, je veillerai à mieux choisir mes mots à l’avenir 🙂

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