Carnet de campagne épisode 3 : omniscience

Une campagne électorale ce sont des apéros, des distributions de tracts à des pendulaires pressés, des sourires à la vague connaissance qu’on évite généralement sur le quai de la gare et des… questionnaires.

De très nombreux groupes d’intérêt profitent en effet de la période précédant les élections pour demander aux candidat-e-s quelle est leur position sur des sujets de société aussi divers que variés, afin de choisir celles et ceux qui les représenteront au mieux sous la coupole fédérale.

Depuis juillet, j’ai ainsi répondu à une grosse dizaine de questionnaires en ligne, allant de la bientraitance animale à la politique de la santé, en passant par le soutien aux musicien-ne-s, les OGM ou la liberté sur internet.

Il s’agit d’un exercice d’introspection intéressant, qui pousse chaque candidat-e à s’interroger sur sa position quant à tel ou tel sujet dont il n’est pas spécialiste. Il confronte surtout celui ou celle qui se présente aux élections à la complexité du travail de parlementaire, qui a plus souvent trait à des questions de virgules dans un texte de loi traitant de l’épandage des boues d’épuration qu’ à la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.

Car oui, dans un Monde toujours plus complexe et réglementé, on légifère abondamment, et il suffit de jeter un oeil à un ordre du jour d’une session des Chambres Fédérales pour se rendre compte que des questions telles que la ” souveraineté sur les données à caractère personnel dans les solutions d’administration en ligne” ou du “financement moniste des prestations de soins” sont le pain quotidien des parlementaires.

Il est donc tout à fait légitime que chaque groupe d’intérêt questionne les potentiel-le-s futur-e-s élu-e-s sur des sujets très spécifiques. L’exercice a cependant ses limites :

Il part tout d’abord de l’idée que chaque élu-e sera confronté-e à chaque sujet. Or c’est dans les commissions parlementaires que se façonnent la plupart des fois les compromis, solutions et positionnements. L’avis de quelqu’un siégeant dans la commission des transports quant aux importations parallèles de médicaments n’est ainsi bien entendu pas inintéressant, mais il ne vaut pas d’un point de vue strictement utilitariste celui d’un de ses collègues siégeant à la commission de la sécurité sociale et de la santé publique.

De plus, il ne faut pas oublier que la liberté des parlementaires est parfois relative lorsqu’il est question de votes. Si la figure du “whip” anglo-saxon, popularisée par Franck Underwood dans “House of Cards” n’existe fort heureusement pas de ce côté de l’Atlantique, il n’en reste pas moins qu’une certaine discipline de parti est de mise dans bien des groupes politiques. Surtout, les avis évoluent au fil des discussions et préparations de séance. Ce n’est pas parce qu’on a coché la case indiquant que l’on soutient l’introduction de cours de yoga en romanche pour les fonctionnaires fédéraux que l’on fera de ce sujet le combat d’une vie, allant à l’encontre de notre parti et des nombreux arguments auxquels on n’avait pas pensé au moment de remplir le questionnaire.

Au delà de ces limites, ces questionnaires permettent de différencier les candidat-e-s, mais aussi et surtout de pointer du doigt certaines grandes tendances. Ils montrent aussi qu’entre les discours et les décisions concrètes, il y a parfois des écarts certains. Les récentes conversions à l’écologie de certains partis ne se manifestent ainsi par exemple pas encore dans les positionnements de leurs candidat-e-s…

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces questionnaires, mais je vous laisse, car j’en ai encore 4 à compléter…

 

Alberto Mocchi

Alberto Mocchi est député vert au Grand Conseil vaudois et Syndic de la commune de Daillens, dans le Gros de Vaud. À travers son blog, il souhaite participer au débat sur les inévitables évolutions de notre société à l'heure de l'urgence écologique.