La mort des forêts, un mensonge d’écolos ?

Il est coutume lors de débats ou discussions portant sur le réchauffement climatique ou tout autre sujet touchant de près ou de loin à l’environnement que quelqu’un invoque la « mort des forêts », la définissant comme la preuve ultime de ce que les écolos sont au mieux des Cassandres, et au pire des menteurs prédisant des catastrophes imaginaires pour faire leur beurre politique.

Voilà ce que l’on pouvait par exemple lire récemment parmi les commentaires d’un article paru sur le site internet d’un grand quotidien vaudois :

 Les écolos sont de friands concepteurs de théories aussi fumeuses que boiteuses ni prouvées et même pas prouvables. Par exemple, ils avaient annoncé à grand renfort de pub et autres messages alarmistes au début des années 90 la mort programmée des forêts suisses dans les 10 années à suivre à cause du bostryche et des pluies acides. 20 Ans plus tard, les forêts suisses ont augmenté de 30%!”

Il est effectivement vrai que divers mouvements écologistes, en Suisse et ailleurs en Europe, avaient attiré l’attention de l’opinion publique sur les pluies acides et plus généralement la pollution atmosphérique qui affectait la santé des arbres, menaçant à terme la survie des forêts.

Il est tout aussi vrai que ces dernières années, la surface boisée dans notre pays a progressé en moyenne de 4500 ha par an, soit à peu près la superficie du lac de Thoune.

Alors tous des menteurs ces écolos ?

Non, pas vraiment…

Car si la tant redoutée “mort des forêts” n’a pas eu lieu et que ces dernières se portent même plutôt bien ce n’est pas parce qu’il s’agissait de fabulations, mais bien parce que des mesures ont été prises pour venir à bout des causes de ce dépérissement.

Le débat avait été mené sur la scène politique, avec notamment une discussion nourrie aux Chambres fédérales en 1985, et la mise en place d’une stratégie fédérale de lutte contre la pollution de l’air ayant débouché sur l’ordonnance sur la protection de l’air (OPair).

Parallèlement, on assistait un peu partout en Europe à une forte réduction des émissions de dioxyde de souffre (le principal responsable des pluies acides) d’origine industrielle suite notamment à la signature des deux protocoles internationaux d’Helsinki (1985) et Oslo (1994) fixant des règles strictes en la matière.

Les pluies acides sont en effet très mobiles, et les problèmes rencontrés par exemple aujourd’hui par certaines forêts japonaises ou coréennes sont dus aux émissions polluantes de l’industrie chinoise.

C’est donc grâce à des mesures politiques courageuses prises suite à l’alarme lancée par les écologistes que la redoutée mort des forêts n’a pas eu lieu!

Dire qu’ils ont prêché le faux, c’est un peu comme si en conduisant votre voiture quelqu’un vous criait, vous voyant foncer contre un piéton, « attention, freine, il y a quelqu’un sur la route !!!! » et qu’une fois que vous avez planté sur les freins évitant ainsi la collision, vous répondiez à votre interlocuteur d’un ton agacé « Je ne lui ai pas foncé dedans, tu dis vraiment n’importe quoi ! ».

Il s’agit donc d’un bel exemple, presque unique au vu de l’ampleur des mesures prises de par le Monde, de mobilisation internationale sur un sujet environnemental, avec à la clef un succès pour l’écologie. Ne reste qu’à espérer que dans 30 ou 40 ans, quand suite aux mesures que nos gouvernements auront peut-être le courage de prendre pour lutter contre le réchauffement climatique, on pourra lire ou entendre de-ci de-là ” N’importe quoi ces écolos, ils avaient aussi prédit un réchauffement climatique, et ça fait 4 ans qu’il neige de novembre à avril”.

 

 

Alberto Mocchi

Alberto Mocchi est député vert au Grand Conseil vaudois et Syndic de la commune de Daillens, dans le Gros de Vaud. À travers son blog, il souhaite participer au débat sur les inévitables évolutions de notre société à l'heure de l'urgence écologique.

13 réponses à “La mort des forêts, un mensonge d’écolos ?

  1. Bonjour,
    Pour étayer l’argumentation, a-t-on des chiffres concernant la diminution des émissions de dioxyde de soufre dans le continent européen ?

    1. petit commentaire de paysan sur la situation actuelle , massif central mort des épicéas et grandys en masse. Les forestier ne recommandent plus la plantation de ces espèces. Quant aux espèces endémiques les hètres commencent à mourir de ci de la cerisiers sauvages aussi… Il faut être alarmiste car il n’y a pas de précédent.

    2. Bien sûr que non. On ne renverse pas la tendance d’un phénomène de cette ampleur avec une ordonnance suisse sur la protection de l’air. La Suisse représente le 4 pour mille de la surface de la seule Europe ! Ce genre de raisonnement me rappelle le cas inverse du nuage de Tchernobyl qui s’est arrêté à la frontière franco-allemande ! Rappelons que la réduction des pluies acides tient à la fermeture de usines en Europe du charbon et de l’acier, notamment. Leur production a été remplacée par celles mises en services en Chine déplacement de la pollution à l’autre bout du monde. Il n’y a donc pratiquement aucun lien entre les mesures prises en suisse et l’Etat de la forêt, qui va recommencer à se dégrader … cette foi en raison du manque d’exploitation… qui ravit tant les écolos et leur concept de forêts “naturelle”.

  2. Bon, je ne voudrais pas être méchant mais vous oubliez complètement de parler du bostryche. J’ai un souvenir précis de cette affaire, plus précis que vous sans doute car vous étiez encore gamin a l’époque, je pense, alors que moi je suis né en 1960. Les écolos avaient commencé par faire une campagne massive sur les “pluies acides” qui provoquait soi-disant la “mort des forêts” en Suisse. (Je parle de la Suisse, pas d’autres pays où il y a peut-être eu vraiment des pluies acides). Puis l’étude des faits a montré que ce n’étaient pas les pluies acides qui avaient causé le problème des forêts suisses, mais essentiellement une prolifération de bostryches, ce qu’on a pu régler en traitant le bostryche, et non les pluies acides. Renseignez vous. Je ne voudrais pas affirmer qu’il n’y a eu aucune incidence quelconque de pluie acide en Suisse. Simplement c’était marginal. Le phénomène essentiel était le bostryche. Donc cette affaire a été en effet un terrible ratage pour la crédibilité des écolos car on s’est rendu compte qu’ils avaient trop hâtivement communiqué sur une explication qui les arrangeait mais qui n’était pas la bonne explication. Donc effectivement, la conséquence c’est qu’aujourd’hui l’effet chèvre de monsieur Séguin se produit et, en Suisse, on a plus de mal à croire les théories sur le réchauffement climatique, à cause de ce ratage de communication.

    1. Si il y avait une cause un effet, cela se saurait. Et a ma connaissance le bostryche court toujours….

    2. Merci pour votre commentaire. Je n’étais même pas un gamin, car je suis né en 1987… 🙂
      Comme dit par d’autres ci-dessus, le bostryche a été aidé par l’affaiblissement des arbres induit par les pluies acides, un peu comme ils sont malheureusement affaiblis aujourd’hui par les sécheresses à répétition. Mais on a su agir à temps, comme nous en avons l’occasion avec le réchauffement climatique : sans catastrophisme, mais sans minimiser non plus les faits.

  3. Ceci dit votre article est plutôt réconfortant. Vous montrez bien que les problèmes écologiques peuvent être réglés en prenant des mesures appropriées. Donc c’est rassurant et ça signifie aussi que les écolos feraient mieux de ne pas toujours exagérer dans le catastrophisme, ce qui crée une ambiance climat désespérante et démoralisante. On ferait mieux de présenter les choses de manière plus raisonnable, ainsi on aurait aussi plus de chance d’obtenir l’adhésion du public aux mesures qu’on préconise.

  4. Bon, ça fait plaisir de voir que les “verts” au Parlement suisse en …1985 ont vaincu la lutte contre le bostryche, non seulement en Suisse, mais en France, en Allemagne, en Autriche, en Italie.

    Oui, si les arbres japonais ont un problème avec la pollution chinoise, il faut croire que c’est un bostryche UN?

  5. Merci Monsieur Mocchi de remettre les chose en place. Votre analyse est parfaitement pertinente. Le bostryche était là bien avant 1985, sans menacer l’existence même des forêts. S’il a proliféré dans la deuxième moitié du XXème siècle, c’est grâce aux pluies acides, qui ont affaibli les arbres.

  6. Non, ce n’était pas le bostryche le problème. L’importance des pluies acides a été un peu exagérée car les dégâts furent importants aux USA mais pas en Europe. Cependant, l’inquiétude était sérieuse et justifiée. Quand l’inquiétude a gagné l’Europe, ça faisait déjà 20 ans que le sujet faisait rage aux USA et la plupart des technologies étaient déjà au point, notamment le pot catalytique mis sur le marché en 1973. La situation n’a jamais pu dégénérer en Europe.

    https://www.jstor.org/stable/24989192
    https://www.jstor.org/stable/1310662
    https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1462901104000590

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