Climat : la fausse bonne idée du retour au nucléaire

On les croyait définitivement hors jeu après le vote clair du peuple suisse, qui a accepté le 21 mai 2017 à plus de 73% la stratégie énergétique 2050. Et bien non, les partisans du nucléaire n’ont toujours pas dit leur dernier mot, et sont revenus dernièrement à la charge afin de remettre sur les rails un wagon aussi dangereux que dépassé, s’appuyant cette fois sur le vaste débat entamé dans nos sociétés sur les moyens de lutter contre le réchauffement climatique.

La construction de nouvelles centrales nucléaires est désormais interdite en Suisse, mais cela ne semble pas décourager les Jeunes Libéraux Radicaux, dont certains membres ont récemment annoncé vouloir proposer le retour du nucléaire dans le cadre des efforts pour la réduction des émissions de CO2.

L’équation peut paraître à prime abord séduisante: plus d’un quart des émissions globales de gaz à effet de serre sont dues à la production d’énergie électrique dans le monde, et tout particulièrement par les très polluantes centrales à charbon. Les remplacer par des centrales n’émettant que de la vapeur d’eau, comme c’est le cas du nucléaire, serait donc tout bénéfice pour le climat.

Sauf que…

Il est tout d’abord illusoire de penser que le nucléaire ne produit pas de CO2. Certes, son bilan carbone est meilleur que celui de la combustion du charbon, mais l’extraction de l’uranium nécessaire au fonctionnement des centrales est polluante et nécessite toujours plus d’énergie (sans parler de ses effets sur la biodiversité dans les zones de production, ou l’instabilité politique qu’elle génère dans certaines régions du globe).

Le nucléaire pose d’autres problèmes tout aussi graves que ceux liés aux émissions de CO2. On ne sait toujours pas quoi faire des déchets radioactifs qui restent dangereux pendant des milliers d’années et qui s’accumulent année après année, avec des coûts à terme astronomiques pour la société. Les risques économiques et sociaux induits par l’exploitation des centrales sont par ailleurs immenses quand on pense aux conséquences d’un accident majeur.

Miser sur le nucléaire pour palier aux problèmes induits par les énergies fossiles, c’est au fond un peu comme choisir entre la peste et le choléra. Les symptômes ne sont pas les mêmes, mais dans les deux cas l’issue est rarement positive…

La question devrait par ailleurs encore moins se poser dans un pays qui comme la Suisse ne dépend pas du charbon ou du pétrole pour son approvisionnement en électricité. Chez nous le défi n’est pas de sortir du charbon, mais bien plutôt de remplacer la part d’énergie produite par nos toujours plus vieilles et péclotantes centrales nucléaires.

Les alternatives existent : Le développement soutenu des énergies renouvelables, et tout particulièrement le solaire, au potentiel largement inexploité et qui présente l’avantage d’une forte acceptabilité sociale tout comme d’une bonne complémentarité avec l’énergie de sources hydrauliques. Mais aussi la réduction de notre consommation via un accroissement de l’efficacité énergétique et le remplacement de certains systèmes obsolètes comme les chauffages électriques, responsables des pics de consommation hivernaux. C’est ce chemin que nous avons décidé de suivre en acceptant la stratégie énergétique 2050. Il serait aujourd’hui désastreux de le remplacer par voie à l’issue bien plus dangereuse et incertaine.

S’il est de notre devoir de réduire fortement notre dépendance aux énergies fossiles pour ne pas léguer aux générations futures une planète surchauffée et invivable, il est également de notre responsabilité de ne pas leur laisser en héritage des déchets radioactifs à foison.

Alberto Mocchi

Alberto Mocchi est député vert au Grand Conseil vaudois et Syndic de la commune de Daillens, dans le Gros de Vaud. À travers son blog, il souhaite participer au débat sur les inévitables évolutions de notre société à l'heure de l'urgence écologique.

13 réponses à “Climat : la fausse bonne idée du retour au nucléaire

  1. Il et évident que l’on doit pousser au maximum l’utilisation des énergies renouvelables en Suisse, en particulier de l’énergie solaire (la part de l’éolien restera chez nous toujours relativement marginale, faute de vents suffisamment forts et constants). J’ai d’ailleurs des panneaux solaires thermiques et photovoltaïques (PV) sur ma maison. Mais penser que cela résoudra le problème d’un approvisionnement fiable et sûr en électricité en Suisse est illusoire dans l’état actuel de la technique. Le solaire souffre de son imprévisibilité et du fait qu’il est souvent le plus abondant quand on en a le moins besoin et réciproquement. Nous n’avons pas encore trouvé le moyen de reporter les surplus estivaux sur la période hivernale, dans laquelle la consommation est particulièrement élevée (avec ou sans chauffage électrique, d’ailleurs relativement peu répandu chez nous). Si je reprends l’exemple de ma maison, en décembre 2017 mes panneaux PV n’ont produit que 25 kWh sur tout le mois (en comparaison, leur production dépasse 500 kWh/mois en été). J’ai été bien content à l’époque d’être couplé au réseau et de recevoir de celui-ci une électricité à près de 50% d’origine nucléaire en hiver!
    Par ailleurs, il ne faut jamais enterrer définitivement une technologie. Si je partage l’avis que nos vieilles centrales nucléaires, qui ont fait leur temps, devraient maintenant être mises à la retraite, cette technologie évolue. Les réacteurs de “Génération IV” actuellement à l’étude offrent la perspective d’installations plus modulaires (petites et moyennes puissances), beaucoup plus sûres (sécurité “intrinsèque”, c’est-à-dire ne dépendant pas de l’activation de systèmes techniques), plus efficaces donc plus économiques et générant moins de déchets à quantité d’électricité produite égale, et même capables de “brûler” les déchets de longue durée de vie produits précédemment par nos installations actuelles en produisant en même temps un surplus d’énergie (solution de loin la plus “élégante” et sûre de se débarrasser de ces déchets). Il y a de nombreux projets de ce type actuellement à l’étude, … peut-être un peu trop d’ailleurs ce qui ne permet pas de concentrer les efforts sur les concepts les plus prometteurs; mais on peut espérer qu’une “décantation” finira par se produire, comme cela a été le cas avec les réacteurs à eau ordinaire (il existait aussi de nombreux concepts différents au début de “l’ère nucléaire”). L’option mérite au moins d’être étudiée objectivement, et comparée aux autres possibilités REALISTES envisageables, sans a priori favorable ou défavorables.

  2. N’ai jamais beaucoup cru au PLR, un vendeur de patrie, avocados y tutti quanti
    (Profiter, Loi, Rétrocession).

    Bon, on a vu les verts Libéraux, donner la consigne, *feu à la construction sur la campagne*

    En désespoir de cause, je voterai donc “VERT”, comme le futur Dôme de Notre Dame.
    Sont pas beaucoup mieux meilleurs, mais? vote blanc?

    1. Bon, l’ami delaplanète doit sûrement être un retraité des SIG?

      Il n’empêche que la Suisse verse env.3.5 milliards à l’agriculture qui n’arrive pas à subvenir à quelques agriculteurs qui ont perdu 300 brebis, mais hého la Suisse, ça va le shampoo?

      1. J’accuse…
        … la grève des femmes de n’être qu’une diversion d’infante gâtée.

        Il n’aura échappé à personne que ce média est racheté par des américains, en même temps qu’il a le culot de claironner sa foi en l’Europe et sa préoccupation de durabilité.
        Tout ça n’est qu’une farce!

  3. Vous avez mille fois raison. L’avenir sera de toute évidence le solaire et l’hydro-électrique, mais cela ne sera probablement pas suffisant et d’autres sources d’énergies renouvelables seront nécessaires (éolienne terrestre, etc.). Mais l’équation énergétique n’est pas encore équilibrée. C’est là que l’énergie nucléaire interviendra utilement comme complément temporaire, sans CO2. Non pas en créant des nouvelles centrales de > 1000 MW produisant les déchets (demi vie de > 100’000 ans) que nous connaissons, mais probablement en optant pour ces nouvelles mini centrales, mobiles au besoin, de < 250 MW fonctionnant avec des nouveaux combustibles produisant moins de déchets, voir mème capables de les consommer.
    Il faut rester réaliste, car la vie économique et sociale d’une société ne se règle pas en quelques slogans. Les mouvements de notre jeunesse, en Suisse et ailleurs, sont les bienvenus afin d’augmenter la pression sur les décideurs; j’observe que, malgré l’inertie politique, certains réagissent déjà ce qui est un très bon signe qui fera vraisemblablement boule de neige. Restons optimistes.

  4. Il sont partout pareils ,ils ne connaissent pas leur sujet…bannir le chauffage electrique..pour le remplacer par ..le chauffage au gaz..c’est ça qui sauvera la planete ?

  5. Certes le nucléaire est polluant, mais aucune autre technologie est autant prometteuse pour soutenir notre consommation massive en énergie dans les années à venir. Oui nos centrales sont vieilles, il est raisonnable de les éteindre, mais nous avons aucun solutions pour palier ce manque. Le solaire et l’éolien sont aussi source de pollution et de dépendance de l’étranger pour l’extraction des composantes de ces derniers. Si nous voulons décarboner notre société et électrifier nos voitures et augmenter nos productions d’électricité, le solaire et l’éolien ne sont qu’une petite partie de cette équation. Le nucléaire ne devrait pas être jeté par la fenêtre de l’écologie, car il est dangereux, polluants avec ces déchets, le nucléaire devrait être jugé sur sa capacité inouï de produire de l’énergie à tout moment. Ce qui permettrait de le faire fonctionner en symbiose avec les autres sources d’énergie (solaire,hydraulique, thermiques et éolien). La recherche dans l’énergie nucléaire devrait être un vecteur important pour notre secteur énergétique, car il permettrait de trouver des solutions aux problèmes que posent notre nucléaire actuellement.

  6. Où est passé mon commentaire envoyé hier après-midi? Censure? Peur du débat d’idées ?! Mon commentaire était pourtant tout ce qu’il y a de plus modéré et “factuel”. Je précise aussi que je sais quand même un peu de quoi je parle: formation de base en génie nucléaire de l’Ecole d’ingénieurs de Genève puis de l’EPFL (+ thèse de doctorat dans le domaine de la fusion), recherche et enseignement ensuite en énergétique générale, Y COMPRIS ENERGIES RENOUVELABLES, et enfin directeur durant plusieurs années du Cycle d’études postgrades en énergie de l’EPFL.

    1. Aucune censure 🙂 Il s’agit juste d’un système d’approbation manuelle des commentaires qui existe sur les blogs du Temps, et qui demande à ce que les blogueurs valident la publication d’un commentaire lorsqu’il s’agit de la première fois que quelqu’un écrit quelque chose. Je n’avais pas eu le temps de valider le vôtre avant ce matin.

  7. En qualité de retraité issu du milieu de la santé et donc préoccupé par la santé publique présente et à venir, je me suis permis d’apporter un commentaire bienveillant à vos arguments/slogans (?) pour les énergies renouvelables et contre le nucléaire. Le point de vue des jeunes PLR auxquels vous faites allusion souffre, comme ceux d’autres groupes similaires, d’une vision limitée (doctrinale) de la réalité qui nous entoure.
    Mon commentaire voulait rappeler, modestement, que le nucléaire civile nouveau existe et progresse et d’après mes Lectures, n’a quasiment plus rien à voir avec l’ancien.
    Le commentaire exhaustif et toujours très pertinent apporté une fois de plus par M. Haldi devrait à mon avis vous intéresser et encore davantage les Verts que vous représenter, en prévision des prochaines élections, plutôt que tourner en rond avec les arguments historiques et un peu dépassés des antinucléaires.
    Le monde a changé et va continuer à changer, le rôle des sciences n’est pas anodin pour ne pas dire pertinent, les avantages et les risques (climat, environnement, biodiversité, maladies, etc.) sont et seront encore mieux appréciés pour la qualité de vie de nos sociétés humaines. La démocratie y contribue, heureusement.

  8. Vous dites: “mais l’extraction de l’uranium nécessaire au fonctionnement des centrales est polluante et nécessite toujours plus d’énergie” prenez-vous en compte la procédure d’enrichissement dans ces consommation d’énergie, quelqu’un pourrait-il fournir des données précises afin de mieux comprendre ce sujet?

    Vous dites “Le nucléaire pose d’autres problèmes tout aussi graves que ceux liés aux émissions de CO2. On ne sait toujours pas quoi faire des déchets radioactifs qui restent dangereux pendant des milliers d’années et qui s’accumulent année après année, avec des coûts à terme astronomiques pour la société.” Il me semble que le stockage des hydrocarbure avant consommation est plus problématique et surement aussi dangereux. De quel type de danger parles t-on exactement? Je pensais jusqu’à aujourd’hui que ces déchets été gardés de façon sûre, une éolienne semble pour moi aussi dangereuse sinon plus. Quelqu’un peut-il dire qui porte le coût de ces déchets nucléaire ? je présume que le coût du conditionnement est compris dans notre facture électricité mais après conditionnement quel est le coût annuel fixe+marginal du stockage a long terme pour le combustible usager?

    1. Merci pour votre message ! Le problème principal à mon sens avec les déchets nucléaires est leur dangerosité sur le très long terme. Ils restent en effet radioactifs pendant des milliers d’années, ce qui fait que même si on trouvait des manière véritablement sûres pour les stocker ( ce n’est à ce jour pas les cas, et les expériences menées dans d’autres pays – comme par exemple l’Allemagne qui a essayé de les enfouir dans d’anciennes mines de sel – sont peu concluantes pour l’heure) on ne pourrait garantir une sécurité dans 150, 500 ou même 5000 ans. C’est ainsi une bombe à retardement pour les générations futures, alors qu’un mat d’éolienne est démontable en quelques jours, et les métaux qui le composent recyclables sans problèmes.
      Concernant les coûts, voici un article intéressant : https://www.letemps.ch/suisse/demantelement-nucleaire-coutera-plus-cher-prevu

  9. Bonjour,
    Vous dites : “Il est tout d’abord illusoire de penser que le nucléaire ne produit pas de CO2. Certes, son bilan carbone est meilleur que celui de la combustion du charbon, mais l’extraction de l’uranium nécessaire au fonctionnement des centrales est polluante et nécessite toujours plus d’énergie ”

    Ça fait beacoup de mots pour pas dire grand chose non ? Pourquoi ne pas juste citer les chiffres :
    Éolienne terrestre 11 gCO2eq/kWh
    Nucléaire 12 g
    Hydro 24 g
    Solaire à grande échelle 48 g
    Charbon 820 g

    Bien sûr le cette comparaison n’est pas très justes car les sources intermittentes ne produisent pas de kWh pilotable…

    Ce sont des chiffres que j’espère que vous connaissez déjà en tant que responsable politique qui s’exprime à ce sujet.
    Source :
    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/%C3%89mission_de_gaz_%C3%A0_effet_de_serre_par_source_d%27%C3%A9nergie_%C3%A9lectrique

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