Initiative “stop mitage” : Le mythe de la hausse des loyers

Lors de chaque campagne de votations, il est coutume que les opposant-e-s à un texte fassent bon usage de l’adage selon lequel “Les suisses votent avec leur porte-monnaie”, et sortent des arguments plus ou moins fallacieux sur les prétendus coûts de l’initiative pour la collectivité. Cela n’a pas manqué avec “Stop mitage”, avec ses détracteurs annonçant solennellement qu’en cas d’acceptation par le peuple le 10 février, nous assisterions à une hausse des loyers, le terrain à disposition pour de nouvelles constructions se raréfiant. C’est certes bien essayé, mais cette argumentation ne tient pas à une analyse empirique des faits…

S’il est pour le moins surprenant de voir ces arguments dans la bouche de celles et ceux qui ont voté aux Chambres Fédérales contre l’initiative de l’ASLOCA “Pour des logements à loyers abordables”, il semble utile de répondre factuellement à ces accusations erronées, qui nuisent à un débat serein sur les objectifs de l’initiative et sur la question fondamentale qu’elle pose : quelle Suisse souhaitons-nous léguer aux générations futures ?

Si on se base de manière simpliste sur la loi de l’offre t de la demande, on pourrait être tentés de croire qu’une raréfaction d’un bien – dans ce cas les terrains vierges de constructions sur lesquels bâtir – entraîne une hausse du prix que les usagers sont prêts à payer pour ce bien, et donc par ricochet celui des loyers.

Or c’est oublier que les zones à bâtir vierges de toute construction  sont déjà très importantes, et permettraient selon l’Office Fédéral du développement territorial (ARE) d’accueillir plus 1,5 millions d’habitants supplémentaires. Cela sans parler des friches industrielles ( plusieurs milliers de logements actuellement en construction rien que dans le canton de Vaud), ou d’une densification même minime du bâti actuel. En résumé, nous sommes très très loin de la pénurie de terrains à bétonner qui nous est promise par les opposants, et l’initiative permettra au contraire de mieux situer les zones à bâtir, en créant là où le besoin est réel, dans les agglomérations, et en supprimant en contre-partie là où elles sont moins utiles.

De plus, la pénurie de logements existe aujourd’hui déjà, et les loyers qui prennent l’ascenseur sont une réalité que connaissent bien lausannois, zurichois ou genevois depuis  des années, bien avant qu’il ne soit question de réduire les zones à bâtir. Le véritable problème ce n’est pas la rareté fantasmée du sol à disposition, mais plutôt une inadéquation entre ce qui se construit et les réels besoins de la population. Les investisseurs ont en effet privilégié ces dernières années, afin de maximiser leurs profits ( ce qui est leur bon droit), la construction de logements en PPE ou d’appartements “haut standing” avec une surface importante, et comportant souvent 5 ou 6 pièces. Or ce que cherchent les jeunes qui sortent de leurs études, les jeunes couples ou les familles ce sont avant tout des 2, 3 ou maximum 4 pièces. Le taux de vacance ( % de logements vacants par rapport au total) a donc été sensiblement plus élevé des dernières années dans le canton de Vaud pour les logements de 5 pièces ou plus que pour les 2 ou 3 pièces, montrant qu’il y avait un réel déséquilibre entre l’offre et la demande. C’est cette inadéquation entre ce qui est construit et ce dont une majorité de la population a besoin qui explique en bonne partie la hausse des loyers, et non la rareté du terrain à bâtir.

Pour y remédier, il faut inciter les investisseurs à construire des logements mieux adaptés aux besoins de la population, comme le fait la Loi vaudoise sur la Promotion et Préservation du par Locatif (LPPPL), adoptée par 55,5% des vaudoises et des vaudois en 2017, malgré l’opposition de celles et ceux qui crient aujourd’hui au loup de la hausse des loyers prétendument induite par stop mitage.

Il reste donc bien assez de place pour construire les logements nécessaires à absorber la hausse démographique de ces dernières années, et la crainte d’une hausse des loyers en cas d’acceptation de “Stop mitage” est infondée. Mais il faut pour cela construire de manière intelligente, dans l’intérêt de la population plutôt que de quelques investisseurs.

Alberto Mocchi

Alberto Mocchi est député vert au Grand Conseil vaudois et Syndic de la commune de Daillens, dans le Gros de Vaud. À travers son blog, il souhaite participer au débat sur les inévitables évolutions de notre société à l'heure de l'urgence écologique.

5 réponses à “Initiative “stop mitage” : Le mythe de la hausse des loyers

  1. La photo est bonne, hahahahah, vous êtes valaisan?
    (bon remarquez, il passe la même chose au Lavaux, des maisons pour de pauvres syriens, yéménites, etc.)
    😉

    1. Vaudois, mais j’ai emprunté la photo au site des initiant-e-s : http://www.stop-mitage.ch, car je la trouve emblématique… Mais effectivement, ce type d’exemples navrants n’existent pas qu’en Valais… 😛

  2. Si vous voulez préserver les terrains agricoles et lutter contre le mitage du territoire il faudra vous opposer fermement à l’immigration massive. Sinon ça sera impossible. Avec l’immigration qu’on a aujourd’hui on aura besoin de sacrifier beaucoup plus d’espaces verts pour loger tous ces gens.

    1. On ne va pas être d’accord sur ce coup là 😉 mais je pense sincèrement qu’on peut coupler une augmentation mesurée de la population ( soit-elle générée par l’immigration ou par le solde naturel naissances moins décès ) en utilisant mieux le sol.
      La superficie employée par chaque suisse pour se loger à augmenté ces 50 dernières années bien plus fortement que la population. Nous sommes donc toujours plus nombreux il est vrai, mais à occuper toujours plus d’espace par personne. C’est une bonne chose jusqu’à un certain point, mais là on dépasse les limites et cela a des effets pervers.
      Avec une densification de qualité, et une gestion plus rationnelle de la place dont nous disposons, il est à mon avis tout à fait possible de voir la population augmenter sans voir le bâti s’étendre encore sur les champs.

  3. Chaque année on fait venir l’équivalent d’une ville entière. C’étaient 80’000 par an, ça a baissé un peu à 45’000 50’000 grâce à Victor Orban qui a barré la route un peu à l’invasion et pour le moment ces gens préfèrent aller en Allemagne. D’un jour à l’autre ça peut passer de nouveau à 80’000 par an ou même 100’000. Mais même avec “seulement” 30’000 par an, comment allez-vous loger tout ce monde? Vous serez obligé de construire en hauteur, faire des gratte-ciels partout. Yverdon et Cossonay vont ressembler à Hong Kong ou Singapour.

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