Des aliments équitables bientôt dans nos assiettes ?

Alors que la campagne pour les votations du 10 juin prochain démarre timidement, le Conseil Fédéral a annoncé aujourd’hui les objets sur lesquels nous serons amenés à nous prononcer le 23 septembre prochain.

Le contenu de nos assiettes sera une fois encore sur le devant de la scène, puisqu’aux côtés du contre projet à l’initiative “pour la promotion des voies cyclables” seront présentées au verdict populaire l’initiative des Verts ” pour des aliments équitables” et celle du syndicat paysan Uniterre ” pour la souveraineté alimentaire”.

Le plebiscite de septembre 2017 sur l’initiative ” pour la sécurité alimentaire” de l’Union suisse des paysans, acceptée par plus de 78% de celles et ceux qui se sont déplacées aux urnes, a montré le fort attachement de la population suisse à une alimentation locale de qualité, et à celles et ceux qui en sont à la base.

Pourtant, le Conseil Fédéral – et plus particulièrement le Ministre en charge des affaires agricoles – a depuis envoyé un certain nombre de signaux contradictoires et peu encourageants: Ouverture programmée des frontières aux produits agricoles envisagée dans le projet de “politique agricole 2022+” , ou encore projets d’accords de libre échange avec des pays grands producteurs d’huile de palme ou de viande de boeufs nourris au soja transgénique  .

Le temps est donc plus que jamais à l’action si nous voulons garder une agriculture paysanne dans notre pays, productrice d’aliments sains et respectueux de l’environnement.

L’initiative “pour des aliments équitables”, lancée en mai 2014 et déposée à la Chancellerie fédérale avec plus de 105’000 signatures valables, est un pas concret dans ce sens. Elle amène en effet des solutions réalistes aux grands problèmes de notre agriculture, et tout particulièrement au dumping qu’elle subit d’importations toujours plus nombreuses d’aliments produits dans des conditions écologiques et sociales désastreuses.

Car si nos producteurs doivent respecter un certain nombre de règles, que ce soit en matière de conditions de détention des animaux, d’utilisation de pesticides, ou encore de conditions de travail, il n’en va pas de même pour les produits qui sont importés de pays aux législations moins exigentes.

Les exemples en la matière sont malheureusement aussi nombreux que rageants.

Ainsi, s’il est fort heureusement interdit d’élever des poules en batterie dans notre pays, il est tout à fait possible d’importer des oeufs issus de ce mode de production barbare, toujours en vigueur dans plusieurs pays européens. Qui n’a par ailleurs jamais vu ou lu un sujet ou article sur les conditions de semi-esclavage dans lesquelles versent celles et ceux qui ramassent tomates ou fraises dans le Sud de l’Espagne ou de l’Italie ? Ou sur les effets désastreux de certains pesticides sur les écosystèmes et sur la santé de qui les emploie ?

Tous ces produits se retrouvent sur nos tables, parfois à notre insu, puisque les règles en matière d’étiquetage sont pour le moins lacunaires, surtout en matière de modes de production.

L’initiative “pour des aliments équitables” propose donc d’imposer aux produits agricoles importés des règles claires et ambitieuses en matière environnementale et sociale, brisant ainsi une chaîne de concurrence déloyale, injuste et injustifiée.

Il serait par contre faux de voir en ce texte une émanation de chauvinisme agricole, sorte de “y en a point comme nous” des normes sociales et environnementales. Car il ne s’agit pas uniquement de se protéger d’importations de mauvaise qualité, mais aussi de renforcer la qualité de la production en Suisse, et de privilégier les importations issues du commerce équitable et de l’agriculture paysanne.

L’initiative prévoit également des dispositions pour réduire le gaspillage alimentaire, ou encore le développement de circuits de production et distribution courts.

Un OUI le 23 septembre prochain ne signifierait donc pas un arrêt des importations ou la mise en place d’une usine à gaz, mais tout simplement une volonté claire de privilégier la qualité et le bien-être de l’environnement, des humains et des animaux aux logiques de profit à court terme faisant fi de toute durabilité.

Si nous voulons sauver ce qu’il reste de notre tissu agricole, c’est cette voie qu’il nous faut emprunter.

Le texte de l’initiative est disponible ici.

Alberto Mocchi

Alberto Mocchi est député vert au Grand Conseil vaudois et Syndic de la commune de Daillens, dans le Gros de Vaud. À travers son blog, il souhaite participer au débat sur les inévitables évolutions de notre société à l'heure de l'urgence écologique.

2 réponses à “Des aliments équitables bientôt dans nos assiettes ?

  1. Personnellement je voterai en faveur de l’initiative car comme vous j’en approuve les principes de base. Toutefois j’aimerais bien également que l’on ne se vante pas trop en Suisse quant à nos exigences de production, surtout lorsque l’on évoque les pesticides et autres “saveurs” chimiques. Nous n’avons dans ce sens aucune leçon à donner, bien au contraire.

    1. Je suis d’accord avec vous, il y a encore du pain sur la planche en Suisse aussi. L’alinéa 1. de l’initiative, qui dit que :

      1 La Confédération renforce l’offre de denrées alimentaires sûres, de bonne qualité et produites dans
      le respect de l’environnement, des ressources et des animaux, ainsi que dans des conditions de
      travail équitables. Elle fixe les exigences applicables à la production et à la transformation.

      Est un pas dans ce sens, qui pourra être complété par d’autres initiatives, comme celle sur l’eau potable ( https://www.initiative-sauberes-trinkwasser.ch/fr/ ) pour ce qui est des pesticides.

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