Soins dentaires dans les urnes

Il n’y a pas que “No Billag” qui anime militant-e-s et politicien-ne-s dans le canton de Vaud en vue des votations du 4 mars prochain.

Les électrices et électeurs vaudois-es devront en effet se prononcer également sur une initiative constitutionnelle cantonale dite “pour le remboursement des soins dentaires”.

Voici ce que propose exactement son texte, qui ajoute un article 65b à la Charte fondamentale vaudoise :

 L’Etat met en place une assurance obligatoire pour les soins dentaires de base ainsi qu’un dispositif de prévention en matière de santé bucco-dentaire.

 Il met en place un réseau de policliniques dentaires régionales.

 Le financement de l’assurance des soins dentaires de base est assuré, pour les personnes cotisant à l’assurance vieillesse et survivants (AVS), par un prélèvement analogue à celui de l’AVS et, pour les autres, par la politique sanitaire cantonale.

Concrètement, il s’agit donc de remédier à un problème de santé publique : celui du coût croissant des soins dentaires et des problèmes que toujours plus de personnes rencontrent quand il s’agit de passer à la caisse en la matière.

Sans verser dans le misérabilisme, il semble important d’avancer quelques chiffres parlants, qui illustrent bien la problématique actuelle. L’OFS nous dit ainsi que 7,4% des romand-e-s renoncent à consulter un-e dentiste pour des raisons financières. Car aujourd’hui, 90% des frais sont payés directement par les patient-e-s en matière de traitements dentaires. Ces soins sont en effet les grands oubliés de la LaMal, comme le rappelait récemment un article paru dans Le Temps.

Même pour la grande majorité de celles et ceux qui ne renoncent pas à se soigner, la facture peut parfois être difficile à régler, avec des montants de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de francs à débourser d’un coup.

Avec cette assurance cantonale, on applique ainsi un modèle de mutualisation des risques et des coûts qui a fait ses preuves dans d’autres domaines. Avec quelques dizaines de francs ( 0,5% du salaire au maximum selon les estimations les plus larges quant aux coûts) prélevés mensuellement directement sur la feuille de paie, on aura droit à un remboursement complet des soins dentaires “de base” pour soi, mais aussi pour ses enfants ou pour ses parents à la retraite.

Il reviendra en cas d’acceptation du texte au Conseil d’Etat et au Grand Conseil de transformer ces concepts généraux en textes de lois et règlements définissant clairement les modalités concrètes d’exécution, la liste des soins concernés ou encore le fonctionnement des policliniques régionales.

Le débat me semble donc devoir se concentrer avant tout sur une question de principe, puisque c’est de principes constitutionnels dont il est question. En l’occurrence, les initiant-e-s ont estimé qu’il n’y avait pas de raisons valables à ce que les soins dentaires restent exclus du système de remboursement des coûts médicaux en vigueur dans notre pays. Ils ont également voulu mettre en place un système de financement plus simple et efficace que celui peu satisfaisant des primes d’assurance maladie, en se calquant sur le modèle de l’AVS, qui fait ses preuves depuis près de 70 ans.

Il n’est donc pas question de “payer pour ceux qui ne se brossent pas les dents” comme on peut l’entendre parfois, ni de créer une usine à gaz ou une nouvelle taxe pour une classe moyenne croulant sous les ponctions.

Non, il s’agit plutôt de remédier à une lacune actuelle de notre système de santé, en rendant plus supportables les coûts des soins dentaires pour une large majorité de la population. Ce n’est donc probablement pas un hasard si des dizaines de médecins et d’autres professionnel-le-s de la santé ont signé un appel de soutien à ce texte.

Quelle que soit l’issue du vote vaudois, une chose est cependant sûre : la question des soins dentaires et de leur remboursement restera à l’agenda politique romand encore un moment. D’autres initiatives similaires ont en effet été déposées à Neuchâtel, à Genève ou encore en Valais.

Alberto Mocchi

Alberto Mocchi est député vert au Grand Conseil vaudois et Syndic de la commune de Daillens, dans le Gros de Vaud. À travers son blog, il souhaite participer au débat sur les inévitables évolutions de notre société à l'heure de l'urgence écologique.