Pourquoi il faut refuser l’initiative de l’UDC contre le droit international

Chez les Verts, nous aimons penser global, en faisant face aux grands enjeux qui concernent notre planète, mais nous voulons aussi agir localement, en considérant ce qui touche chaque individu. Cette démarche peut éclairer le refus ferme qu’il faut opposer à l’initiative de l’UDC contre le droit international, dite « initiative contre les juges étrangers ».

Une attaque frontale contre le droit international

Cette initiative ne s’attaque en réalité pas à de prétendus juges étrangers. Les juges en question – ceux de la Cour européenne des droits de l’Homme – sont élus démocratiquement par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont la Suisse fait partie. Dans les affaires suisses, la juge suisse – car il s’agit actuellement d’une femme – est par ailleurs toujours présente afin d’assurer que nos spécificités soient prises en compte. Cette initiative ne s’attaque pas non plus à un droit étranger, puisqu’il n’a jamais été question de nous soumettre aux lois d’autres pays ou d’autres organisations dont nous ne ferions pas partie. Non, cette initiative s’attaque au droit international, en tant qu’incarnation de valeurs partagées à l’échelle mondiale et en tant que volonté de réguler, sur cette base de valeurs communes, les nombreuses relations qui se développent entre pays.

Le droit international est indispensable pour résoudre les enjeux globaux

En attaquant le droit international, l’initiative de l’UDC nie le fait que nous vivons aujourd’hui dans un monde globalisé et interconnecté, que ce soit, très concrètement, au niveau des échanges commerciaux ou, d’un point de vue plus abstrait, au niveau de valeurs fondamentales mondialement reconnues comme les droits humains. Or, n’en déplaise à l’UDC, nous vivons au XXIème siècle, et au XXIème siècle, les nombreux échanges commerciaux entre pays doivent être encadrés par des règles du jeu correctes, permettant de générer des bases communes fiables et de la confiance entre les acteurs économiques. Au XXIème siècle, notre génération doit aussi affronter des défis majeurs comme la crise climatique ou l’érosion de la biodiversité, qui exigent des engagements communs et des régulations à l’échelle mondiale. L’Accord de Paris en est un exemple historique, puisqu’il implique aujourd’hui l’ensemble des pays de notre planète. Voilà pourquoi nous avons un besoin vital du droit international.

Le processus de mondialisation, caractérisé par ses nombreux échanges, un système de valeur largement partagé et des défis communs, avec tous les accords et engagements internationaux qu’il implique, ne doit pas être perçu comme une menace pour notre pays. La Suisse elle-même s’est constitutée dans un tel processus, impliquant une régulation croissante des relations entre ses différents cantons et régions et envers ses minorités. Nous sommes en outre les premiers à bénéficier du droit international, puisque la Suisse, qui ne fait pas partie des grandes puissances de la planète, aurait peu de chances, sans règles du jeu acceptées par tous, de se faire respecter au niveau mondial.

Penser global, c’est donc voir la réalité en face et reconnaître que les accords internationaux auxquels notre pays a adhéré, dans le respect de ses processus démocratiques usuels, sont une nécessité, mais aussi une chance. Le droit international nous protège des comportements potentiellement agressifs ou arbitraires de pays plus puissants. Il régule les nombreux échanges économiques dont notre économie dépend tout particulièrement. Et il nous permet de participer à la résolution commune des grands enjeux globaux qui nous affectent, ici comme ailleurs, et d’assumer ainsi nos responsabilités envers les générations futures.

Le droit international protège chacune et chacun en tant qu’individu

Mais le droit international est aussi précieux au niveau le plus local, c’est-à-dire au plus près de chacune et de chacun d’entre nous, dans notre identité propre. L’initiative de l’UDC s’attaque notamment, au sein du droit international, à la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Celle-ci préserve tout particulièrement chaque être humain pris dans son individualité. Les droits humains sont en effet là pour protéger chacune et chacun d’entre nous de l’arbitraire de l’Etat ou de majorités irrespectueuses de nos libertés fondamentales. Car la majorité n’a pas toujours raison face à un individu, à une minorité ou à un groupe, qui peuvent être discriminés ou opprimés. C’est ainsi, notamment, grâce à la CEDH que le droit de vote des femmes a été introduit. La Suisse s’est, depuis toujours, attachée à défendre les droits humains, faisant même parfois œuvre de pionnière. Cet engagement fait notre fierté et est reconnu dans le monde. Chez nous, chacune et chacun peut en appeler au respect de ses libertés fondamentales et ainsi, vivre et agir en personne libre. Que cela plaise ou non à l’UDC, nous le devons, aussi, au droit international.

Pour les valeurs universelles et nos libertés fondamentales

Penser global, agir local. Refusons l’initiative de l’UDC, au nom des valeurs universelles, des régulations et des solutions communes incarnées par le droit international, mais aussi en tant que personne individuelle, car chacune et chacun d’entre nous mérite de voir ses libertés fondamentales défendues contre l’arbitraire de plus grands groupes.

 

 

Economie verte: les retards en matière de régulation environnementale nuisent à notre économie

Après l’enterrement du contre-projet à notre initiative pour une économie verte par le Conseil national, puis le refus de l’initiative par le peuple, il était devenu difficile d’avancer sur ce sujet au parlement. A chaque proposition, le Conseil fédéral refusait d’entrer en matière, évoquant ces décisions pour justifier son inaction. Mais les années passent, et notre empreinte écologique – n’en déplaise à un certain Conseiller fédéral tessinois – reste inacceptable. La solution pour la réduire passe, encore et toujours, par la transition d’une économie linéaire à une économie circulaire. Confrontés à ces évidences, mais aussi à l’impact négatif de notre retard en matière de régulations environnementales sur certains secteurs de l’économie, le Conseil fédéral et le parlement commencent, heureusement, enfin à bouger. Mais toujours à la suite de l’Europe.

Une stratégie pour réduire les déchets plastiques

Le Conseil fédéral a d’abord accepté mon postulat pour une stratégie de réduction des déchets plastiques, calqué sur la récente stratégie européenne sur les matières plastiques. Pour rappel, un article sur la réduction des emballages figurait déjà dans le contre-projet à notre initiative pour une économie verte. Le Conseil fédéral précise certes dans sa réponse que « ce rapport devra rester fidèle au principe éprouvé de responsabilité personnelle et être élaboré en collaboration avec les acteurs économiques », ce qui n’augure pas de mesures spectaculaires. Mais il reconnaît qu’il y a nécessité d’agir et que la Suisse ne peut pas rester inactive, alors que l’Europe avance. Cette dernière prévoit de créer d’ici à 2030 200’000 postes de travail dans le domaine de l’économie circulaire appliquée au plastique. La Suisse serait bien bête de ne pas profiter elle aussi du potentiel de cette transition en termes d’efficience, d’innovation et d’emploi.

Malheureusement, cette décision positive du Conseil fédéral a été attaqué par le PLR et l’UDC. Le postulat devra donc être soumis au vote du Conseil national à la session de septembre.

Le bois issu de coupes illégales exclu du marché

Autre point central du contre-projet à notre initiative pour une économie verte : la lutte contre la déforestation à l’échelle mondiale. Le contre-projet prévoyait la reprise de la Timber Regulation européenne, une disposition interdisant l’importation de bois issu de coupes illégales. Pendant la session d’été 2018, une même proposition de reprendre cette régulation, soutenue par le Conseil fédéral, a été acceptée.

Point intéressant, cette proposition était issue de l’UDC et des milieux du bois et évoquait des arguments économiques. La Suisse, n’étant pas couverte par la Timber Regulation, est en effet aujourd’hui considérée comme un état tiers. Les exportations de bois en provenance de notre pays sont donc soumises à des procédures administratives qui les discriminent sur le marché européen. C’est pourtant clair: qui prend du retard en matière de standards environnementaux est défavorisé sur le marché. Quand ceux qui le réalisent aujourd’hui seulement pour le bois seront-ils capables d’anticipation ? Car ce qui s’est passé avec le bois se répétera dans d’autres domaines. L’initiative pour une économie verte visait précisément à répondre à ce type d’enjeu: les pays comme les entreprises qui avancent dans la transition vers une économie respectueuse des ressources sont les gagnants de l’économie de demain. Et plus le temps passe, plus ceux qui en sont restés aux anciens modèles sont désavantagés sur le marché.

Des critères écologiques pour les marchés publics

Enfin, dans le domaine du droit des marchés publics, qui était explicitement visé par le texte de l’initiative pour une économie verte, des adaptations positives ont été adoptées à la session d’été 2018. Des standards écologiques ou sociaux pourront désormais être considérés dans le cadre des appels d’offres en tant que spécifications techniques ou comme critères lors du processus d’adjudication. Dans ce contexte, le prix le plus bas ne doit plus forcément primer. Il peut être pondéré en fonction de critères favorisant les produits, les services et les entreprises responsables. Là aussi, les acteurs économiques qui ont su innover dans le sens d’une économie verte sont gagnants.

Où est l’esprit pionnier de la Suisse ?

Si l’on ne peut que se féliciter de ces évolutions positives, qui reprennent à chaque fois des propositions de l’initiative ou du contre-projet pour une économie verte, il reste un regret. Dans les différents exemples cités – déchets plastique, bois importé ou marchés publics – les progrès sont issus d’impulsions venues de l’extérieur, puisque la Suisse a repris, à chaque fois, des modifications validées au niveau de l’OMC, dans le cas des marchés publics, ou de l’Union européenne, dans les trois cas. La Suisse, en matière de régulation environnementale, a perdu tout esprit pionnier. Cet esprit pionnier dont elle témoigna pourtant jadis, par exemple lorsqu’elle fut le premier pays d’Europe à imposer les catalyseurs pour les voitures. Les petits pas qu’elle réalise aujourd’hui dans le bon sens passent, désormais, par la reprise de progrès réalisés ailleurs. Ce décalage ne va certainement pas favoriser notre économie. Les régulations environnementales sont en effet un aiguillon pour l’innovation. Et, encore une fois, ceux qui développent aujourd’hui des solutions pour une gestion durable des ressources, sont les gagnants de l’économie de demain.

La BNS doit cesser d’investir dans les énergies fossiles. Maintenant !

Demain, 24 avril 2018, les Artisans de la transition publieront une mise à jour de leur étude sortie en décembre 2016 sur la BNS et le climat. Cette étude avait montré que les investissements sales de notre banque nationale généraient des émissions de CO2 en quantité supérieure à la totalité des émissions de CO2 de la Suisse[1]. En un mot : les investissements de la BNS doublent nos émissions de CO2 chaque année. En l’absence de toute remise en question de la banque, il faut s’attendre à des résultats tout aussi catastrophiques cette année[2].

La BNS sape les accords de Paris et les efforts de la Suisse

Cette situation est intolérable. En effet, en investissant des milliards de francs dans le charbon, le gaz et le pétrole, la BNS va à l’encontre des objectifs de l’accord de Paris. Celui-ci impose explicitement de rendre les flux financiers compatibles avec un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques. La Suisse a ratifié cet accord et s’apprête à l’appliquer via une révision de la Loi sur le CO2. Dans le cadre de cette révision, des mesures sont prévues pour réduire nos émissions, en particulier celles qui sont liées au chauffage et à la mobilité. Notre économie comme la population vont devoir s’y adapter, en adoptant de nouvelles pratiques et de nouvelles technologies. Pendant ce temps, que va faire la BNS ? Va-t-elle continuer à injecter des milliards pour soutenir les énergies fossiles partout dans le monde, alors qu’en Suisse, chacun d’entre nous s’engage pour s’en émanciper ?

Le désinvestissement réduit les risques et favorise la stabilité

Aujourd’hui déjà, la BNS pourrait adapter ses pratiques d’investissement pour réduire son impact carbone. Elle est légalement tenue de servir l’intérêt général de notre pays. Elle suivrait par ailleurs ainsi ses propres directives, qui lui imposent de ne pas soutenir des entreprises causant de graves dommages à l’environnement. Retirer ses valeurs du secteur des énergies fossiles fait en outre partie d’une gestion intelligente des risques et favorise la stabilité de la place financière. La transition énergétique, qui devrait s’accélérer conformément aux engagements internationaux, va fragiliser les entreprises fortement émettrices de carbone, au profit de celles qui s’engagent dans les nouvelles technologies propres. Ces dernières sont nombreuses dans notre pays, qui n’extrait ni charbon, ni gaz, ni pétrole. Nous avons donc tout à gagner, y compris économiquement, d’un tel processus.

Des banques centrales clairvoyantes s’engagent pour le climat

Si la BNS a jusqu’ici refusé d’assumer ses responsabilités en matière climatique, d’autres banques centrales le font d’ores et déjà. Un réseau de banques centrales et d’autorités de surveillance, le Network for Greening the Financial System, comprenant la Banque du Mexique, la Banque d’Angleterre, la Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), la Banque des Pays-Bas, la Deutsche Bundesbank, la Monetary Authority of Singapore et la People’s Bank of China, a été créé au One Planet Summit, réuni par le président Emmanuel Macron à Paris en décembre 2017. Son but est de s’engager dans le sens de l’accord de Paris.

Des mesures efficaces et éprouvées sont possibles

Aujourd’hui, l’Alliance climatique a publié une série de recommandations à l’intention de la BNS, qui lui permettrait de réorienter ses pratiques[3]. Pour commencer, notre banque centrale doit souscrire publiquement aux objectifs de l’accord de Paris, comme tant d’autres avant elle. Elle doit ensuite tenir compte du risque climatique dans le cadre de sa politique d’investissement, dans une perspective de maintien de la stabilité du système financier comme de respect de l’intérêt général de notre pays. L’exposition de ses propres investissements au risque climatique doit être évaluée en toute transparence et une stratégie pour réduire ce risque élaborée et publiée. La BNS pourrait commencer par désinvestir des entreprises actives dans le charbon et se référer à la liste Carbon Underground 200, qui réunit les entreprises disposant des plus vastes réserves d’énergies fossiles. La Banque d’Angleterre travaille actuellement à une stratégie climatique et la Banque des Pays-Bas s’y prépare, via un test de stress climatique. Pourquoi ne pas profiter du mouvement et des échanges de bonnes pratiques et d’expérience qu’il permet ?

Faudra-t-il légiférer pour que la BNS modifie ses pratiques ?

Toutes ces démarches pourraient être réalisées sur une base volontaire par la BNS. Cela correspondrait à une évolution que plusieurs autres banques centrales ont déjà entamée. Face au refus que la BNS a cependant jusqu’ici opposé, une action politique se justifie. Après une interpellation, dont la réponse a montré l’absence de volonté d’agir du Conseil fédéral[4], j’ai déposé une initiative parlementaire[5]. Elle demande que la BNS inscrive ses activités dans le cadre des objectifs poursuivis par la Confédération. Ils sont définis à l’article 2 de notre Constitution, qui évoque notamment le développement durable et la préservation des ressources. Cette proposition s’inspire des dispositions qui encadrent les activités de la Banque centrale européenne. Son président, Mario Dragui, a récemment déclaré qu’elle était tenue par les engagements de l’accord de Paris.

J’ai toujours considéré que le fait de légiférer était un dernier recours. Nous avons besoin des lois lorsque les acteurs, que ce soit des personnes privées, des organisations ou des entreprises, n’assument pas d’eux-mêmes leurs responsabilités. C’est à ce jour malheureusement le cas ici. Je souhaite que la BNS réalise maintenant l’importance du rôle qu’elle a à jouer, avec les autres acteurs du secteur financier, dans la transition énergétique, et qu’elle prenne d’elle-même, comme le font déjà d’autres banques centrales, les mesures qui s’imposent.

[1]http://www.artisansdelatransition.org/assets/banque-nationale-suisse-carbone.pdf

[2]L’étude mise à jour sera disponible ici dès le 24 avril 2018 : http://www.artisansdelatransition.org

[3]http://www.alliance-climatique.ch

[4]https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20173022

[5]https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20170455

La Suisse doit élaborer une stratégie pour gérer durablement les matières plastiques

Les déchets plastiques portent atteinte à l’environnement et à notre santé

 

Le plastique est partout dans notre vie quotidienne : sacs, emballages, objets. Malheureusement, il est aussi partout dans la nature, que ce soit chez nous, sous forme de littering, mais aussi ailleurs, polluant les océans et portant des atteintes considérables à la faune marine. Le plastique, même lorsqu’il finit à la poubelle, est dommageable : il produit des émissions de CO2 quand on le brûle en usine d’incinération. Enfin, des microplastiques se retrouvent dans l’air, dans l’eau et dans nos aliments, sans que nous sachions quel est leur impact sur notre santé. Seule une partie minime des déchets plastiques est recyclée. En Europe, sur les 25 millions de tonnes de déchets plastiques produits chaque année, 30 % seulement sont collectés pour être recyclés. En Suisse, la situation est comparable. Nous consommons 125 kg de matières plastiques par personne et par année, dont 45 kg d’emballages. Or 70 % de ces matériaux ne sont pas recyclés. S’il est vrai que chez nous, ces déchets ne terminent plus en décharge, comme cela arrive encore dans de nombreux pays, et que la chaleur produite par leur incinération est souvent récupérée, une marge de manœuvre considérable existe vers une réduction à la source et un meilleur taux de recyclage.

 

L’Europe agit en lançant une stratégie sur les matières plastiques

 

En janvier 2018, la Commission européenne a lancé une stratégie sur les matières plastiques. Son but est de rendre le recyclage rentable pour les entreprises, de réduire les déchets plastiques à la source et de stimuler les investissements et l’innovation dans ce domaine. Tous les emballages plastiques devraient être réduits, réutilisables ou recyclables d’une manière économiquement viable d’ici à 2030. La stratégie doit permettre aux citoyens de réutiliser, séparer et recycler plus facilement les plastiques et leur donner les moyens de faire des choix de consommation à plus faible impact sur l’environnement. Il s’agit par exemple de généraliser la collecte sélective des déchets plastiques ou de soutenir les solutions de remplacement des articles en plastique à usage unique. La commission européenne prévoit de créer ainsi 200’000 emplois d’ici à 2030, dans la revalorisation des plastiques. Il s’agit en partie d’une relocalisation d’emplois, puisque la Chine a interdit récemment l’importation de déchets sur son territoire, alors qu’elle traitait jusqu’ici 60 % du plastique usagé des Européens.

 

La Suisse doit elle aussi s’engager, maintenant !

 

La situation dans notre pays est tout aussi insatisfaisante qu’en Europe. J’ai donc déposé un postulat au Parlement, demandant au Conseil fédéral de montrer de quelle manière il compte assurer à l’avenir une gestion écologique, efficiente et économiquement viable des matières plastiques. La Suisse a besoin de mettre en place sa propre stratégie pour réduire l’impact néfaste de ces matériaux. Ceci passe par une réduction de leur mise en circulation à la source, notamment au niveau des emballages. Le Conseil fédéral avait d’ailleurs déjà prévu des mesures allant dans ce sens, dans le cadre du contre-projet à l’initiative pour une économie verte, malheureusement enterré par le Parlement. De nouvelles filières de recyclage des plastiques ne pourront par ailleurs pas être mises en place sans la promotion de l’écodesign ou, plus précisément, du « design for recycling ». En effet, la majorité des emballages et produits en plastique n’est aujourd’hui pas conçue pour être réutilisée ou recyclée de manière sélective. En 2013, ma collègue verte Aline Trede interpelait déjà le Conseil fédéral sur le sujet. Dans sa réponse, ce dernier affirmait qu’il allait “discuter les mesures et leur mise en oeuvre avec les parties prenantes, en tenant également compte des résultats des divers projets pilotes de collecte séparée et de valorisation des matières plastiques menés en Suisse”. Cela fait maintenant cinq ans : assez discuté ! Alors que l’Europe s’engage, le Conseil fédéral doit enfin aller de l’avant.

L’information n’est pas une simple marchandise, Monsieur Markus Schwab !

Voilà des mois que les mauvaises nouvelles s’accumulent dans le domaine des médias : disparition de L’Hebdo, réductions répétées des postes de journalistes, fusion de rédactions. Alors que No Billag attaque frontalement la SSR et le service public audiovisuel, voilà maintenant des licenciements qui sont annoncés à l’ATS.

Notre accès à l’information est menacé

Le monde de l’information est donc en crise à tous les niveaux : la presse est au plus mal, l’audiovisuel public et les radios et télévisions régionales privées en danger, et l’ATS, qui fournit à l’ensemble des médias des données fiables et indépendantes dans les trois langues nationales, sur le point d’être dangereusement affaiblie.

Ceci doit nous alarmer. C’est en effet notre accès à l’information qui est menacé. Comment notre démocratie directe, qui fait reposer de telles responsabilités sur les épaules des citoyens, peut-elle se mettre dans cette situation ?

L’information n’est pas un pur et simple produit

Les propos de Markus Schwab, directeur de l’ATS, doivent nous faire réfléchir. Selon lui, l’ATS ne serait redevable qu’envers ses actionnaires. De tels propos font fi d’une réalité qui devrait pourtant être une évidence : l’information ne peut être réduite à une pure marchandise. Si l’information était un produit comme les autres, au même titre qu’un meuble, qu’un vêtement ou qu’une cafetière, alors oui, pourquoi pas, le directeur de l’entreprise qui les produirait pourrait tenir de tels propos : il serait – en tous les cas principalement – redevable envers ceux qui ont investi dans son affaire.

Mais il se trouve que l’information n’est pas un produit comme un autre. L’information est à la base du débat démocratique, elle en est quasiment, pourrait-on dire, une infrastructure. Les médias indépendants et de qualité, désignés à raison comme un quatrième pouvoir appelé à contrebalancer celui de l’Etat, apportent aux citoyens un éclairage irremplaçable sur l’actualité politique, mais aussi économique, sociétale, scientifique, sportive ou cultuelle de leur région et de leur pays.

Vous nous êtes aussi redevable, Monsieur Markus Schwab !

Dès lors, on ne « consomme » pas de l’information, comme l’on consommerait, de manière banale ou désinvolte, n’importe quel produit d’usage courant. Nous avons au contraire besoin d’une information indépendante et fiable pour pouvoir assumer sérieusement notre rôle de citoyen. Nous avons besoin de cette information indépendante et fiable pour pouvoir comprendre et penser notre lieu de vie et notre époque. Nous avons besoin de cette information indépendante et fiable pour pouvoir agir de manière éclairée dans notre économie, dans notre société.

Cher Monsieur Markus Schwab, vous ne vendez pas n’importe quoi. L’ATS fait partie de cette « infrastructure de l’information » dont notre démocratie a un besoin vital. Elle en est même un rouage essentiel, car elle permet à des rédactions aujourd’hui sous pression de bénéficier d’un matériel informatif précieux, dans les différentes langues nationales. Vous n’êtes pas seulement redevable envers vos actionnaires. Vous nous êtes aussi redevable, à nous, citoyens, qui voulons jouer notre rôle démocratique avec sérieux, qui voulons appuyer nos décisions économiques sur des informations solides, qui voulons connaître la vie culturelle et sportive de notre région.

Refusons No Billag pour les mêmes raisons

La même réflexion est valable pour No Billag. Chers initiants, l’information audiovisuelle ne peut, elle non plus, être réduite à une banale marchandise et consommée comme telle. Elle a une valeur qui dépasse celle d’un pur et simple produit. Elle répond à des exigences de qualité, d’indépendance et d’impartialité – bref, à un mandat de service public – auquel nous, citoyens engagés et responsables, tenons. Ce sont ces exigences que vous voulez rayer de notre Constitution. Nous ne vous laisserons pas faire. Nous voulons être des citoyens bien informés, pas seulement des consommateurs. Le 4 mars, nous vous dirons non.

Prévoyance: nos caisses de pensions doivent s’engager pour le climat

Un bilan consternant

Le Conseil fédéral vient de publier un rapport sur l’impact climatique de nos caisses de pensions[1]. Pour le réaliser, il a mis à leur disposition un instrument leur permettant d’évaluer l’empreinte climatique de leurs investissements. Septante-neuf caisses de pensions, représentant deux tiers du patrimoine géré, ont joué le jeu. Le résultat est sans appel : la poursuite de leurs pratiques d’investissements nous inscrirait dans un scénario de réchauffement climatique de quatre à six degrés, avec des conséquences catastrophiques pour notre pays.

Agir sur les investissements est indispensable pour appliquer l’Accord de Paris

La Suisse a ratifié l’Accord de Paris. Elle est de ce fait tenue de contribuer au maintien du réchauffement climatique en dessous de deux degrés. De plus, l’Accord de Paris exige pour la première fois que les investissements soient également concernés, tout comme d’autres activités humaines, par la réduction des émissions de CO2[2].

C’est indispensable. En effet, à quoi cela sert-il de réduire, pas à pas et parfois laborieusement, les émissions liées à nos déplacements, à notre chauffage ou à notre alimentation, si dans le même temps l’argent que nous plaçons est investi dans l’industrie du charbon ou du pétrole ? Selon l’Alliance climatique suisse, l’ensemble des activités gérées depuis la place financière suisse a un impact équivalent à vingt fois les émissions domestiques de notre pays.

Les sommes investies par les caisses de pensions, qui sont parmi les plus importants investisseurs du pays, sont considérables : plus de 700 milliards de francs. Il s’agit d’un levier capital pour la transition écologique de notre économie. Alors que les Suisses émettent chaque année, avec l’argent mis de côté pour financer leurs retraite, à peu près autant de CO2 que lors de leurs propres activités individuelles[3], nous ne pourrons maîtriser les changements climatiques sans agir à ce niveau.

Plus de sécurité pour notre climat, c’est plus de sécurité pour nos retraites

Pourtant, aucune mesure n’est prévue par le Conseil fédéral dans le domaine des investissements. La révision de la loi sur le CO2, qui doit mettre en œuvre les exigences de l’Accord de Paris, ne vise que les domaines déjà concernés jusqu’ici par notre politique climatique, principalement le chauffage et la mobilité. Et, malgré les résultats consternants de l’étude qu’il vient de publier, le Conseil fédéral persiste à vouloir miser sur des mesures volontaires. Cela signifie concrètement que les caisses de pensions et les autres investisseurs pourront, à leur guise, continuer à placer notre argent dans l’industrie des énergies fossiles.

Or ces investissements sales sont irresponsables d’un point de vue environnemental, évidemment, mais aussi d’un point de vue économique. Avec ces placements à courte vue, les caisses de pensions mettent en danger la pérennité de nos retraites. Comme le montre un rapport récent du Conseil fédéral, la « bulle carbone » constitue un risque de plus en plus important pour les investisseurs[4], dont les caisses de pension n’ont visiblement eu que faire jusqu’ici. Il est d’autant plus impératif de les inciter à modifier leurs pratiques d’investissement. La sécurité de notre climat converge avec celle de nos retraites.

La transparence est à assurer en priorité

La première priorité est d’instaurer enfin la transparence sur l’impact climatique des différents investisseurs et, en particulier, des caisses de pensions. Elles nous le doivent bien, puisqu’elles gèrent finalement notre argent. Le Conseil fédéral a effectué un pas important en mettant à leur disposition un instrument crédible d’évaluation de leur compatibilité climatique. Son utilisation doit être généralisée à l’ensemble des caisses de pensions, plutôt qu’offerte à quelques volontaires. Les résultats de ces évaluations doivent en outre être rendus publiques. A ce stade, les résultats individuels des tests de compatibilité climatique effectués n’ont en effet pas été publiés[5]. Or, pour que les assurés puissent exiger de leurs caisses de pensions des investissements responsables, ils doivent être informés sur leurs pratiques[6].

Des stratégies de désinvestissement doivent être exigées

Ensuite, la Suisse doit respecter les engagements qu’elle a pris dans le cadre de l’Accord de Paris, en particulier d’associer les flux financiers à la transition vers une économie respectueuse du climat. L’important levier des investissements doit être actionné. Pour ce faire, le Conseil fédéral devrait notamment exiger des caisses de pensions qu’elles élaborent des stratégies de réduction des émissions de CO2 liées à leurs investissements et qu’elles les rendent publiques, parallèlement aux résultats de leurs tests de compatibilité climatique. Le but à poursuivre est que nos caisses de pensions inscrivent rapidement leurs investissements dans un scénario de réchauffement climatique inférieur à deux degrés et non pus de quatre à six degré, comme c’est le cas actuellement.

Des objectifs sectoriels ou des conventions sont à déterminer

Des objectifs de réduction des émissions de CO2 spécifiques, applicables à l’ensemble de la branche, devraient d’ailleurs être intégrés dans le cadre de la Loi sur le CO2, afin de préciser les attentes de la Confédération envers ce secteur. De tels objectifs sectoriels ont déjà été adoptés pour certains autres domaines d’activités, dans le cadre des précédentes politiques climatiques de notre pays. On pourrait aussi les déterminer sous la forme de conventions d’objectifs, qui devraient toutefois être assorties de sanctions fermes en cas d’échec, afin que l’on puisse être assuré de leur efficacité.

La prévoyance, c’est aussi une qualité

Après tout, les caisses de pensions devraient, par définition, adopter une vision responsable et orientée sur le long terme, puisqu’elles ont pour vocation de nous assurer un revenu durant la période à venir de notre vieillesse. Le mot de prévoyance ne s’applique pas seulement à nos retraites (la « prévoyance vieillesse »). Il décrit aussi, selon le Larousse, la «qualité de quelqu’un qui sait prévoir et qui prend des dispositions en conséquences». Nous savons très bien aujourd’hui quels sont les effets désastreux des changements climatiques et combien ils affecteront, de manière plus violente encore, nos descendants. A nous, dès lors, de prendre « des dispositions en conséquence ».

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[1] https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-68482.html

[2] Dans l’article 2 de l’Accord de Paris, il est précisé qu’il s’agit de rendre « les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques. »

[3] Selon l’étude « Risque carbone pour la place financière suisse » disponible ici https://www.admin.ch/gov/fr/start/dokumentation/medienmitteilungen.msg-id-59285.html: « Globalement les placements en actions à l’étranger de toutes les caisses de pension génèrent 25,1 millions de tonnes d’éq.- CO2, ce qui correspond à peu près à la moitié des émissions annuelles de gaz à effet de serre de la Suisse. Lorsque l’on calcule les émissions financées par assuré, on arrive à 6,4 tonnes d’éq.-CO2  supplémentaires émises à l’étranger (à titre de comparaison, en Suisse, les émissions annuelles de gaz à effet de serre par habitant s’élevaient à 6,5 tonnes d’éq.-CO2  en 2013). » Un article de Bilan cite même un rapport d’une fois et demi: http://www.bilan.ch/argent-finances/investisseurs-suisses-frileux: « Chaque année, un habitant suisse émet en moyenne 9 tonnes d’équivalent CO2 via le financement de sa retraite, soit une fois et demie les émissions liées à son activité ».

[4] Selon l’étude « Risque carbone pour la place financière suisse » disponible ici https://www.admin.ch/gov/fr/start/dokumentation/medienmitteilungen.msg-id-59285.html: « Sur la place financière suisse, les investissements sont donc réalisés dans une très large mesure dans des entreprises à fort taux d’émission de CO2. Les émissions financées de cette manière sont incompatibles avec un objectif de deux degrés. De plus, ces investissements comportent des risques importants qui pourraient entraîner des pertes de valeur considérables tant pour les investisseurs concernés que pour l’ensemble de l’économie. […] Jusqu’à présent, la plupart des investisseurs ne reconnaissent pas, ni ne contrôlent, ce risque. »

[5] Pour le moment, seules la caisse de pensions bernoise BPK, la caisse de pensions de la ville de Bienne et la Fondation Abendrot ont promis d’informer leurs assurés.

[6] Plusieurs sondages montrent que les assurés sont sensibles à cette question et souhaitent que leurs caisses de pensions soient gérées dans un meilleur respect du climat. Une étude de Robecco SAM de 2014 montre que 72 % des assurés réclament des stratégies d’investissement plus durables de la part de leur caisse de pensions. Et 52 % d’entre eux veulent savoir comment leurs capitaux de prévoyance sont investis. Le sondage Univox de 2015 allait dans le même sens puisqu’il a montré que la majorité relative des personnes interrogées (49 %) souhaite que sa caisse de pensions réduise ses investissements dans les énergies fossiles au profit des énergies renouvelables.

Initiative Fair Food pour des aliments équitables : de quoi parle-t-on ?

Une discussion sur de mauvaises bases

Le Conseil national a débuté hier, le 26 septembre, le traitement de l’initiative Fair Food pour des aliments équitables. Or le débat est parti sur de mauvaises bases. En effet, la majorité de la commission a fait sienne une interprétation inadéquate du texte. A ses yeux, le but de l’initiative serait d’appliquer directement et telles quelles aux produits alimentaires importés les innombrables normes régissant la production agricole suisse. Il n’en est évidemment pas question ! Une telle démarche serait impossible à mettre en œuvre et ce n’est pas le propos de l’initiative. Revenons donc à son texte[1].

Améliorer la qualité de l’offre alimentaire, en particulier des importations

L’initiative veut que « la Confédération renforce l’offre de denrées alimentaires sûres, de bonne qualité et produites dans le respect de l’environnement, des ressources et des animaux, ainsi que dans des conditions de travail équitables. » Il s’agit donc d’un processus évolutif que l’initiative veut amorcer, comme le démontre l’idée de « renforcement ». Surtout, l’initiative pour des aliments équitables s’intéresse d’abord, non pas à la production agricole suisse, mais à l’ensemble de l’offre en denrées alimentaires disponible dans notre pays, dont la qualité écologique et sociale doit être améliorée. Ceci implique les importations et c’est principalement là que la marge de manœuvre est importante.

En effet, alors que les produits suisses sont soumis à toute une série de réglementations, les denrées importées sont souvent produites à l’étranger dans des conditions qui sont à des années lumières de l’agriculture durable que les consommateurs suisses appellent de leurs vœux. Nous importons entre autres des fruits et légumes cultivés de manière intensive par des ouvriers agricoles surexploités dans le Sud de l’Europe ou dans des pays en développement, des produits transformés contenant des œufs de poules en batteries, ou encore de la viande issue d’animaux élevés en masse dans des usines. Cette situation pourrait se péjorer encore à l’avenir, avec des accords internationaux comme le TTIP, qui mettront notre production locale fortement sous pression.

Définir des exigences écologiques et sociales simples et applicables

Pour remédier à cette situation insatisfaisante et renforcer la qualité écologique et sociale de l’offre en produits alimentaires de notre pays, la Confédération doit, selon le texte de l’initiative, fixer « les exigences applicables à la production et à la transformation ». Ce sont à ces exigences portant sur l’offre – et non à l’ensemble complexe des normes régissant la production agricole suisse – que les produits importés doivent au moins correspondre. De telles exigences devraient s’inspirer des grands principes appliqués en Suisse[2], mais elles devraient bien sûr être simplifiées et fixer des priorités afin que leur application soit possible. Les standards internationaux existants pourraient aussi servir de référence. Les exigences définies par le Conseil fédéral constitueraient ainsi une forme de ligne rouge, au-delà de laquelle les produits alimentaires devraient être clairement défavorisés voire exclus du marché. Des conditions de détention correctes pour les animaux ou le respect de certaines normes internationalement reconnues en matière de travail devraient certainement figurer en bonne place.

Utiliser des instruments compatibles avec les règles internationales

Le texte de l’initiative précise encore la manière dont la Confédération pourrait appliquer ces exigences visant à renforcer la qualité écologique et sociale de l’offre en denrées alimentaires, en citant différents instruments. Le plus simple est bien entendu de décider d’exclure certains produits issus de pratiques inacceptables du marché mais, si cela n’est pas réalisable du fait de dispositions internationales, ou si cela n’est pas souhaité, d’autres mesures existent. Il serait par exemple possible de conclure des conventions d’objectifs avec les distributeurs et les importateurs, qui s’engageraient par exemple à ne plus importer, après un certain délai, de viande issue d’élevages ne respectant pas des exigences correctes en matière de bien-être animal.

Respect des animaux : prendre les distributeurs au mot

A vrai dire, c’est déjà ce que propose un distributeur suisse bien connu, sous la forme de promesses faites à la génération à venir. Ce distributeur affirme en effet qu’il appliquera les standards suisses pour le bien-être animal à tous ses produits importés d’ici à 2020. L’initiative pour des aliments équitables veut assurer que de telles promesses, qui sont pour le moment d’ordre strictement publicitaire, soient effectivement appliquées. Elle permettrait surtout d’y rallier les autres distributeurs, y compris les moins responsables qui, sans cela, concurrencent inutilement les bons élèves et trompent des consommateurs souvent mal informés.

Une autre possibilité est précisément d’informer correctement les consommateurs des modes de production des produits alimentaires que nous importons[3]. L’exemple des œufs de poules en batterie prouve que cela peut avoir le même effet qu’une interdiction. Les œufs de poules élevées en batterie doivent en effet être déclarés comme tels. Dès lors, on n’en trouve pas sur le marché, car les distributeurs considèrent – probablement à raison – que les consommateurs n’en voudraient pas. Cette exigence ne s’applique cependant pas aux produits transformés contenant des œufs. L’initiative pourrait y remédier et améliorer l’information des consommateurs pour d’autres produits.

Favoriser les produits socialement responsables

Dans le domaine social, la Confédération pourrait citer, parmi les exigences qu’elle devrait fixer en vue de renforcer la qualité de l’offre en denrées alimentaires, le respect des normes internationales de l’OIT, qui excluent notamment le travail forcé ou le travail des enfants et assurent la liberté syndicale des employés. Pour appliquer cette exigence, le Conseil fédéral pourrait également utiliser des conventions d’objectifs avec les importateurs ou encore favoriser clairement, dans le cadre des dispositions douanières, les produits bénéficiant d’un label fair trade ou ceux qui peuvent au moins prouver qu’ils respectent les normes de l’OIT.

Une troisième voie entre protectionnisme et libre-échange

On le voit, une application pragmatique et conforme aux dispositions de l’OMC de l’initiative pour des aliments équitables est tout à fait possible. Elle serait dans l’intérêt des consommateurs qui souhaitent, comme l’a encore démontré le plébiscite du vote sur la sécurité alimentaire dimanche passé, acheter des produits issus d’une agriculture durable. Les pratiques que les consommateurs jugent inacceptables dans nos frontières ne deviennent pas soudainement tolérables à leurs yeux lorsqu’elles ont lieu à l’étranger. En témoigne par exemple le scandale qu’ont déclenché dans notre pays les révélations sur les conditions de travail des ouvriers agricoles à Almeria[4].

L’initiative pour des aliments équitables est aussi favorable aux agriculteurs suisses. Le dumping écologique et social suscité par les produits importés issus de pratiques sociales et écologiques intolérables constitue une forme de concurrence déloyale pour leur production. Tout le monde a intérêt à une concurrence équitable, basée sur la qualité et sur des règles du jeu correctes. C’est ce que l’initiative Fair Food pour des aliments équitables veut instaurer. Comme une troisième voie entre le protectionnisme, auquel nous ne pouvons souscrire, et le chaos d’un libre-échange débridé.

[1] https://fair-food.ch/wp-content/uploads/sites/2/2017/09/140507_ini_initiativtext_fairfood_definitiv_dfi.pdf

[2] Nous ne pouvons pas imposer aux importations des exigences que nous ne nous imposons pas à nous-mêmes. Les exigences définies par le Conseil fédéral pour l’ensemble de l’offre doivent donc être conformes aux principes généraux que nous imposons à la production et à la transformation en Suisse. Elles ne peuvent en aucun cas aller plus loin.

[3] Pour le moment, les consommateurs sont informés des lieux de provenance des aliments mais pas de leur mode de production, à l’exclusion des produits labellisés.

[4] Cet exemple montre bien le degré de désinformation dont les consommateurs sont victimes. Les fruits et légumes concernés étaient certes étiquetés quant à leur provenance géographique. Mais avant que des journalistes ne mettent leurs conditions de production en lumière, personne ne se doutait du fait qu’ils étaient cultivés par des ouvriers réduits à des conditions de quasi esclavage et au prix de destructions massives de l’environnement.

No Billag: une attaque inacceptable contre notre démocratie, les minorités et la culture

Le Conseil national débat ce matin de l’initiative dite “No Billag”. Celle-ci propose de renoncer à la redevance qui finance actuellement la SSR, c’est-à-dire la télévision et la radio dans les trois langues nationales, ainsi qu’une série de radios et de télévisions régionales. Cette initiative, sous couvert d’un changement de modèle de financement, vise en réalité l’abolition pure et simple du service public. Elle doit être démasquée et dénoncée comme une attaque contre notre démocratie, contre les minorités linguistiques et contre la culture.

No Billag s’attaque à notre démocratie

No Billag est une attaque contre notre démocratie. En coupant les revenus de la SSR, l’initiative va considérablement affaiblir l’infrastructure médiatique indispensable à la formation de l’opinion politique des citoyens de notre pays. Nous sommes toutes et tous très fiers de notre démocratie directe. Tous les trois mois, les citoyens suisses sont appelés aux urnes et prennent des décisions fondamentales pour l’avenir de notre pays. Ce beau système ne fonctionne cependant correctement que sous certaines conditions : il dépend notamment de l’existence de médias de qualité, qui constituent un forum, un relai, un catalyseur du débat public.

Or cette fonction essentielle est aujourd’hui menacée dans notre pays. Aujourd’hui, la presse écrite est atteinte dans sa diversité comme dans sa qualité, suite aux contraintes de la numérisation, qui nécessitent un changement majeur de son modèle économique. Des publications de référence disparaissent et la réduction des moyens de celles qui subsistent en appauvrit les contenus, qui deviennent de plus en plus homogènes. Les publications sont possédées par un nombre de plus en plus réduit d’acteurs et des groupes d’intérêts en rachètent certaines, au détriment de leur indépendance éditoriale.

C’est dans un tel contexte, qui constitue déjà un danger clair pour notre démocratie, que No Billag veut menacer encore le service public. La SSR est pourtant un maillon essentiel de l’infrastructure médiatique dont dépend notre démocratie. Elle est en effet tenue, comme organisation indépendante des intérêts politiques et économiques, de garantir une offre neutre et diversifiée, qui illustre de manière impartiale et équitable la variété des opinions politiques et des intérêts en tout genre. Sans une SSR forte, et alors que la situation des médias écrits est alarmante, le débat public suisse ne pourra tout simplement plus avoir lieu dans des conditions correctes, mettant en péril les fondements de notre démocratie.

No Billag s’attaque aux minorités

No Billag constitue par ailleurs une attaque contre les minorités, dont le respect est pourtant l’une des valeurs fondamentales de notre pays. Les prestations de la SSR, des stations radio dans les régions périphériques et des télévisions régionales, sont particulièrement précieuses pour les minorités linguistiques. S’il est déjà difficile d’envisager le maintien d’une telle offre sans la redevance en Suisse alémanique, il est évident qu’elle ne serait en aucun cas viable dans des bassins de population aussi restreints que la Suisse romande ou le Tessin, qui génèrent des coûts fixes élevés pour des possibilités de revenus comparativement faibles.

C’est précisément un système de péréquation financière interne à la SSR qui a permis jusqu’ici de financer des offres de radio et de télévision complètes et de qualité dans ces régions. No Billag menace donc tout particulièrement la possibilités, pour les régions périphériques et les minorités linguistiques, d’être correctement informées, dans leur propre langue, sur l’actualité politique, économique et culturelle en général mais aussi et surtout sur l’actualité de leur propre pays et de leur propre région. Aucune des chaînes de radio ou de télévision étrangères ne fournit ni ne fournira jamais ce type de prestation. Cette attaque contre les minorités et inacceptable et porte atteinte tant à nos valeurs qu’à la cohésion du pays.

No Billag s’attaque à la culture

Enfin, No Billag constitue une attaque contre la culture et la formation. La SSR investit en effet chaque année plus de 300 millions de francs dans ces domnaines, dont plus de 40 millions dans le seul secteur du cinéma suisse. Plusieurs festivals, à l’image de la récente Schubertiade, de nombreux orchestres ou des manifestations littéraires, dont le Salon du livre de Genève, dépendent de ces soutiens. Nous avons besoin de ces productions et événements localement ancrés, qui offrent un accès direct à la culture à toutes et à tous.

Le cinéma suisse nous apporte en outre un regard unique sur des questions qui nous concernent spécifiquement, dans notre identité ou dans notre quotidien. Il nous montre également le monde depuis là où nous nous trouvons, car un regard est toujours incarné. Cette production ne sera remplacée par aucune autre et doit dès lors continuer à être soutenue. Pour cela, nous avons besoin d’un service public fort.

Il faut espérer que le Conseil national rejettera ce texte irresponsable avec la plus grande vigueur ce matin, comme l’a déjà fait le Conseil des Etats. Et nous devons nous préparer à défendre devant le peuple, probablement au printemps 2018, un service public qui a certes un prix, mais qui joue un rôle indispensable et irremplaçable dans notre pays.

En Suisse, la biodiversité se meurt dans l’indifférence générale

Pendant la session d’été 2008, le Conseil national acceptait une proposition de ma part, demandant au Conseil fédéral d’élaborer une stratégie pour la biodiversité pendant la législature[1]. Pour obtenir une majorité, j’avais reçu le soutien du président de la Confédération d’alors, Pascal Couchepin, et je me souviendrai toujours du « alors, t’es contente ? » qu’il m’a lancé à l’issue du vote.

Stratégie biodiversité : une victoire sans suite

C’était il y a bientôt dix ans. Or, depuis cette victoire, il ne s’est quasiment rien passé et notre biodiversité continue à subir des dégâts irréversibles. Le tout dans l’indifférence générale. Un document intitulé « Stratégie Biodiversité Suisse » a certes été validé par le Conseil fédéral en avril 2012[2]. Il fixe dix objectifs ambitieux, à réaliser d’ici 2020. Il s’agit notamment d’assurer une véritable infrastructure écologique permettant, via un réseau de zones protégées, un maintien durable de la biodiversité, de limiter la pression sur les ressources naturelles ou encore d’enrayer la disparition des espèces prioritaires au niveau national. Pour atteindre ces objectifs, un plan d’action était annoncé pour 2014. On l’attend toujours.

On peut bien sûr condamner les lenteurs administratives, mais le renforcement des élus anti-écologistes au parlement a certainement aussi joué un rôle. Un plan d’action crédible, qui comprendrait des mesures assez fortes pour atteindre les objectifs fixés par la Stratégie Biodiversité, aurait bien peu de chances aujourd’hui. Et la volonté politique exprimée en 2008 s’est émoussée. Le plan d’action, quand il sortira, ne comprendra probablement pas de mesure ambitieuse. On le sait déjà, les objectifs fixés dans la Stratégie Biodiversité ne seront pas atteints en 2020.

Un rapport publié par les organisations de protection de la nature illustre l’échec de notre pays dans ce domaine[3]. La Suisse figure parmi les plus mauvais élèves, à l’échelle européenne, en matière de préservation de la biodiversité. Nous serons en outre, probablement, le seul pays d’Europe a ne pas atteindre l’objectif de la Convention européenne sur la biodiversité relatif aux aires protégées d’ici à 2020. Une honte. En Suisse, la biodiversité est dans un état grave, qui exigerait plus que jamais des mesures ambitieuses. En pleine pause estivale, l’Office fédéral de l’environnement publiait des résultats inquiétants[4] : la moitié des milieux naturels étudiés dans notre pays est menacée, ainsi qu’un tiers des espèces animales et végétales.

Un enjeu peu spectaculaire, mais fondamental

Or la préservation de la biodiversité n’est pas une lubie de biologiste en birkenstock. Nous dépendons des services écosytèmiques que nous fournit la nature. Les pertes de biodiversité menacent notre approvisionnement en matières premières, en denrées alimentaires et en médicaments. La biodiversité contribue par ailleurs à la beauté de nos paysages et des espaces où nous nous ressourçons. Mais voilà, il n’y a pas de GIEC[5] de la biodiversité. Sa disparition n’est pas spectaculaire, elle ne fait pas les gros titres des journaux. En Suisse, nos forêts sont touffues et nos campagnes verdoyantes. Quand on les contemple, on n’a pas l’impression qu’un drame ahurissant est à l’œuvre, chez nous comme ailleurs : la sixième extinction, avec plus de 50 % des animaux qui ont déjà disparu durant les quarante dernières années[6]. Quand on voit combien il est difficile de prendre des mesures efficaces contre le changement climatique, alors que nos écrans sont pleins d’images de glissements de terrains ou d’ouragans, on mesure le défi que représente la mise en place de politiques crédibles pour préserver la biodiversité.

Il faudra pourtant bien s’y mettre et les solutions sont connues : gestion durable des ressources, agriculture respectueuse de l’environnement, protection et mise en réseau des biotopes les plus précieux. Pour qu’elles puissent être mises en œuvre, un effort considérable d’information et de sensibilisation, du public comme des décideurs, est nécessaire. Il faut probablement mieux faire connaître l’existence des services écosystémique. Mais au-delà de leur dimension technique, nous devons nous confronter à ces questions fondamentales: peut-on décemment envisager de léguer à nos enfants une nature appauvrie, dont les êtres vivants auraient été décimés par notre génération ? De quel droit portons-nous aussi massivement atteinte au monde magnifique du vivant ? Sommes-nous devenus incapables d’en percevoir l’inestimable valeur et de la respecter ? Quel peut être notre avenir sur cette Terre, si nous éliminons autant de nos compagnons de route ?

[1] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/amtliches-bulletin/amtliches-bulletin-die-verhandlungen?SubjectId=13453#votum11

[2] https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/biodiversite/publications/publications-biodiversite/strategie-biodiversite-suisse.html

[3] http://www.birdlife.ch/fr/content/la-biodiversite-suisse-decline-et-la-confederation-ne-fait-rien

[4] https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/documentation/communique/anzeige-nsb-unter-medienmitteilungen.msg-id-67565.html

[5] http://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml

[6] https://www.rts.ch/info/sciences-tech/environnement/8769947-l-extinction-de-masse-des-animaux-s-accelere-selon-des-scientifiques.html

Pourquoi il faut accélérer la transition vers l’électromobilité

Les voitures électriques sont d’actualité. Tesla vient de sortir les premiers exemplaires de son modèle 3 qui va offrir, pour le prix d’une Golf, une technologie de pointe à 100 % électrique et en partie automatisée. Parallèlement à cela, plusieurs pays débattent de dates à partir desquelles les nouvelles voitures immatriculées sur le marché devraient êtres exclusivement électriques : 2025 en Hollande et en Norvège, 2040 en France et en Angleterre. L’Inde veut même exclure totalement les voitures à moteur thermique de ses routes d’ici à 2030.

Les nouvelles voitures toutes électriques dès 2025 ?

En Suisse, les Verts ont déposé au parlement la même proposition que celle qui est actuellement défendue par le gouvernement norvégien et qui a d’ores et déjà été adoptée par la chambre basse aux Pay-Bas, à savoir que l’on n’immatricule plus que des nouvelles voitures électriques à partir de 2025[1]. Les voitures à essence ou diesel déjà en circulation resteraient par contre autorisées à la circulation et à la vente d’occasion. Si l’on tient compte de la durée de vie moyenne des voitures, cela signifierait qu’en 2035 environ, notre parc automobile deviendrait totalement électrique, à l’exception des voitures anciennes ou de collection.

Lors des discussions autour du dépôt de cette proposition, j’ai réalisé que beaucoup de personnes étaient mal informées sur les voitures électriques et que certaines pensaient même qu’une transition rapide vers l’électromobilité était impossible. Voici quelques arguments qui montrent le contraire.

Les voitures électriques ont désormais une grande autonomie

Ceux qui pensent que les voitures électriques n’offrent pas une autonomie suffisante se trompent. Les modèles actuels permettent de rouler de 300 à 500 km entre deux recharges. C’est énorme ! Les Suisses ne parcourent que 36 km par jour en moyenne. L’idéal est de charger sa voiture électrique la nuit, comme on le fait avec son téléphone portable. C’est très facile pour ceux qui ont une place de parc privée : il leur suffit d’y installer une prise identique à celle de nos cuisinières. C’est par contre un problème pour les autres. Certaines communes s’engagent pour équiper des places de parc publiques et des entreprises privées sont aussi actives : le réseau de recharge s’améliore donc chaque jour[2]. Un surcroît de volonté politique est cependant nécessaire pour accélérer le processus. Déterminer une date à partir de laquelle les nouvelles voitures seraient toutes électriques contraindrait les collectivités publiques à s’engager pour que le réseau de recharge soit optimisé. Ce serait aussi un signal fort pour le privé, que ce soit pour les constructeurs automobiles ou pour les installateurs de stations de recharge.

Les voitures électriques sont moins chères que ce que l’on croit

C’est vrai, les premiers modèles de Tesla sont chers. Mais pas plus que des berlines Audi, Volvo ou BMW du même niveau de qualité[3]. Ceci dit, le dernier modèle Tesla, disponible dans un an en Europe, coûtera deux fois moins cher, et Renault propose maintenant déjà un modèle, la Zoé, autour des 20’000 francs. La Leaf de Nissan, le modèle électrique le plus vendu au monde, est disponible à partir de 22’000 francs et une toute nouvelle mouture, 100 % électrique et dotée d’assistants de conduite, sortira le 5 septembre. Opel annonce pour sa part la sortie de 29 nouveaux modèles électriques entre 2016 et 2020. Enfin, Volvo se concentrera sur les véhicules en partie ou totalement électriques dès 2019. Le marché va donc être inondé de nouvelles voitures électriques aux prix de plus en plus compétitifs dans les années qui viennent[4]. Par ailleurs, si le prix d’achat est relativement plus élevé, pour le moment du moins, le prix d’usage d’une voiture électrique est très avantageux. L’électricité est en effet moins chère que l’essence et les frais d’entretien sont négligeables par rapport à ceux d’une voiture traditionnelle. La Suisse ne mène pas de politique d’encouragement à l’achat, comme c’est le cas en France, par exemple[5]. Par contre, des avantages fiscaux sont offerts dans certains cantons. Un bilan global montre aujourd’hui qu’une voiture électrique n’est pas significativement plus chère qu’un modèle à moteur thermique équivalent, si l’on considère son prix au km. Dans certains cas, le coût peut même être plus avantageux. Et en 2025, l’offre sera suffisante pour que chacun puisse trouver un modèle qui lui convienne à un prix correct, surtout si les collectivités publiques donnent des signaux clairs au marché.

Les voitures électriques sont plus écologiques que les voitures thermiques

Le bilan écologique d’une voiture électrique doit être considéré de manière globale[6], de la fabrication à la fin de vie, y compris celle des batteries, qui doivent impérativement être réutilisées ou/et recyclées[7]. L’Empa a réalisé une étude de ce type en 2013[8]. Elle montre que le bilan écologique des voitures électriques dépend principalement de l’origine de l’électricité qu’elles utilisent. Ce bilan n’est moins bon, en comparaison avec une voiture à moteur thermique, que dans le cas où l’électricité utilisée serait issue à 100 % du charbon, ce qui est une hypothèse purement théorique. Avec le mix énergétique suisse, une voiture électrique est trois fois plus écologique qu’une voiture à moteur thermique en termes d’impact CO2. Même avec le mix énergétique européen, le résultat est deux fois plus positif. Ce bilan va encore s’améliorer régulièrement, dès lors que la Suisse comme ses voisins européens se sont engagés dans la transition énergétique et produiront, dans les années qui viennent, une part de plus en plus importante d’électricité d’origine renouvelable. Le surcroît de courant qui serait consommé en cas de transfert de l’ensemble de notre parc automobile à l’électricité correspond, selon les calculs, à environ 10 à 15 % de l’électricité produite en Suisse[9]. Si ce chiffre est relativement modeste, c’est parce que les voitures électriques sont extrêmement efficientes : leur rendement est de 80 à 90 %, alors que les voitures thermiques affichent un rendement misérable de 20 à 30 %. L’étude de l’Empa montre enfin que les voitures électriques ont aussi, outre au niveau climatique, un impact moindre en matière d’utilisation des ressources, d’atteintes aux écosystèmes et d’atteintes à la santé humaine (elles n’émettent en particulier pas de substances toxiques, contrairement aux voitures à essence et, surtout, au diesel, et sont beaucoup plus silencieuses).

Mais les voitures électriques ne résolvent pas tout

Il ne faut cependant pas se leurrer. Malgré leurs nombreux avantages, les voitures électriques ne résolvent de loin pas tous nos problèmes de mobilité et doivent donc être intégrées à une politique de mobilité globale. Elles occupent autant de surface que des voitures à moteur thermique et ne changent donc rien aux embouteillages, ni à la saturation de l’espace public par les véhicules en ville. Il reste toujours plus écologique de rationnaliser ses déplacements[10] et de privilégier les transports publics quand c’est possible, ou la mobilité douce, avec tous les avantages supplémentaires qui en découlent pour la santé. Le car-sharing garde un gros potentiel de développement qui doit encore être exploité, surtout en ville, et il faut veiller à ce que l’automatisation optimise, à terme, l’usage des véhicules. Dans les années qui viennent, les nouvelles voitures seront de plus en plus automatisées, ce qui va révolutionner le lien de propriété que nous entretenons aujourd’hui avec elles et générer de nouvelles synergies avec les transports publics. Enfin, construire une voiture électrique requiert des matières premières précieuses, dont l’extraction se fait souvent dans des conditions problématiques et qui doivent ensuite être recyclées. Bref, une meilleure maîtrise de notre mobilité, le transfert modal, une réduction du nombre de véhicules et une utilisation plus rationnelle de ceux qui restent sont encore et toujours des objectifs à poursuivre.

Pourquoi accélérer une transition qui est déjà en cours ?

L’électrification de notre parc automobile est en cours. On pourrait donc penser que « les choses vont se faire d’elles-mêmes » et qu’il n’est pas nécessaire de prendre des mesures. Il est vrai que la transition aura lieu dans tous les cas. Mais le rythme auquel elle aura lieu est important. Actuellement, en Suisse, seul 1 % des voitures nouvellement immatriculées sont électriques, et les consommateurs achètent encore à 40 % des voitures diesel, malgré le scandale VW et les effets désastreux de ces véhicules sur notre santé. La pression sur les collectivités publiques pour qu’elles améliorent le réseau de recharge est faible, ce qui ralentit d’autant la transition. Or, les dernières études scientifiques montrent qu’il nous reste très peu de temps pour respecter l’objectif de maintien du réchauffement climatique en dessous de 2 degrés[11]. Nous ne pouvons continuer à ce rythme, en négligeant le potentiel de solutions technologiques qui existent aujourd’hui déjà : il faut agir pour qu’elles s’imposent sur le marché et que la transition se fasse plus rapidement.

Ce ne serait pas la première fois qu’on exclurait une technologie obsolète du marché

Après tout, nous avons déjà pris des mesures de ce type. En septembre 2012, la Suisse a interdit la vente d’ampoules à incandescence (tout en autorisant l’utilisation, jusqu’à leur fin de vie, de celles qui étaient déjà vendues), au profit des ampoules LED, beaucoup plus efficientes. Elle a été suivie, quelques mois plus tard, par l’Union européenne. Il y a quelque mois, le peuple suisse votait la même mesure d’exclusion d’une technologie obsolète, pour valoriser les énergies renouvelable : on ne peut désormais plus construire de nouvelles centrales nucléaires, mais celles qui sont là peuvent fonctionner jusqu’à la fin de leur durée de vie.

La Suisse, championne de l’innovation ?

Une telle mesure est efficace, peu onéreuse et permet aux consommateurs d’accéder aux technologies propres les plus récentes, en luttant contre la concurrence que leur font inutilement des technologies dépassées et dangereuses tant pour l’environnement que pour notre santé. Des technologies dépassées dont nous faisons payer le coût réel, sous forme d’impact écologique et sanitaire, à nos enfants. D’autres pays vont de l’avant. Que fera la Suisse, elle qui aime tant se décrire comme une championne de l’innovation ?

 

[1] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20173081 En 2013 déjà, les Verts votaient une résolution favorable à l’électromobilité: https://verts.ch/communiques/plan-daction-electromobilite Les progrès technologiques réalisés depuis nous permettent d’être encore plus ambitieux aujourd’hui.

[2] On en est actuellement à environ 4’000 bornes recensées à l’échelle suisse, dont 1’600 stations publiques.

[3] Les voitures électriques offrent en outre un confort de conduite bien supérieur aux voitures traditionnelles.

[4] Le marché des véhicules électriques d’occasion, qui existe aujourd’hui déjà, va en outre s’élargir, avec des prix encore plus abordables.

[5] De 6’000 à 10’000 euros de bonus écologique à l’achat d’une voiture électrique. Une telle mesure serait politiquement difficile à faire passer en Suisse. Pourtant, on subventionne bien l’installation des nouveaux systèmes de chauffage renouvelables dans le domaine des bâtiments.

[6] Il devrait aussi en être ainsi lorsque l’on réalise le bilan écologique d’une voiture à essence, or ce n’est pas toujours le cas. Il faudrait en particulier comptabiliser l’ensemble des impacts, notamment ceux qui sont liés à l’extraction du pétrole ou à son transport, en amont de l’utilisation de la voiture. Les atteintes à la santé (pollution de l’air, bruit), doivent aussi être considérées.

[7] On sait le faire aujourd’hui. Les batteries devenues trop paresseuses pour les voitures peuvent être utilisées pour d’autres usages moins exigeants, dans les maisons ou dans des fermes de stockage, qui permettent d’équilibrer la production intermittente d’électricité issue des énergies renouvelables avec les besoins des consommateurs. BMW s’engage déjà dans ce sens : https://electrek.co/2016/09/22/bmw-bosch-energy-storage-facility-built-from-batteries-from-over-100-electric-cars/ Les batteries peuvent et doivent par ailleurs, qu’elles aient bénéficié d’une seconde vie ou pas, être recyclées : https://www.tesla.com/fr_CH/blog/teslas-closed-loop-battery-recycling-program?redirect=no

[8] Cet article en offre un bon résumé : https://www.tagesanzeiger.ch/wissen/technik/Wie-sauber-sind-Elektroautos-wirklich/story/21027239 L’étude se trouve ici: https://www.ta-swiss.ch/?redirect=getfile.php&cmd[getfile][uid]=2400 Malgré le bilan écologique favorable, elle relève aussi quelques points problématiques liés à l’électromobilité, qu’il faudra évidemment gérer. Le renoncement à l’essence nécessitera tout d’abord que le financement de l’entretien des infrastructures routières soit repensé (nouveau système ou prélèvements sur l’électricité). Par ailleurs, il existe, avec les voitures électriques, un fort risque d’effet rebond (grand confort de conduite, plus prix bas de l’électricité, plus bonne conscience : on est moins incité à un usage rationnel du véhicule). Enfin, même si le bilan écologique global est positif, il faut veiller à améliorer le bilan écologique spécifique de l’extraction des matériaux nécessaires à la production des voitures électriques, car il reste très mauvais.

[9] Voir notamment à la rubrique environnement de cette page : http://www.forum-elektromobilitaet.ch/fr/home-fr/e-drive/faq.html.

[10] Par exemple en travaillant à distance quand c’est possible. Un système de mobility-pricing doit aussi être instauré, pour mieux gérer les pics dans l’utilisation des infrastructures de transports (route et rail).

[11] http://tempsreel.nouvelobs.com/sciences/20170628.OBS1345/rechauffement-climatique-il-ne-reste-que-3-ans-pour-inverser-la-tendance.html