On rouvre les yeux?

Comme un petit air de printemps par ce temps très estival! Je réanime mon blog kiévite après près de deux années de léthargie. Si le blog a été peu actif, je n’ai pas chômé pour autant. Avec deux livres (l’Ange Blanc sorti en 2016 aux éditions Noir sur Blanc (projet dont Le Temps a réalisé la meilleures de toutes les e-parution) et Looking for Lenin sorti cette année aux éditions FUEL Publishing (anglais) et en français aux éditions Noir sur Blanc), une trentaine d’expositions, dont celle de Looking for Lenin aux rencontres d’Arles qui a même été récemment approuvée par Emmanuel Macron, le lancement de Météore, le journal imprévisible de l’agence Lundi13, et plein d’autres choses, ces deux années ont été très agitées!

Tout cela m’a hélas laissé très peu de temps pour écrire ici sur l’Ukraine qui bouge et se transforme. Mais mettons fin à ce long silence et commençons enfin quelque chose de nouveau! L’aile française du fabricant chinois Huawei m’a confié il y a peu un de leurs derniers modèles aux propriétés photographiques estampillées Leica (le P10 en l’occurence) avec pour seule consigne de l’utiliser. Une offre alléchante, surtout pour un utilisateur convaincu de produits apple depuis plus de douze ans. J’aime les gadgets et j’aime voir ce que la technologie peut apporter dans mon travail quotidien.

Pour tester ce téléphone et ses capacités photographiques de manière stimulante pour moi -et je l’espère- pour vous, j’ai décidé de commencer un petit tour des endroits que j’aime à Kiev. Des reliques soviétiques au dernier resto branché, cette ville est riche en surprises que j’aime partager avec les amis qui nous rendent visite. Ce petit projet que j’estampillerai temporairement #MyKyiv (en attendant de trouver un meilleur hashtag, suggestions bienvenues!) est l’occasion de mettre en image ce que j’aime dans cette ville et de profiter des mois à venir pour en découvrir de nouveaux. Je ne sais pas où ça nous mènera, mais j’avais envie de le faire. Ca se passe avant tout -et en anglais- sur mon compte instagram, mais vous le retrouverez aussi ici en français avec quelques détails qu’on n’a pas la place d’écrire sur Instagram. Après tout, j’ai pas nommé ce blog l’oeil de Kiev pour rien!

Première escale de cette exploration aujourd’hui avec deux vues du “nouveau-vieux” vélodrome. L’un des plus anciens d’Europe! Il a ouvert ses portes une première fois en 1913. Début 2000, des promoteurs immobiliers ont tentés de le démolir en construisant un gigantesque immeuble résidentiel à côté. Mais la révolution du Maidan est passée par là l’immeuble, bien que fini, est désert, et des bikers-activistes se sont mobilisés, ont repris possession des lieux et ont commencé les rénovations à leurs frais. Avec l’aide de la mairie, la remise en état a pu être achevée et c’est un vélodrome tout beau tout neuf qui a ouvert le 20 mai. Quelques chouettes restaurants commencent à ouvrir dans les environs, redonnant un dynamisme perdu à ce quartier historique.

Si il y a des choses particulières de Kiev (ou Kyiv pour adopter la graphie locale) que vous souhaiteriez découvrir, dites le moi. Je tiendrai compte de vos suggestions! Et si par hasard vous passez par ici, faites signe!

 

Notre démocratie à l’école du populisme ukrainien?

Longtemps je pensais que le système politique ukrainien actuel était un embryon encore frêle d’une démocratie à l’occidentale. Mais le climat politique actuel me pousse désormais à émettre une hypothèse inverse: et si ce triste spectacle était en fait un signe avant-coureur de ce qui nous attend à l’ouest?

Oui, ceci est bien une affiche de campagne de Ioulia Timochenko en 2010. Elle y dit “Je vais griffer pour l’Ukraine”.

Le système politique Ukrainien est un univers passionnant où presque tout est possible, du flyer à l’assassinat en passant par la manifestation où tous les participants sont rémunérés. En 2010, j’avais couvert avec passion l’élection présidentielle où Ioulia Timochenko, flanquée d’un tigre blanc et de sa fameuse tresse sur ses affiches prétendait être l’incarnation et la gardienne de la culture ukrainienne. Une campagne qu’elle perdra contre Viktor Ianoukovych dont le message se résumait à accuser ses opposants de tous les maux gangrenant le pays, à commencer par la crise économique.

Une des choses qui marque dans la démocratie Ukrainienne, c’est l’absence criante d’idéologies. Les partis sont toujours associés à un chef charismatique, parfois jusque dans le nom. D’une élection à l’autre, les groupes se font et se défont, suivant les nombreux retournements de vestes de leurs chefs. En lieu et place d’un programme basé sur des idéologies classiques (libéral / socialiste / démocrate chrétienne / écologiste etc.), l’offre politique se résume à des promesses démagogiques variant au gré des sondages. De meilleures routes un jour, des subventions sur le prix de l’énergie un autre, augmenter les retraites toujours… Les retraites, ça marche toujours! «On pourrait échanger les programmes de Ianoukovitch et de Timochenko, personne ne le remarquerait.» nous expliquait un politicien ukrainien lors d’un reportage pour l’Hebdo en 2010. C’est toujours valable avec la plupart des politiciens contemporains.

Ironie du sort, le seul parti qui puisse se prévaloir d’avoir une ligne idéologique assez claire et de s’y tenir au fil des ans, ce sont les ultra-nationalistes de Svoboda (Liberté).

En observant ce triste tableau il y a quelques années j’en concluais que la jeune démocratie ukrainienne en était à un statut embryonnaire et que progressivement, des partis basée sur des idées plus que sur des chefs émergeraient. J’espérais qu’après une décennie, la démocratie ukrainienne offre un spectre d’opinions comparable à d’autres systèmes proportionnels occidentaux. L’apparition de jeunes mouvements comme Democratic Alliance au financement transparent et aux membres bénévoles me donnait même une once d’espoir face aux grands partis semblant exister avant tout pour procurer une immunité parlementaire à des hommes d’affaires.

Mais l’actualité récente me fait désormais profondément douter du sens de l’évolution. Est-ce l’Ukraine qui va «occidentaliser» sa démocratie ou est-ce plutôt nous qui nous glissons chaque année un peu plus dans la politique spectacle?

11 décembre 2015, le premier ministre se fait empoigner par un parlementaire, déclenchant une violente bagarre
11 décembre 2015, le premier ministre se fait empoigner par un parlementaire, déclenchant une violente bagarre

On rit volontiers des parlementaires qui se battent comme dans une garderie à la Verkhovna Rada (le parlement ukrainien), mais nos partis traditionnels alignent pourtant toujours plus leurs programmes sur les priorités et propositions absurdes des partis les plus extrêmes. Nos voix soutiennent des initiatives qui jouent sur des sentiments passagers et irrationnels, et on laisse l’information se transformer en une espèce de spectacle humoristique où l’on confond talent politique et capacité à humilier ses contradicteurs.

Trump et Sanders aux Etats Unis, les initiatives populistes de droite et de gauche chez nous, nos voisins français qui se laissent dicter l’agenda politique par le Front National, sans même parler des voisins de l’est ou du nord où le bilan n’est guère plus reluisant… Le politicien de 2016, on le veut fort en gueule. Une gueule capable de déverser au kilomètre des promesses dignes d’un vendeur d’aspirateurs au télé-achat.

Un débat démocratique sain et constructif ne génère pas de buzz sur youtube ou des millions de hits sur les sites de nos journaux, mais on n’a hélas pas trouvé d’autre moyen d’apporter des réponses intelligentes à des questions complexes.

Tant qu’à plagier les populistes, les partis traditionnels seraient bien inspirés bien de copier leurs méthodes pour mobiliser leurs électeurs plutôt que leurs programmes politiques. Quant à nous autres, citoyens, il est vain de critiquer leur emprise tant que nous jouons systématiquement leur jeu en relayant leurs thématiques biaisées et en concevant les solutions aux problèmes uniquement au travers des prismes qu’ils nous proposent. Si le populisme gagne du terrain, c’est à nous qu’il revient de différencier politique et spectacle, service public et coup de pub. En Ukraine, beaucoup disent qu’«on a le gouvernement qu’on mérite». J’espère de tout coeur qu’ici comme là-bas, nous méritons mieux que des politiciens qui se tapent dessus.

Accusé d’être un corrompu notoire par Mikheil Saakachvili, le ministre de l’intérieur ukrainien Arsen Avakov lui jette un verre d’eau. 15 décembre 2015

 

En Ukraine, le futur est peu présent

Il y a quelques temps (beaucoup trop d’ailleurs, j’en suis navré !), je vous expliquais pourquoi il est impossible de prévoir plus d’un rendez-vous par jour en Ukraine et comment tout s’organisait au jour le jour. C’est valable sur la semaine, mais c’est aussi quelque chose qu’on observe sur le long terme. Le rapport des ukrainiens au futur est très différent du notre. Au début, je percevais ça avec un peu de condescendance comme une anticipation attentive de notre part contre une espèce de fatalisme paresseux du leur. Mais c’est bien plus compliqué que cela. Nous aimons tout anticiper, tout calculer. Le taux d’intérêt à 10 ans du crédit qu’on passera notre vie à rembourser pour acheter un 2 pièces, la griffure sur la portière de la Golf, le risque que notre nouveau mixeur tombe en panne dans 3 ans ou le fait de devenir vieux. Une obsession pour le futur qui cache assez mal un fait : à en juger par le nombre d’assurances dont on se dote, nous le voyons toujours plus sombre qu’il n’est réellement.

En Ukraine, les choses sont très différentes. Les décisions se prennent très rapidement, du mariage à l’achat d’un appartement, on se pose étonnamment peu la question des conséquences ou à la durabilité de l’investissement. On ne cherche pas à anticiper ou à savoir ce qu’on fera si quelque chose se passe mal… on verra bien le moment venu. Et heureusement, parce que s’ils pensaient comme des suisses, les ukrainiens ne feraient pas grand-chose ! Épargner ? « Avec nos salaires ?! Tu rigoles ! Et quand bien même on le pourrait, notre monnaie se dévalue en permanence ».

Pourquoi vivons nous autant dans le futur alors qu’eux aussi peu ? Une première explication peut tenir à un héritage de l’époque soviétique. Quand l’Etat prenait tout en charge du berceau au cimetière, il n’était nul besoin de penser à son futur ou de s’en inquiéter. Le Politburo avait déjà tout prévu. Tout était finement planifié par les meilleurs camarades de la révolution.

Mais maintenant que le rêve socialiste a laissé place à une économie de marché sauvage et déséquilibrée, comment expliquer que les ukrainiens ne pensent pas plus à l’avenir ? Récemment, ma professeur de russe m’a donné un émouvant élément de réponse :

«Depuis la naissance de ma fille, il y a eu la catastrophe de Tchernobyl puis l’effondrement de l’URSS et l’indépendance du pays. S’en est immédiatement suivie une crise économique cauchemardesque. Plus de travail dans les usines, plus d’argent pour payer les ouvriers et des choses banales comme acheter un stylo pour pouvoir donner mes cours sont devenues un vrai parcours du combattant.

Plus tard, il y eut la Révolution Orange. On nous promettait monts et merveilles, mais rien n’a changé. La corruption enrichissait les mêmes pendant que nous vivons toujours aussi mal. Puis la deuxième révolution suivie de l’annexion de la Crimée et enfin la guerre dans le Donbass. Toute cette violence, tous ces morts ! Depuis, plus de la moitié de ma famille et de mes amis qui vivent en Russie ne m’adressent plus la parole parce que je vis dans un pays de fascistes à leurs yeux. La dévaluation de la Hryvnia (la devise ukrainienne) a divisé par trois la valeur de notre épargne en un an, les banques ne prêtent plus… Et ça c’est uniquement depuis que ma fille est née! Comment veux-tu qu’on ait envie de penser au futur dans ces conditions ? Jusque là il ne nous a apporté que des malheurs.»

Elle avait perdu son stoïcisme coutumier et plus les souvenirs de ces dernières décennies lui revenaient en tête plus les larmes coulaient. On ne peut effectivement pas lui donner tort, l’histoire contemporaine n’a pas été tendre avec les ukrainiens.

Mais, au delà du constat, ne pas être obsédé par le futur peut aussi être bénéfique. Cela implique de plus savourer le présent. Profiter de qui est déjà là plutôt que penser à ce qui viendra peut-être. C’est aussi savoir rester optimiste et enthousiaste en se disant que quoiqu’il arrive, on trouvera un moyen de se débrouiller. Le confort auquel on est tant habitué nous rend vulnérable quand l’idée de pouvoir le perde tourne à l’obsession. Parfois, on serait bien avisés de simplement rester confiants en notre créativité et en notre instinct de survie plutôt qu’aborder des comportements sur-protecteurs qui nous empêchent de rester audacieux.

Tout en vous souhaitant au travers de ces quelques observations une année 2016 pleine de belles aventures, j’en profite pour m’excuser pour mon inactivité de ces derniers mois. J’ai beaucoup de brouillons en cours mais trop peu de temps pour les terminer. Ça ira mieux –j’espère– quand mon livre sur la jeunesse à l’ombre de Tchernobyl sera sous presse. On s’en rapproche !

Pourquoi on ne fabrique pas de montres en Ukraine?

L’Ukraine est en avance sur la Suisse. D’une heure, très exactement!

Le rapport au temps est probablement l’un des éléments culturels qui m’a posé (et me pose encore) le plus de problèmes ici. C’est pourquoi il me semble important d’en parler dès le début de ce blog. En Suisse, on fabrique des montres, pas en Ukraine. Et ce n’est pas un hasard.

Le décalage horaire

Quand il est 8h à Lausanne, il est 9h à Kiev. Mais on ne souffre pas du décalage horaire pour autant. En effet, toute l’activité du pays semble différée d’une heure. Nos magasins ouvrent à 9h, les leurs à 10h. Nous finissons nos journées à 18h, ils finissent les leurs à 19h… dans le meilleur des cas. J’y reviendrai.

Pour certaines activités, le décalage horaire est encore plus important: n’essayez pas d’acheter du pain frais avant 9 ou 10h du “matin”. La plupart du temps, à l’ouverture, on ne vous proposera que les croûtons du jour précédent et si les horaires sont élastiques, il ne semble pas que les boulangers ukrainiens soient très matinaux.

La journée monotâche

Bien plus problématique qu’une heure de décalage: le rapport à la ponctualité. Pour un Helvète de base, organiser 4 à 5 rendez-vous au cours d’une même journée ne représente rien d’exceptionnel ou d’héroïque. Ici, on n’essaie même pas!

Et pour cause, tout, strictement tout, se fait à la dernière minute. Fixer un rendez-vous plusieurs semaines – même plusieurs jours – à l’avance ne sert à rien. Toute tentative de planification sera modifiée le jour même parce que tous les autres rendez-vous de votre interlocuteur s’organisent au jour le jour. Corollaire de cette réalité: vous abandonnez vite l’idée d’avoir plus d’un rendez-vous important dans la journée.

Petite illustration: vous devez rencontrer le vice-adjoint du maire d’un bled paumé. Sa secrétaire est incapable de vous dire s’il sera libre le lendemain et vous recommande de plutôt l’appeler le matin (c’est à dire à 10h… vous suivez?). Là, elle vous dira probablement qu’il n’est pas encore arrivé au bureau (tu m’étonnes, aussi tôt…) et qu’il faut rappeler plutôt vers 11h. Peine perdue car à 11h, il sera probablement à une réunion qui durera jusqu’à la pause déjeuner (laquelle commence à 13h, cf. supra). Donc à 15h, vous réessayez, on finit par vous dire qu’effectivement, vous pouvez passer à 16h30. Si à 16h30 vous rencontrez votre homme, vous êtes un chanceux. Ca arrive parfois. Mais il est aussi probable qu’un autre rendez-vous extrêmement urgent (on parle quand même du vice-adjoint au maire!) repousse finalement tous vos plans au lendemain. Vous aurez donc passé une journée entière à attendre pour rien… ou au mieux pour rencontrer le vice-adjoint au maire pendant 10 minutes. Cette histoire est basée sur des faits réels.

Le Suisse considère que faire attendre quelqu’un est une forme d’irrespect, parce que cette personne a probablement dû sacrifier d’autres rendez-vous pour lui consacrer du temps. En Ukraine, on s’en contrefout. Du moins, c’est l’impression que j’en ai. Mais gare aux jugements hâtifs! Il y a aussi des choses dont on se moque royalement chez nous qui sont d’une extrême importance ici. Le respect de la hiérarchie par exemple. C’est pourquoi il serait très déplacé de vous moquer du statut de vice-adjoint du maire de ce bled paumé qui vous a gâché votre journée. Il est même recommandé de l’appeler par son patronyme (par exemple, si son père s’appelle Oleksandr et qu’il s’appelle Vassily, ça deviendra “Vassily Oleksandrovych”… vous pouvez donc au moins profiter de votre interminable attente pour apprendre l’arbre généalogique du vice-adjoint au maire).

Le week-end fourre tout

Une autre chose qui heurte mes convictions de représentant du pays des horlogers: le rôle du week-end. Chez nous, les derniers jours de la semaine sont perçus, par les employés comme les employeurs, comme le moment où leur relation s’arrête. Il serait totalement inconvenant d’appeler l’employé durant ces deux précieux jours, et encore plus absurde de le convoquer à une séance.

Ici, le week-end est perçu comme une case temporelle vide. L’employeur ne se pose généralement pas la question de savoir ce que son employé pourrait bien vouloir en faire et n’hésite jamais à y placer les rendez-vous qu’il n’aura pas réussi à agender durant les heures de travail. Ce qui arrive régulièrement, comme vous pouvez l’imaginer. À défaut du week-end, les soirées des employés semblent aussi d’excellents moments pour organiser toute sorte de conférences ou de meetings professionnels qu’on n’a pas pu placer pendant les heures de bureau. Ça fait mal à la vie de famille. Surtout quand on sait que ces horaires de stakhanovistes permettent de ne gagner généralement guère plus de 200 à 500 CHF par mois.

Le temps n’est pas une priorité universelle

Mon billet peut paraître amer, mais je ne souhaite pas juger, juste m’amuser un peu de cette situation. Après tout, c’est moi qui ai choisi de vivre ici et c’est donc à moi d’apprendre de ces différences. Admettre que ce qui est essentiel à nos yeux ne soit pas une notion universelle est une expérience surprenante à travers laquelle on se découvre aussi soi-même.

Cela dit, l’Ukraine a aussi, dans certains domaines – souvent liés aux nouvelles technologies – beaucoup plus qu’une heure d’avance sur la Suisse. J’en parlerai dans un prochain billet.

Note: j’ai remarqué que j’ai énormément de photos de l’absurde ou de l’étrange Ukraine que je veux vous raconter sur mon compte instagram. C’est donc là que je piocherai, dans les prochains articles, des images pour illustrer mes propos.

Qu’est-ce qui n’est pas étrange en Ukraine?

Je ne savais pas comment ouvrir ce blog, quelle phrase pour résumer à la fois mon amour pour ce pays et mon souhait de vous le raconter.

C’est en sortant d’un parking où des gens sont payés pour prendre votre ticket et le mettre dans la machine qui lève la barrière que mon amie, surprise par mon étonnement, s’est écriée: «mais qu’est-ce qui n’est pas étrange en Ukraine?»

Du chauffage dans les cages d’escalier à la manière de commander de la vodka, de la nouvelle police de Kiev aux noms des partis politiques, effectivement, tout est étrange dans ce pays qui n’est pourtant qu’à deux heures et demie d’avion de Genève ou Zurich.

J’ai découvert l’Ukraine en 2009, et n’ai cessé d’y retourner depuis. Au point que j’ai décidé, en février de cette année de m’y installer, à Kiev plus précisément. Ce que j’y fais? J’y finis mon livre sur la ville la plus jeune ville du pays (vous pouvez en apprendre plus par ici), j’y prépare des projets documentaires pour les mois et années à venir, mais surtout, je voulais voir de plus près cette nation qui rêve de l’ouest et qui se transforme et mûrit et dans d’étranges et douloureuses convulsions. Ici, j’ai découvert des choses d’une beauté insoupçonnée pour beaucoup d’entre vous et j’y ai déjà vécu de nombreuses expériences étranges qui m’ont fait réfléchir sur cette culture en même temps que sur mon identité de jeune Suisse.

L’Oeil de Kiev, c’est un projet que j’avais dans les tiroirs depuis février et que je suis heureux de pouvoir partager avec les lecteurs du Temps. L’occasion de confronter deux cultures résolument européennes, et pourtant parfois aux antipodes. Par des articles plus ou moins longs, j’aimerais partager avec vous certains des paradoxes que j’ai pu observer ou vivre. Certains vous feront rire, d’autres vous aideront juste à voir au delà de certains clichés que nous avons sur cette ancienne république soviétique et dans lequel je vois un splendide laboratoire pour l’Europe de demain. Tant que possible, j’agrémenterai cela d’images, et – qui sait – peut-être d’autres médias. Ce blog sera aussi pour moi un laboratoire, l’occasion de tester d’autres formes de narrations, de raconter d’autres sortes d’histoires que celles que vous lisez dans vos journaux.

Vu qu’on ne se connait pas encore, je me permets ici une petite introduction. Je m’appelle Niels Ackermann, j’ai 28 ans et, si mon activité principale est le photojournalisme, j’aime toucher à tout: de la cuisine méditerranéenne à la programmation en passant par les analyses statistiques. Mon parcours reflète cette diversité, beaucoup de photo (d’abord au sein de l’agence Rezo.ch, puis désormais sous les couleurs de lundi13) pour la presse suisse et internationale, et des études universitaires: d’abord en économie, puis en science politique. Je bricole aussi des sites internet depuis l’âge de 12 ans et reste un assoiffé de nouvelles technologies. Rien par contre pour la cuisine méditerranéenne. Désolé.

Je me réjouis de commencer ces échanges avec vous. Pour clore ce billet, une phrase que j’ai retrouvé hier dans un de mes vieux carnets: «L’Ukraine, c’est ce pays étrange où, dans le bus, ta voisine joue sur le dernier iPhone pendant qu’à travers la fenêtre, tu aperçois une carriole en bois tirée par des chevaux.»