Affaire Baupin – une impression de déjà vu?

 

L’affaire «Baupin» a mis quelques années à émerger en dépit des rumeurs. Malgré la complexité de la question, je m’étonne de la somme de complaisance, de connivence, d’indifférence dont «le système» doit faire preuve pour que de tels individus puissent agir aussi longtemps sans être incommodés. Mais au fait, qui est «le système»?

Tentative de réponse par un cas réel : Clara fait des photocopies dans un bureau désert, à l’heure du déjeuner. Un cadre arrive sur la pointe des pieds et la chatouille à la taille. Elle réagit en bousculant énergiquement l’importun. Tandis que le lourdaud ordinaire s’arrêterait là, il y a fort à parier que le harceleur cherchera une autre cible. Le problème subsistera mais aura été déplacé.

Or le harceleur de Clara est du type hargneux. Il attend son heure pour lui tendre un dossier de travail. Elle fait un bond en découvrant qu’il contient des images pornographiques et se précipite furieuse (mais les mains vides) aux ressources humaines. La femme qui la reçoit est bien embêtée : «Êtes-vous sûre que vous avez bien compris ? …C’est embêtant, vous savezIl faut que vous sachiez qu’il traverse une période difficile…  vous comprenez ?» Eh oui, si seulement Clara pouvait se montrer bonne fille, chacun pourrait continuer son travail !

Or Clara désespère… Elle se montre encore plus professionnelle, encore plus ferme et évite toute équivoque. Peu de temps après, lorsque son harceleur tente de l’embrasser, Clara le repousse de toutes ses forces et fonce dans le bureau du Directeur général à qui elle demande des mesures. Contre toute attente, ce dernier éclate de rire à propos de «ce sacré lascar», ajoutant qu’il n’est pas vraiment méchant … et ramène d’ailleurs beaucoup d’affaires ! Fin de l’histoire…

Pour prospérer, un harceleur peut donc s’appuyer sur l’indulgence complice de ceux qui savent et invitent la victime de ne pas faire d’histoires… car celles-ci nuisent aux affaires… et donc à tous. Le « système » aime trouver des circonstances atténuantes: l’humour mal interprété (par la femme), l’absence d’humour (de la femme), les traditions (« c’est un homme après tout: on ne va pas lui reprocher d’aimer les femmes! »), et le fait que ce pauvre harceleur soit régi par ses instincts… d’ailleurs rudement mis à l’épreuve par la tenue, le physique, le comportement de la femme!

Enfin, le harceleur bénéficie des doutes qui assaillent la victime : possibles répercussions professionnelles, image de faiseuse d’histoires, … suspicion qu’elle n’ait pas la carrure pour le poste !

Le «système » c’est finalement chacun d’entre nous lorsque, en permettant un comportement toxique (et il y en a d’autres !), nous lui permettons de prospérer. Sur une note positive, cela signifie aussi que chacun d’entre nous a le pouvoir de faire l’inverse en donnant un signal clair : stop ! Sachant que les harceleurs représentent une minorité, l’affaire Baupin laisse un goût très amer.

 

Carla Hilber del Pozzo

Carla Hilber del Pozzo est consultante et formatrice en communication, leadership et développement de carrière, après un parcours de direction dans le secteur privé.

Une réponse à “Affaire Baupin – une impression de déjà vu?

  1. Excellent article, j’aime beaucoup votre regard acéré sur la situation que vivent tant de femmes. BRavo!

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